Une gifle sur la joue droite et une autre sur la gauche. Une sacrée paire de claques. Ça va faire mal, attachez votre portefeuille.

Le budget du ministre des Finances, Raymond Bachand, se résume à une enfilade de taxes et de tarifs. Le gouvernement libéral avait promis de ne pas augmenter les impôts. Il a tenu sa promesse, mais il s'est drôlement rattrapé avec les taxes et les tarifs.

 

Ça me rappelle le maire de Montréal, Gérald Tremblay, qui avait promis de geler le fardeau fiscal des contribuables et qui s'en donnait à coeur joie dans chaque budget en imposant un festival de tarifs.

Québec a frappé fort. Beaucoup trop fort. Il a touché à tout, ou presque, sauf les garderies. Hausse des tarifs d'électricité, hausse de la taxe sur l'essence, hausse de la TVQ, qui passera de 7,5% à 9,5%, création d'une taxe santé de 200$ et imposition éventuelle d'un ticket modérateur de 25$ par visite chez le médecin, sans oublier une hausse des droits de scolarité à l'université.

Une petite claque sur la gueule avec ça, peut-être?

«Les vaches sacrées, c'est en Inde», a dit hier le ministre des Finances. J'ai des petites nouvelles pour vous, M. Bachand. Les vaches sacrées existent encore au Québec. Et ce n'est pas parce que les Lucien Bouchard de ce monde vous ont demandé de les sacrifier sur l'autel du déficit qu'il faut jeter le bébé avec l'eau du bain et dévaliser les contribuables.

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Le pire, c'est la santé. Là, c'est le bouquet. Le ministre des Finances largue par-dessus bord le sacro-saint principe (oui, encore une vache sacrée) de l'universalité des soins de santé.

L'idée d'un ticket modérateur est arrivée comme un cheveu sur la soupe. Elle est sortie du chapeau d'un gouvernement qui cherche désespérément des revenus. Sans l'ombre d'un débat. Rien, à part les discours apocalyptiques de Lucien Bouchard et des lucides.

Le gouvernement parle de franchise, et non de ticket modérateur. Laissez-moi rire. Il s'agit bel et bien d'un ticket. Ce n'est pas parce qu'on paie à la fin de l'année dans une déclaration de revenus et non directement au médecin que le ticket perd soudainement son caractère explosif. Franchise? N'importe quoi! Un mot pudique et trompeur pour noyer la controverse.

La franchise va faire mal. Un couple avec deux enfants qui fera 10 visites chez le médecin au cours d'une année devra payer 250$. Cette somme exclut les 200$ que chaque adulte doit verser pour la taxe santé créée par le ministre Bachand. Au total, ce couple devra donc débourser 650$ (250$ " 2 X 200$). Une petite fortune.

Ce n'est pas tout. Le gouvernement parle d'une franchise qui «orienterait les usagers» au bon endroit afin de les «responsabiliser». Si vous avez mal à la tête et que vous allez aux urgences plutôt qu'au CLSC, votre visite vous coûtera plus cher que 25$ parce que vous aurez cogné à la mauvaise porte. Tant pis pour vous. Et si vous devez voir deux médecins différents au cours de votre visite - un généraliste et un spécialiste, par exemple -, vous devrez payer deux fois 25$, soit 50$.

Ça frise l'indécence.

Je vous précise que j'ai vérifié ces chiffres auprès du ministère des Finances.

La franchise n'est qu'un projet, a précisé Raymond Bachand. Je veux bien, mais la brèche est là. Grande ouverte.

Et tout ça pourquoi? Pour réduire le déficit. Le «méchant» déficit hérité de la crise économique. Pourtant, le Québec a été remarquablement épargné par la crise, si on le compare à d'autres pays dans le monde.

Je suis tombée sur un tableau intéressant. Page A9 du budget. Le déficit du Québec en 2009 est comparé à celui de 14 autres pays. Et c'est le Québec qui s'en tire le mieux. Tiens, tiens. Son déficit représente 1,4% du PIB, comparativement à 3,5% pour le Canada, 2,2% pour la Suède et la Nouvelle-Zélande, 4,7% pour l'Australie, 9,9% pour les États-Unis et 12,6% pour le Royaume-Uni.

Ça ne veut pas dire que le Québec n'est pas endetté. Oui, le poids de la dette entrave le développement économique, mais pourquoi devrais-je croire le gouvernement quand il promet de limiter ses dépenses? Car c'est ce même gouvernement qui est incapable d'accoucher du CHUM sans faire exploser les coûts.

Hors sujet, me direz-vous. Pas sûr. Le ministre Bachand va puiser 3,5 milliards dans les poches des contribuables au cours des prochaines années, ce qui représente 40% de l'effort demandé pour réduire le déficit. Le reste, 60%, viendra du gouvernement, qui limitera la croissance de ses dépenses à 2,8%. Mission périlleuse. Pensez au CHUM.

Budget audacieux, a-t-on dit. L'audace de faire du rentre-dedans dans le contribuable, oui. Ce n'est pas de l'audace, c'est de l'indécence.