Peut-être que, si avoir un enfant n'avait aucun impact sur la progression d'une carrière, les femmes attendraient moins longtemps avant de concevoir et passeraient à l'action à l'âge où elles sont, statistiquement, le plus fertiles.

Peut-être que, si des programmes d'éducation sexuelle et autres plans de prévention intelligents arrivaient à faire réellement comprendre aux jeunes à quel point il ne faut pas prendre de risque avec les MTS, les problèmes de fertilité seraient moins fréquents.

Peut-être que, s'il y avait plus de recherche sur la prévention, on aurait moins besoin de traitements contre l'infertilité.

Peut-être que, si on vivait dans un monde moins fou, concevoir un bébé ne serait pas quelque chose d'aussi planifié, organisé, prévu, attendu. Peut-être qu'on laisserait à la nature le temps de faire son oeuvre, sans stresser.

Sauf que voilà.

On ne vit pas dans un tel monde.

On vit dans une société qui n'a pas encore réussi à concilier travail-famille comme il faut. Une société imbibée de contraintes et d'une conception structurée et contrôlée de la vie.

Et dans un tel monde, l'aide médicale à la procréation trouve sa place. Elle permet de réparer les cicatrices, d'étirer le temps, d'apporter des solutions à des anomalies médicales dont on saura sûrement un jour si elles sont en lien avec ce qui pollue notre environnement ou nos modes de vie, mais qui, pour le moment, ont avant tout besoin d'être corrigées.

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À partir d'aujourd'hui, la couverture de ces traitements par notre programme collectif d'assurance maladie est étendue.

Le programme couvre déjà toutes sortes d'interventions pour aider les couples à avoir un enfant. Maintenant, il en couvrira plus. Il donnera notamment la chance à tout le monde, pas seulement les couples aisés ayant accès aux cliniques privées, d'essayer trois cycles de fécondation in vitro.

Un des grands malentendus actuels au sujet de ce changement est que l'on passe d'un monde où tout devait être fait au privé, donc en payant, à un univers où tout sera couvert par l'État. La réalité est que, d'une part, tout ne sera pas couvert et que, d'autre part, la Régie de l'assurance maladie du Québec couvre déjà toutes sortes d'actes médicaux gynécologiques directement liés à la fertilité. Par exemple, dans le cadre de leur travail, les médecins prescrivent des stimulateurs ovariens, font des interventions chirurgicales pour corriger des anomalies utérines, aident les femmes qui ont de la difficulté non pas à concevoir, mais plutôt à garder leur embryon. Et la liste continue.

L'élargissement de la couverture pour inclure d'autres types de traitements rétablit en fait, il me semble, une certaine équité entre les groupes qui souffrent de différents problèmes de fertilité. Oui mais, répondront ceux qui trouvent cette nouvelle politique gouvernementale exagérée, la nature est foncièrement inéquitable et si on essaie de corriger toutes ses injustices, on ne s'en sortira jamais. Là-dessus, ils ont tout à fait raison.

Avouez, toutefois, qu'il est absurde que l'on paie collectivement pour les IVG et pas pour la FIV...

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Une des choses les plus tristes de ce débat est la façon dont on accuse ceux qui veulent être aidés financièrement notamment pour les traitements de fécondation in vitro de coûter trop cher. Au point où même ceux qui ont demandé le financement public cherchent à nous convaincre qu'ils ne coûteront rien, puisque les nouvelles restrictions réglementaires devraient provoquer une diminution de l'enveloppe budgétaire nécessaire pour les coûteuses grossesses multiples. Difficile d'y croire.

Mais pourquoi veut-on absolument nous convaincre que tout cela ne coûtera rien? Pourquoi ne pas tout simplement accepter qu'on fait ce choix social, avec la facture qui l'accompagne?

Autre critique entendue souvent: l'argent aurait dû aller ailleurs. Oui, l'argent aurait pu aller à bien des endroits, notamment du côté de la clinique du Dr Gilles Julien, qui aide les enfants montréalais défavorisés et leurs familles. D'ailleurs, on devrait lui en mettre un peu de côté.

Cela dit, ne trouvez-vous pas qu'aider la vie à ses débuts est quand même un choix valable?

Mais l'acceptation des caprices de la biologie... Mais ça ne devrait pas être nécessaire... Mais ce serait mieux de prévenir. Mais sait-on réellement où tout cela va s'arrêter...

Mais voilà aussi: pour toutes sortes de raisons sur lesquelles on a parfois très peu de prise, des couples ne peuvent pas concevoir sans aide médicale et ont besoin de traitements. Ces soins extrêmement difficiles physiquement et émotivement, ponctués de souffrances, d'espoirs grands comme l'univers, de déceptions abyssales, testent la solidité des amours, ébranlent les individus.

Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on ne commence pas, aujourd'hui, à financer collectivement quelque chose de banal ou d'inutile. On travaille sur l'essentiel.