Je parlais mercredi avec une porte-parole du ministère des Transports du Québec au sujet du nouveau projet pour l'échangeur Turcot, quand celle-ci a lancé un mot qui m'a étonnée. «On veut que ce soit beau.»

Le Ministère est prêt, a-t-elle expliqué, à prendre 1% du budget de ce projet d'infrastructure (donc 30 millions) et, comme le prévoit la politique québécoise sur l'intégration des arts dans les bâtiments publics, à l'investir dans quelque chose qui donnera une signature architecturale au projet.

Sculpture? Arche? Monument? Rien n'est décidé.

Mais apparemment le MTQ veut, comme Montréal, que l'échangeur Turcot soit non seulement un carrefour où transitent 290 000 voitures par jour, mais aussi une porte d'entrée emblématique dans la métropole.

Cette idée d'ajouter quelque chose, de marquer cette immense construction n'est pas inintéressante.

Mais les grands projets urbains que l'on reconnaît de grande ville en grande ville ne sont-ils pas des signatures d'abord et avant tout par ce qu'ils sont et ce qu'ils font? Par ce qu'ils apportent à la vie urbaine? Par ce qu'ils permettent?

O.K., j'en conviens, la tour Eiffel ne sert pas à grand-chose, mais elle était un défi d'ingénierie, comme l'arche spectaculaire et emblématique d'Eero Saarinen, à St. Louis, au Missouri. Toutefois, de façon générale, de l'opéra de Sydney au Colisée de Rome, en passant par le musée Guggenheim de Bilbao et l'Empire State Building de New York, les oeuvres architecturales emblématiques des villes ne sont-elles pas d'abord et avant tout des constructions utilitaires qui ont su aller plus loin que les autres autant dans leur forme que dans leur fonction?

Le vrai défi que devrait essayer de relever le MTQ, ne serait-il pas donc de faire de l'échangeur en lui-même un monument de modernité? Un hommage (routier) à la créativité, branché sur les défis de l'avenir ...

Et si la beauté du projet était l'intelligence déployée pour réinventer la roue en version plus verte, plus bleue, plus claire?

Apparemment, il reste encore de la place pour inventer. Le projet n'est pas figé.

Et, tel qu'il a été présenté au début de la semaine, il est déjà beaucoup moins déprimant que sa version originale. Peut-être peut-on encore avancer un peu.

L'idée de faire un pont vert entre le pied de la falaise Saint-Jacques et le canal de Lachine, par exemple, est très sympathique. Mais passons de 30 à 100m de large pour le parc, et ce sera encore mieux.

L'idée de garder la route élevée à plusieurs endroits est aussi moins pire que celle, à l'origine, des remblais difficiles à traverser. Enlevons-en d'autres.

Réserver des voies aux autobus et aux taxis. Incluons le covoiturage.

Et quoi encore?

Il manque dans ce projet le facteur «wow» qui, bien au-delà de l'esthétisme des lieux, fera que les Montréalais seront prêts à endurer notamment le cauchemar des travaux et la cruauté des expropriations.

Pour trouver des idées, le MTQ devrait aller chercher de l'aide ici, mais aussi sur la scène internationale, dans des pays qui ont réussi à sortir des sentiers battus.

Une des façons de donner ce plus à toute l'opération serait d'annoncer dès maintenant des avancées majeures en matière de transports en commun avec des projets réellement avant-gardistes. On pense à un train électrique qui pourrait (devrait) aller jusqu'à l'aéroport Trudeau, en s'arrimant à un réseau étendu jusqu'à LaSalle et Lachine, voire la Rive-Sud.

Mais il doit bien y avoir d'autres choses à faire, plus amusantes, éclatées, concrètes, directement branchées sur la qualité de vie en ville.

Imaginez par exemple si, en travaillant de concert avec la Ville et le gouvernement fédéral, on pouvait profiter des travaux pour améliorer les grands axes cyclables vers le Sud et l'Ouest les rendre skiables en hiver. Imaginez si le canal de Lachine était intégré à tout cela, skiable en hiver, navigable en été. Soudainement, le projet de transport devient carrément moderne, mélangeant l'utile au récréatif et aux impératifs verts...

Imaginez si Montréal devenait la ville du transport en ski (vive l'hiver!) et si l'échangeur Turcot intégrait quelque part un passage suspendu pour le ski l'hiver et le vélo l'été. Ça, ce serait toute une signature!

Traitez mes idées de farfelues si vous voulez, et je ne prétends même pas qu'elles soient bonnes, mais c'est en délirant et en réfléchissant à l'extérieur des sentiers battus qu'on finit par avoir le High Line new-yorkais ou la coulée verte à Paris, ou même le centre Pompidou ou l'ensemble de l'oeuvre de Gaudí à Barcelone.

Ces fameuses signatures sont emblématiques parce qu'elles ne sont pas allées dans le même sens que tout le reste.

Qu'arrivera-t-il au Laurier?

Une nouvelle choc et hallucinante a atterri mercredi dans le monde de la restauration, scoop de The Gazette: la Rôtisserie Laurier, institution montréalaise, est vendue à un petit groupe d'investisseurs au nombre desquels se trouve nul autre que le chef vedette britannique Gordon Ramsay, connu pour ses restaurants étoilés, ses téléréalités et son langage plus que coloré.

Ce sera son premier restaurant au Canada.

Qu'adviendra-t-il des quarts bruns, de la sauce du Laurier, des tartes au chocolat et de la soupe aux légumes? Nostalgie à prévoir.

Installé au carrefour du Mile End et d'Outremont, sur le chemin menant vers la montagne et le centre-ville, le Laurier a été longtemps au centre d'une vie montréalaise remplie d'artistes, de gens d'affaires, de politiciens, mais aussi d'ados et de grandes familles francophones.

Avait-il besoin d'être dépoussiéré? Oui. Par une superstar internationale? Stupéfaction.