Encore Lucien Bouchard. Décidément, il est occupé, cet homme. La semaine dernière, il a donné une mornifle à son ancien parti. Hier, il s'est attaqué aux universités.

Il y a péril en la demeure, a-t-il dit. Les universités sont sous-financées. C'est la catastrophe.

Sa solution: augmenter les droits de scolarité. Que les étudiants paient leur juste part. Question: pourquoi n'a-t-il rien fait lorsqu'il était premier ministre?

 

Lucien Bouchard n'est pas seul dans ce nouveau combat. Hier, un groupe de choc a donné un point de presse pour expliquer son plan de sauvetage des universités.

Il y avait beaucoup d'ex parmi les signataires du «pacte pour le financement concurrentiel de nos universités»: Michel Audet et Monique Jérôme-Forget, ex-ministres des Finances, Robert Lacroix et Michel Gervais, ex-recteurs d'université, Joseph Facal, ex-président du Conseil du Trésor, sans oublier quatre ex-présidents d'association étudiante et, évidemment, Lucien Bouchard.

La hausse proposée est brutale: environ 2200$. Pour les étudiants inscrits dans des facultés onéreuses, comme médecine, la facture serait plus salée: entre 3000$ et 10 000$. L'augmentation serait étalée sur trois ans à partir de 2012.

Actuellement, les étudiants paient 2000$ par année. Imaginez le choc.

Le groupe Bouchard propose aussi que chaque université fixe le total de ses droits de scolarité à l'intérieur de certaines balises. McGill, une des meilleures universités du monde, se précipitera pour faire flamber la facture. Elle sera réservée à l'élite, la crème de la crème.

Les élus ne doivent pas laisser le champ libre aux universités. Car il ne s'agit pas uniquement de vulgaires droits de scolarité. C'est vrai que les droits exigés au Québec sont plus bas que dans le reste du Canada. Sauf qu'il y a une raison historique derrière cette réalité. Pendant la Révolution tranquille, le gouvernement voulait que les universités se démocratisent et ouvrent leurs portes aux fils d'ouvriers.

Pendant le point de presse, l'ex-recteur de l'Université de Montréal Robert Lacroix a parlé des effets néfastes du sous-financement. Il s'est bien gardé de préciser que 10 des 15 universités ont renoué avec les surplus en 2008-2009. Le tableau n'est pas aussi noir que le prétend le club des ex. Mais il faut bien qu'ils le noircissent, le tableau, pour faire passer leurs idées.

Et les effets néfastes d'une hausse brutale des droits de scolarité? Même si le groupe Bouchard-Lacroix est prêt à consacrer 30% des sommes recueillies pour bonifier le programme des prêts et bourses, une hausse trop brutale aura probablement un effet négatif sur l'accessibilité.

Selon le Conseil supérieur de l'éducation, «les problèmes financiers expliquent le quart des abandons, ce qui en fait la raison la plus fréquemment observée dans l'ensemble des motifs évoqués». En 2003, Statistique Canada avait conclu que les jeunes issus de familles à revenu élevé étaient 2,5 fois plus nombreux à l'université.

M. Bouchard devrait se pencher sur ces chiffres avant de proposer des hausses à gogo.

Pas un mot, non plus, sur la folie des grandeurs de certaines universités qui se sont lancées tête baissée dans des projets immobiliers ambitieux, comme l'îlot Voyageur à l'UQAM.

Et que dire de l'Université de Sherbrooke, qui ne se gêne pas pour cannibaliser la clientèle de Montréal en s'installant à Longueuil et qui vient de terminer la construction d'une tour à côté du métro? Pas d'argent, les universités?

Autre réalité gardée sous silence: les coupes sauvages du gouvernement dans les années 90 qui ont laissé les universités dans un état lamentable. Et qui était premier ministre? Lucien Bouchard.

C'est vrai que la situation n'est pas rose dans les universités. En 2008, une série dans La Presse en a étalé les grandeurs et misères: notes gonflées, diplômes au rabais, bibliothèques dégarnies, nombre affolant de chargés de cours, concurrence malsaine entre les institutions, immeubles désuets, etc.

Mais est-ce entièrement la faute au sous-financement? Et si les universités étaient surtout malades d'une école trop faible et d'un cégep trop complaisant prêt à tout pour faire passer les élèves, quitte à baisser le niveau?