Je sens que les poules urbaines s'en viennent en ville.

Pas demain matin. Mais l'idée fait son chemin.

Elle avance pour les poules dans nos jardins, mais aussi pour les abeilles sur les toits avec leurs ruches remplies de miel, pour les rocailles de tomates et de concombres, pour les bordures de roquettes (de la vraie mauvaise herbe) et les boîtes à fleurs remplies de basilic...

Bref, l'idée d'une ville un peu fermière, comme Portland, Seattle ou Vancouver, grandit tranquillement.

 

Hier, au Sommet sur la biodiversité et le verdissement de Montréal, le maire Gérald Tremblay ainsi que le Conseil régional de l'environnement de Montréal, regroupement d'à peu près tous les organismes écolos de la métropole, ont en effet signé une déclaration collective «en faveur de la biodiversité et du verdissement». Et parmi les actions encouragées pour atteindre ce but, on dit qu'il faut «développer l'agriculture urbaine durable sous toutes ses formes».

J'entends déjà les piaillements...

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Évidemment, l'agriculture urbaine n'est qu'un des nombreux volets du verdissement de la ville dont plusieurs spécialistes sont venus parler pendant deux jours. Il a aussi été question de parcs à retaper, de couloirs verts à mettre en place et de couloirs bleus - en cours d'eau - à dépolluer et à réorganiser si on veut que la ville prenne un vrai virage rempli d'air frais et de chants d'oiseaux et de grillons.

Sauf que l'agriculture urbaine a toutes sortes de qualités.

Un responsable de la Santé publique, Norman King, est venu, par exemple, vanter ses mérites pour les personnes âgées qui y trouvent une activité sociale et physique, en plus de légumes frais.

Et puis, elle a cette vertu dont les grands projets sont dépourvus: elle ne nécessite pas de grands investissements publics.

Encourager les gens à transformer leur pelouse en potager ne coûte pas cher. Changer le règlement sur les poules non plus. Évidemment, s'il faut décontaminer des terrains industriels pour les rendre cultivables, il y a des coûts associés, mais rien comparé à des transformations grandioses à long terme, comme le magnifique et immense projet de verdissement et de revitalisation dans la Ruhr, ancien coeur industriel de l'Allemagne, présenté mardi par un de ses anciens pilotes, Hans-Dieter Collinet. («C'est l'histoire de la création d'un paysage là où on pensait qu'il ne pourrait jamais en exister», a dit M. Collinet. Inspirant, je vous le dis.)

On rêve de telles idées pour Montréal, évidemment. Mais l'agriculture urbaine, elle, est terre à terre. Immédiate. Il n'y a pas de raison que les arrondissements ne bougent pas demain matin pour revoir leurs règles, distribuer de l'information, encourager les initiatives citoyennes. La Ville centre pourrait même mettre le Jardin botanique à contribution pour fournir des plants aux citoyens qui décideraient de convertir une cour cimentée à l'agriculture, ou de transformer un devant de maison bétonné en mini plate-bande de fleurs vivaces...

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Le verdissement de la ville ne dépend pas uniquement des décisions que prendront (ou ne prendront pas) élus et fonctionnaires municipaux.

Hier, le maire du Plateau, Luc Ferrandez, est venu parler de tous les facteurs qui encouragent l'immobilisme en ville. Et savez-vous quoi, il nous blâme aussi un peu, les citoyens, et il n'a pas tort.

Ne sommes-nous pas les premiers à refuser les contraintes posées par les mesures pro-environnement?

Ne sommes-nous pas les premiers à rouspéter s'il y a un coût associé?

La réaction épidermique d'une partie de la population au projet de l'échangeur Turcot amélioré, plus vert et mieux adapté aux réalités urbaines, mais aussi plus cher, a montré qu'il y avait au Québec une forte résistance à l'investissement urbain vert.

On aime bien dire aux sondeurs qu'on est écolos. Mais perdre sa place de parking?

Ne levons pas le nez sur cette agriculture urbaine qui permet au moins de commencer, concrètement et savoureusement, à apprivoiser les vertus bien réelles du verdissement de notre environnement citadin.