Dans un texte d'opinion publié sur le site internet du New York Times, le directeur de la technologie au Global Petroleum Research Institute américain, David Burnett, écrit que l'explosion de la plateforme de forage de la BP dans le golfe du Mexique est, pour l'industrie du pétrole, l'équivalent de l'explosion de la navette Challenger pour la NASA.

«Nous sommes bouleversés par les pertes humaines, consternés par les conséquences financières et, (personnellement) nous nous sentons un peu trahis par notre propre technologie. Cette plateforme était à la fine pointe de la technologie, avec des systèmes de sécurité à trois niveaux pour détecter et éviter de telles explosions.»

Nulle part dans son texte note-t-il, et encore moins s'excuse-t-il, pour la différence cruciale entre l'explosion du véhicule spatial et celle de l'installation maritime: la dramatique urgence environnementale causée par le bris des mécanismes protecteurs de la Deepwater Horizon.

La catastrophe créée par le déversement quotidien de milliers de barils de pétrole brut dans l'océan, au large des côtes louisianaises - et le retard pris par les responsables de la BP pour colmater le puits - ne se compare en rien aux dégâts matériels causés par la destruction de Challenger. Cette omission en dit long sur les oeillères de ce secteur énergétique.

Évidemment, on ne peut pas s'attendre à ce que les gens qui vivent de l'extraction pétrolière condamnent leur propre industrie. Mais l'heure est à l'humilité, aux mea-culpa et aux remises en question. Les ingénieurs déçus de voir que leur invention n'a pas marché comme prévu devront repasser pour la sympathie. Et chercher plutôt, en attendant, à prendre leurs responsabilités et à les assumer devant tous ceux, pêcheurs, gens d'affaires vivant du tourisme côtier, résidants des États menacés et autres fous de Bassan, dont la vie sera affectée par ce sombre échec.

On n'a pas fini d'entendre parler des conséquences environnementales de ce désastre. Plus de 20 ans après l'accident de l'Exxon Valdez, cet énorme pétrolier échoué en Alaska en 1989 et qui a déversé des millions de gallons de brut dans la mer, les communautés et les systèmes écologiques touchés en subissent encore les contrecoups.

Préparez-vous à en voir, des plages noires et des pélicans englués, des rochers et des mangroves souillés. Et préparez-vous à entendre parler de l'avenir des fameuses crevettes du Golfe, du vivaneau, des huîtres, et des innombrables séquelles que laisseront ces milliers et ces milliers de barils gluants et collants et puants sur la côte et dans les écosystèmes marins.

«Un autre Katrina», a dit un Louisianais, hier, sur un site de nouvelles américain. Oui, sauf que cette fois-ci, la nature n'a rien fait. Ce n'est pas sa faute à elle. Avec l'ouragan Katrina, on pouvait la blâmer pour le bris des digues protégeant La Nouvelle-Orléans des crues du Mississippi. Dans ce cas-ci, la nature n'a rien à se reprocher. Nous, les humains, sommes les seuls à devoir en assumer la responsabilité.

Peut-être que ce désastre sera d'ailleurs le fameux tipping point, le point de rupture paradoxalement nécessaire pour que se déclenche une prise de conscience environnementale réellement inquiète et dégoûtée, d'un degré assez fort pour faire accepter de nécessaires contraintes futures. Pour bousculer les habitudes.

Car ce pétrole, c'est vous et moi qui en avons besoin pour prendre notre voiture pour partir de loin et aller au travail au centre-ville. Pour pouvoir acheter des biens bon marché venus de l'autre bout du monde. Pour manger des fraises en hiver.

Oui, mais c'est du pétrole américain, dont l'extraction a été encouragée dans le cadre d'efforts visant à rendre les États-Unis de plus en plus autonomes sur le plan énergétique, diront certains.

Mais ne devons-nous pas nous rappeler les conséquences environnementales quotidiennes de nos extractions albertaines? Il n'y a pas de quoi être fiers là non plus. Les catastrophes environnementales ne sont pas toutes subites et spectaculaires. Certaines ont lieu au quotidien, à petite dose, plus subtiles, plus acceptées...

Il y a probablement mille leçons d'ingénierie à tirer du très grave accident américain.

Mais celle qui nous concerne tous, ici, maintenant, c'est qu'il faut, une fois de plus, s'interroger sur notre consommation pétrolière.

Les méfaits des gaz à effet de serre causés par la combustion du pétrole, si clairement exposés dans le documentaire An Inconvenient Truth d'Al Gore, sont en soi une cause sérieuse de réflexion.

Il y a maintenant une autre raison de s'interroger.