Comme l'a bien expliqué Greenpeace, hier, dans sa présentation à la presse, ce ne sont pas les produits de luxe, style caviar ou thon rouge, inabordables, ou alors les produits peu courants (qui mange souvent du requin pour dîner?) qui sont les plus difficiles à retirer du menu quotidien du consommateur moyen pour cause de non-rectitude environnementale.

On n'en mangeait déjà pas ou très peu. Le fait qu'il s'agisse d'espèces menacées n'est que l'énième bonne raison de les éviter.

 

Non, ce qui est difficile, c'est tout le reste de la liste rouge des produits de la mer qu'on ne devrait plus manger.

Ce sont tous ces poissons et fruits de mer que l'on mange tous les jours, qui sont partout dans nos menus. Et qui posent problème car ils sont surpêchés, mal élevés, mal récoltés...

Prenez le saumon de l'Atlantique, par exemple. Fumé, grillé, en sushi, il est omniprésent au resto et au supermarché. Eh bien! Savez-vous que, dans la plupart des cas, il provient d'élevages industriels côtiers où il est nourri de colorant rose et de farines animales horripilantes avant de contaminer l'océan avec ses parasites? Lorsque j'ai lu la description de ces élevages dans le livre Notre mer nourricière, du journaliste Taras Grescoe, j'en ai eu l'appétit coupé.

Si vous voulez manger du saumon, choisissez le sauvage - celui de la côte Pacifique ou de l'Alaska - ou le biologique, ou alors, à la limite, celui qui provient d'élevages clos. Toutefois, préparez-vous à payer. Le saumon bon marché est généralement le surindustrialisé, précisément celui qu'il faut éviter.

En fait, malheureusement, à moins d'assister à une braderie dans un port de mer où les petits pêcheurs indépendants parfois liquident leurs stocks en fin de journée pour ne pas le perdre, il faut se méfier du bon marché. Ou du moins, se poser des questions.

Prenez ces grosses crevettes surgelées vendues dans les grandes surfaces à prix dérisoire. Alerte. Ces crustacés proviennent d'élevages asiatiques qui sont problématiques à plusieurs égards. Là encore, le livre de Grescoe nous en dresse un portrait pétrifiant.

D'abord, dans certains pays, ces fermes intensives sont en train de désorganiser complètement la pêche traditionnelle, dont dépendent des millions de personnes. Ensuite, pour produire des aliments comestibles, ces élevages doivent avoir recours à toutes sortes de désinfectants polluants pour l'environnement. Ne trouvez-vous pas, d'ailleurs, que parfois ces grosses crevettes ont un goût de chlore?

Enfin, comme c'est aussi le cas avec le saumon, on nourrit les crevettes de protéines animales trouvées en mer, qui représentent un poids supérieur à la chair produite. Pour produire 1kg de crevettes, il faut 2kg de nourriture animale.

Imaginez si, pour produire un boeuf, on devait tuer deux cochons...

Est-ce sensé?

Faut-il donc arrêter de manger des crevettes? Pas toutes. Les sauvages peuvent être bonnes, par exemple les nordiques, abondantes et saines. Les crevettes de Matane n'auront jamais eu aussi bon goût.

Les pétoncles? Problème là aussi. Cette fois, ce sont les pétoncles sauvages de l'Atlantique qu'il faut éviter, ces gros muscles très populaires dans les bons restos montréalais. Le coquillage n'est pas menacé, mais les méthodes de pêche sont problématiques: du dragage qui détruit les écosystèmes des fonds marins. À la place, il faudra préférer les petits pétoncles élevés et pêchés correctement.

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Faire des choix écologiquement corrects à la poissonnerie ou au resto n'aura jamais été aussi compliqué. On peut tout simplifier en abandonnant complètement le poisson, mais se tourner vers la viande n'est pas une solution plus équilibrée. Là aussi, l'industrialisation de l'approvisionnement alimentaire cause de nombreux problèmes.

On peut toujours devenir végétarien, ou alors ne pas abandonner la viande mais choisir uniquement des produits biologiques.

On peut aussi continuer à manger du poisson et des fruits de mer, mais avec un regard critique et informé, en sachant que les petits poissons sont souvent les meilleurs choix.

Pourquoi les consommateurs de poissons et de fruits de mer québécois ne suivraient-ils pas ceux de la Colombie-Britannique, qui ont une longueur d'avance?

Il ne faut plus avoir peur de demander aux commerçants d'où viennent leurs produits, comment ils ont été pêchés. Et surtout, il ne faut plus se laisser intimider par ceux qui veulent profiter de notre ignorance de citadins en matière de produits océaniques et exiger de vraies réponses claires. Quitte à avoir l'air fou. Quitte à se faire servir une leçon. On peut toujours en apprendre plus.