Notre système de garderies subventionné est excellent. Et fait envie. Toutefois, il est jeune. Très jeune. Et s'est développé très vite.

Vous rappelez-vous quand Pauline Marois a piloté le lancement de toute l'opération à la fin des années 90? Ça ne s'est pas fait du jour au lendemain, mais presque. Et la demande qui s'est créée instantanément pour toutes ces places est tombée comme un pachyderme sur une structure en allumettes.

Je me rappelle un jour, au début des années 2000, où un CPE m'a appelée pour me dire que j'avais une place pour mon fils né... 18 mois plus tôt. J'avais oublié ce CPE. Surprise, je leur ai demandé de me laisser 24 heures pour y penser. Le lendemain, c'était eux qui ne se rappelaient pas m'avoir appelée la veille!

L'absence de système intégré et centralisé pour gérer les demandes d'inscription et s'assurer que les listes d'attente soient tenues à jour de façon serrée fait partie des premiers bogues qui ont miné le système, en marge de l'évidence: le manque de places.

Pour répondre à la bête collective demandant à être abreuvée d'espaces en garderie, le gouvernement a réagi de toutes sortes de façons, mais le public aussi, en créant notamment de nouvelles crèches privées. Les garderies traditionnelles ayant embarqué pour la plupart dans le train des CPE quand il est arrivé, ce marché était en effet presque totalement ouvert pour ceux prêts à s'y lancer.

Ces établissements privés ne sont pas tous mauvais, loin de là, et plusieurs sont devenus eux-mêmes des CPE au fil du temps.

Mais il y a parmi ces garderies des endroits qui correspondent exactement au portrait-robot d'un projet bâclé: fait trop vite, sans assez d'expertise, par des gens qui croient que ça va être «ben correct». Et qui savent très bien que leur clientèle n'a pas la marge de manoeuvre pour les laisser tomber du jour au lendemain.

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Quand des responsables de garderie sont accusés d'avoir tabassé un de leurs employés, comme le relate mon collègue Tommy Chouinard, a-t-on envie, comme parent, d'attendre que justice suive son cours? Non. On veut surtout sortir notre enfant de là rapidement et le déposer dans un lieu dont on n'entend jamais parler dans les journaux, où les policiers n'ont jamais mis les pieds et où les inspecteurs du ministère de la Famille cochent «tout bon» sur leur rapport.

Le problème, c'est qu'actuellement, un tel scénario est quasi impossible. Une garderie privée est généralement un plan B, à moins qu'elle ait des qualités éducatives bien précises. Et généralement, ce ne sont pas celles-là qui se retrouvent dans les médias pour des histoires de voies de fait causant des lésions.

Le parent qui envoie son enfant dans un lieu à problèmes est donc coincé.

Doit-on nécessairement faire apparaître du jour au lendemain des milliers de places subventionnées parfaites pour sortir de l'impasse? Cette irréaliste solution n'est heureusement pas la seule.

Le cogardiennage - deux ou trois familles partagent la même gardienne à la maison - pourrait être encouragé par des mesures fiscales et en facilitant la vie des parents qui veulent augmenter leur chance d'embaucher une gardienne de qualité en procédant de façon 100% officielle. Actuellement, la bureaucratie qu'affrontent les parents qui veulent assumer les «charges» pour que leur employée ait, par exemple, accès à l'assurance emploi est tellement peu conviviale qu'on dirait un vrai encouragement au travail au noir.

Aussi, peut-être doit-on essayer d'encourager les projets privés à s'installer près des milieux de travail, afin que les parents gardent un oeil sur ce qui s'y passe. Et aide-t-on aussi suffisamment les haltes-garderies, ces services à la carte qui prennent les enfants quand les parents en ont besoin, selon des formules souples adaptées aux besoins des pigistes et autres travailleurs aux horaires éclatés? On serait surpris du nombre de parents qui s'obligent à envoyer leurs enfants au CPE toute la journée et toute la semaine pour remplir les quotas exigés par le programme...

Bref, s'il y a de mauvaises garderies contre lesquelles il faut sévir, il y a aussi sûrement quelques bonnes idées à brasser pour aider les parents à pouvoir s'en libérer.