Hillary Clinton n'a pas gagné l'investiture démocrate en 2008. Et elle a été victime, durant sa campagne, d'un sexisme parfois débilement délirant.

Mais cela n'a pas empêché les femmes de faire une percée historique, à plusieurs égards, sur la scène politique durant cette élection. Et de continuer à prendre leur place aux États-Unis. Regardez novembre...

Sur le chemin qui l'a menée, pour le moment, au secrétariat d'État, Clinton a bousculé les barrières de tous les côtés et, chemin faisant, a fait de la place pour un nouvel espace mixte sur la scène publique. Première femme à gagner une primaire, première femme à récolter 18 millions de votes pour une candidature présidentielle, première femme à se rendre si près du but...

Hillary, par sa présence, a forcé un réajustement des partis, a amené les grands médias à faire une place inégalée aux commentatrices, a même offert sur un plateau d'argent de nouveaux personnages de premier choix aux femmes humoristes. Sarah Palin est arrivée dans sa foulée, suivie maintenant de toute une flopée de candidates républicaines. Le Parti démocrate a aussi vu une augmentation de l'intérêt des femmes pour des postes élus.

Bref, «en 2008, les femmes sont devenues pertinentes comme on ne l'avait jamais vu», résume en entrevue Rebecca Traister, journaliste à Salon.com et auteure de Big Girls Don't Cry. L'ouvrage, qui vient tout juste de paraître chez Free Press et de recevoir une critique élogieuse du New York Times, propose une analyse de l'impact de la dernière présidentielle sur les femmes et la politique aux États-Unis.

En revenant sur les déboires de Clinton, ses difficultés pour convaincre un électorat féminin et féministe parfois rébarbatif, sur le sexisme qu'elle a dû subir - Traister en a déterré une tonne d'exemples qui se sont souvent perdus dans l'abondance de la couverture électorale -, la journaliste essaie de comprendre pourquoi la première sérieuse candidate féminine n'a pas su battre Barack Obama. Mais elle revient aussi sur tout ce qu'elle a réussi, chemin faisant, à accomplir.

Et selon elle, Clinton a réussi, si ce n'est qu'en ayant été présente sur toutes les tribunes, longtemps, à changer à jamais la scène électorale et politique américaine. Maintenant, la possibilité des candidatures féminines est acquise. Sans elle, les républicains auraient-ils choisi Sarah Palin comme candidate à la vice-présidence? Si elle n'avait pas été là pour ouvrir la voie, médias et joueurs politiques auraient-ils porté le même regard, parfois admiratif, parfois inquiet, mais jamais condescendant sur Michelle Obama, l'autre épouse de carrière? Et si Hillary n'avait pas été là pour signaler que cette élection se jouerait avec les femmes - 18 millions de personnes l'ont appuyée, ce n'est pas rien -, les médias auraient-ils fait autant de place aux commentatrices et journalistes féminines qui, de Katie Couric de CBS à Campbell Brown de CNN, en passant par Rachel Maddow de MSNBC, ont occupé comme jamais l'espace éditorial durant l'élection?

Bref, en 2008, politiques et médias se sont rendu compte que la population avait ce que Traister appelle un plus grand «appétit» que ce qu'ils ne pensaient, surtout au début de la campagne d'Hillary Clinton, pour les femmes en politique. Et ce changement, croit-elle, est là pour rester.

Paradoxalement, c'est le Parti républicain, dont plusieurs politiques partisanes officielles vont pourtant à l'encontre de l'égalité - notamment des positions en faveur d'une diminution des droits reproductifs des femmes et une opposition aux réformes des lois sur le travail et sur le financement des soins de santé qui aideraient les femmes -, qui semble avoir le plus minutieusement tiré des leçons de cette élection.

En effet, non seulement l'électorat républicain continue-t-il de laisser Sarah Palin prendre sa place. Mais en plus, en pleine saison des primaires, en préparation des élections de novembre au Congrès et aux postes de gouverneurs de plusieurs États, les visages féminins républicains s'imposent partout: Michele Bachmann, Christine O'Donnell, Meg Whitman, Mary Fallin, Jan Brewer, Kristi Noem, Linda McMahon, Nikki Haley, Carly Fiorina, Kelly Ayotte... La liste est longue. Parfois bizarre, car plusieurs de ces femmes militent pour des politiques qui vont à l'encontre du progrès social qui leur a permis d'arriver là où elles sont. «Normalement, ce sont les démocrates qui devraient être en train d'embrasser les candidatures féminines puisque ce sont eux qui ont un programme politique proégalité», explique Traister, qui ne cache pas sa déception face à cette situation absurde. Mais la présence des femmes, explique-t-elle, doit être acceptée partout. À gauche et à droite.

D'ailleurs, même si elle trouve les idées de Sarah Palin «dangereuses, xénophobes et destructrices», elle trouve inacceptable que l'ex-gouverneure de l'Alaska soit ridiculisée et traitée avec le mépris que lui réservent bien des commentateurs américains. «Il faut déboulonner ses idées intelligemment, pas la mépriser», dit la journaliste. Car le rejet superficiel du personnage, basé simplement sur son ultra-conservatisme, nourrit le ressac antidémocrate dont elle tire ses forces.

«Le sexisme vieille école a donné de la force à Hillary. Il donne aujourd'hui de la force à Palin», dit-elle.

Traister est en outre convaincue qu'on n'a pas entendu le dernier mot d'Hillary Clinton non plus et se demande même si, en 2016, il n'y aura pas une élection opposant Palin et la secrétaire d'État. «L'appétit» pour les femmes en politique, après des décennies d'absence et de sous-représentation, est là, croit-elle.

On s'en reparle?

Pour joindre notre chroniqueuse: mlortie@lapresse.ca