Quand on écoute le maire Gérald Tremblay parler de l'importance du design à Montréal, on peut, je parle d'expérience, finir par avoir légèrement envie de s'endormir.

Si on part le compteur Geiger pour mesurer la passion, voire l'intérêt réel pour tout ce que le design peut englober ou évoquer - architecture, graphisme, stylisme - dans le discours du maire de Montréal, l'aiguille risque de rester proche du zéro.

C'est en tout cas l'impression que j'ai ramenée de ma visite à l'hôtel de ville, mardi, pour l'écouter lancer les célébrations du cinquième anniversaire de Montréal Ville UNESCO de design. Je cherchais l'étincelle dans la voix, dans le regard, vous savez celle qui saute aux yeux quand on entend parler par exemple Marie-Josée Lacroix, directrice de Design Montréal, à la Ville...

«On a investi 6 millions en cinq ans», a lancé le maire, avec la verve d'habitude réservée à la lecture du bottin téléphonique, sans pour autant nous donner le moindre exemple de réalisation concrète, bâtie, marquante. Une petite photo peut-être? Un dessin?

J'étais en train, donc, de m'assoupir un peu, quand l'actrice Anne-Marie Cadieux est arrivée, pétillante, allumée. On s'est même assises ensemble pour parler de design et de Montréal et j'ai eu l'impression de trouver un phare dans le brouillard. «Moi, j'adore les néons de l'affiche Five Roses, a-t-elle lancé. Tu ne trouves pas que c'est magnifique?»

La comédienne, qui compte aussi la Biosphère, les serres de la bibliothèque de Westmount et Habitat 67 parmi ses immeubles métropolitains préférés, était avec le maire à l'hôtel de ville car elle est la nouvelle porte-parole des cinquièmes Portes ouvertes Design Montréal, événement gratuit qui aura lieu les 4 et 5 juin. Fan d'architecture et de design depuis longtemps, elle a accepté de se prêter au jeu pour encourager ses concitoyens à aller fouiner chez tous ces commerces, agences et autres immeubles remplis de gens créatifs qui non seulement travaillent à inventer notre design, mais dont les bureaux sont aussi souvent, eux-mêmes, de petits havres à idées. Une «visite libre», donc, pour amateur de lieux cool où on n'a jamais pu entrer...

L'an dernier, quelque 20 000 personnes ont participé à l'événement. Cadieux est convaincue que cette année, il y en aura encore plus. «On le sent tous, dit-elle. Il y a un buzz, actuellement, pour le design.» L'actrice est d'ailleurs elle-même en train de magasiner pour se trouver un architecte pour un «petit truc contemporain» qu'elle aimerait se faire construire. «Pas nécessaire que ce soit immense. Ce sont les idées qui comptent. Je ne suis pas la seule, non, à rêver d'espaces plus dégagés, lumineux, de lignes purifiées...»

Environ 75 adresses participent cette année à cet événement mis sur pied en 2006 quand Montréal a été déclaré ville UNESCO de design. Oui, ville de design. Je le répète car j'avoue, c'est difficile à croire parfois, quand on regarde ce qui se construit, ou plutôt ce qui ne se construit pas... L'autre jour, quand le maire a parlé de ses 6 millions en investissements de toutes sortes pour encourager le talent montréalais et les projets exemplaires en design et en architecture, j'admets que j'ai un peu levé intérieurement les yeux au ciel. C'est bien, très bien même, tous ces millions. Et bravo à ceux qui portent ces projets à bout de bras comme tous ceux qui seront aux Portes ouvertes. Mais hormis ce week-end de mise en valeur, Montréal vous semble-t-il réellement une ville de design?

Quand vous regardez tous les nouveaux immeubles résidentiels et commerciaux qui se construisent un peu partout, avez-vous l'impression que la Ville talonne les promoteurs pour que ceux-ci ne mettent de l'avant que de l'architecture de qualité et embauchent les designers et architectes d'ici les plus allumés?

Quand vous regardez le nouvel échangeur Parc-des Pins - même s'il est nettement mieux que ce qu'il y avait avant -, avez-vous l'impression qu'on a eu affaire à de la créativité débridée à faire frémir les autres métropoles qui n'ont pas la chance d'être «ville de design» ?

Quand vous scrutez les plans pour la réfection de Turcot finalement approuvés par la Ville, sentez-vous le design et l'urbanisme de pointe émaner de chaque dessin?

Si je vous dis «feuilleton du CHUM», est-ce un long débat d'idées entre architectes et urbanistes et autres créateurs de lieux fonctionnellement modernissimes qui vous vient à l'esprit?

Il y a à Montréal des créateurs formidables, dont j'admire la détermination, qui pilotent des projets fort intéressants. Qui n'aime pas, par exemple, les fontaines de la place des Festivals? Cela dit, même si Montréal est une ville de design UNESCO, les projets innovateurs en architecture et en aménagement - volets design où la ville peut être influente de façon directe et marquée - manquent cruellement. Il y en a. Mais il n'y en a pas assez. Alors tant que la mairie acceptera des plans de construction médiocres, laissera le patrimoine s'étioler et refusera d'appuyer les innovateurs - je pense notamment au projet écolo résidentiel de Petite-Rivière à Lachine - le mieux serait de se garder une petite gêne quand on parle de Montréal, ville de design. Même si ça fait cinq ans.

Pour joindre notre chroniqueuse: marie-claude.lortie@lapresse.ca