J'avoue que la première fois que j'ai entendu parler de cette histoire de concours de «craque», organisé par la station de radio NRJ, j'ai demandé à mon interlocuteur qu'on me confirme bien la nature de la craque en question. «Tu sais, les seins», m'a-t-il expliqué élégamment.

Je le savais très bien, mais il y a un côté de mon cerveau qui refuse de comprendre les expressions d'une telle vulgarité. La même chose est arrivée d'ailleurs quand il a été question des concours de «plottes à cash», dont celui tout récent lancé par le club Chalet de Brossard. Sachant le sens des deux vocables, celui de l'expression devenait claire. Mais là encore. Réaction viscérale. «Des quoi?»

Ces expressions, autant que ce qu'elles évoquent, m'indisposent profondément. Puritanisme? Snobisme? Pas du tout. Ce qui me fait réagir, c'est de voir le sexe ridiculisé et de voir les humains et les humaines abaissés à un tel point.

Comment peut-on, en 2011, accepter, encourager, permettre des exercices aussi dégradants pour la dignité de certaines personnes?

Je sais, je sais, de certaines téléréalités débiles aux bars de danseuses en passant par l'industrie du sexe au grand complet, l'avilissement est au rendez-vous tous les jours.

Mais quand la stupidité arrive au grand galop avec des concours de bars où on invite des filles à se pavaner en bikini pour que l'on puisse juger leurs formes, ou alors quand la bêtise se tartine prodigalement sur Facebook avec des invitations aux auditrices d'une station de radio à photographier leur poitrine décorée, la réalité saute aux yeux trop fort pour qu'on l'ignore.

Oh, et j'oubliais, il y a aussi le bar à danseuses érotiques de Québec qui fait gagner des implants mammaires.

N'y a-t-il pas moyen de s'amuser autrement?

Ce n'est pas parce que des femmes acceptent de faire toutes sortes de bassesses qu'il faut les encourager à le faire.

Si votre aîné promet mer et monde à son frère cadet en échange d'humiliations et que le petit accepte, allez-vous intervenir ou trouver tout ça fort rigolo?

Vous allez intervenir parce que vous savez qu'on ne laisse pas un humain vulnérable en exploiter un autre de la sorte.

N'est-ce pas que vous allez intervenir?

Oui je sais, je sais. Le sexe ce n'est pas nouveau et ses dérives ne sont pas à la veille de disparaître.

Est-ce une raison, cependant, de ne pas demander de vivre dans une société qui le traite de façon civilisée? Depuis le début de l'humanité, on a appris à faire du feu, à cultiver les terres autour de nous, à utiliser la fourchette, à ne pas se décrotter les orteils en public et à aller sur la Lune. On peut sûrement apprendre à vivre sans concours de «plottes à cash», non?

Sans tomber dans la mièvrerie dont est englué le paysage actuel commercial pré-Saint-Valentin, peut-on se comporter comme des créatures qui ne marchent plus à quatre pattes et qui ont appris à s'exprimer sans hurler comme des orangs-outans?

L'idée de ces concours est grotesque et leur ridicule demanderait à être traité en riant si ce n'était des drames qui découlent de notre nonchalance devant la glorification de cette sexualité caricaturale.

La semaine dernière, par exemple, une jeune Britannique est morte à la suite d'une opération de chirurgie plastique visant à arrondir et à raffermir ses fesses.

Oui. Comme l'ex-Miss Argentine, l'an dernier.

La nouvelle frontière des angoisses de celles qui croient devoir correspondre aux modèles présentés comme idéal féminin - pas tant dans la pub cette fois que dans les bars de danseuses ou les films pornos - est en effet le fessier rebondissant comme un ballon de soccer.

Après la taille minuscule, les jambes filiformes prépubères, les seins très hauts et très ronds et les bras baguettes, le portrait-robot en trois dimensions de la femme idéale selon la sous-culture de l'hypersexualisation comprend en effet maintenant la fesse ultra bombée qui fait écho à l'autre double rondeur siliconée.

Heureusement, au Québec on n'en a pas encore fait un concours, mais allez sur l'internet voir des images de la fesse «améliorée» version 2011, elle est aussi surnaturelle que la poitrine qui généralement l'accompagne.

En fait, je reviens sur ce que j'ai dit. N'allez pas sur l'internet. Une nouvelle recherche de l'Université de Haïfa, en Israël, effectuée auprès de 248 adolescentes montre une corrélation entre l'assiduité sur les réseaux sociaux - oui, Facebook - et les troubles de comportements alimentaires. Et en revanche, le contrôle parental de l'utilisation de l'internet diminue le risque.

Est-ce parce que les réseaux sociaux apportent à ces jeunes quelque chose qui manque typiquement aux victimes de troubles alimentaires? Ou est-ce parce que ces réseaux mènent aux troubles alimentaires, l'étude ne le dit pas.

Mais il est clair que des concours comme ceux lancés par NRJ sur Facebook et que la prolifération de photos sexy affichées partout ne doivent certainement pas aider celles qui n'aiment pas leur corps et aimeraient le changer. Public typique aussi, de ces chirurgies pratiquées chez des femmes de plus en plus jeunes.

Ajoutez à ça les concours de «plotte» et vous avez un univers où ne peut pratiquement que sévir une perception de ce que doivent être les corps et le sexe qui tient de la bande dessinée. Est-ce ainsi, pensez-vous, qu'on peut devenir un adulte heureux?

Peut-on donc, s'il vous plaît, arrêter d'organiser de tels jeux, d'y participer, de les encourager et même, d'y rester indifférents?