Le blâme du vérificateur est sévère. Pour la firme de sécurité privée BCIA et pour Telus, deux dossiers qui risquent d'exploser au visage du maire Tremblay.

Le rapport a été déposé hier vers 22h30 au conseil municipal. Une brique de 415 pages.

Pour Telus, le verdict est dévastateur: le dossier a été mal ficelé, mal dirigé, mal évalué, dit, en gros, le vérificateur. Et la police enquête. Une autre enquête!

 

En 2008, Telus a décroché un contrat de 10 ans frisant la centaine de millions de dollars pour implanter un nouveau système téléphonique et les résultats sont catastrophiques. L'ensemble du réseau est instable et il y a un risque de panne.

Pour la firme de sécurité privée BCIA, les choses regardent mal, là aussi. Cette fois-ci, c'est le directeur du service de police, Yvan Delorme, qui risque de se retrouver dans l'embarras. Il a affirmé devant la Commission de la sécurité publique la semaine dernière que BCIA avait un contrat. Or, il n'y en a pas, du moins après 2007. Que des ententes verbales.

Le retour de Chine du maire Tremblay risque d'être mouvementé.

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Le directeur général Louis Roquet a refilé une copie du rapport du vérificateur à Telus avant même que les élus en reçoivent une copie.

Erreur de jugement, décision inacceptable.

Pourquoi?

Parce que Telus est dans la ligne de mire du vérificateur Jacques Bergeron depuis plusieurs mois. Parce que la Sûreté du Québec a le nez dans le dossier. Et parce que le rapport doit d'abord être déposé au conseil municipal. Car le patron du vérificateur, c'est le conseil et non le directeur général Louis Roquet. La loi est claire. Article 113: «Le directeur général a autorité sur tous les autres fonctionnaires et employés, sauf sur le vérificateur qui relève directement du conseil».

Le vérificateur Jacques Bergeron avait pris ses précautions. Sur la copie qu'il a transmise à Louis Roquet, il avait pris la peine d'inscrire, en grosses lettres, document confidentiel, distribution interdite.

Louis Roquet a passé outre cet avertissement pourtant limpide.

Le geste de Louis Roquet a ulcéré Jacques Bergeron. Dans une lettre remise au président du conseil municipal, il qualifie l'initiative de Roquet de «transgression grave au processus de reddition de comptes». Il ajoute que le président de Telus a «tenté de s'immiscer dans le processus de vérification».

Pourquoi Louis Roquet n'a-t-il pas attendu avant de remettre une copie du rapport à Telus? Il n'y avait pas péril en la demeure et aucun pont ne risquait de s'effondrer.

En obtenant une copie avant les élus, Telus a profité d'une information privilégiée. Et si jamais, un jour, la Ville décidait de poursuivre Telus, elle devra justifier devant un juge cet important accroc à la procédure. En effet, comment expliquer que Telus, une entreprise visée par une vérification, ait reçu le rapport avant tout le monde avec, en prime, la bénédiction du plus haut fonctionnaire de la Ville?

Louis Roquet a court-circuité le conseil municipal. Il a, du même coup, bafoué l'autorité du vérificateur. Louis Roquet ne s'est même pas fait taper sur les doigts. Au contraire. La Ville l'a défendu en disant qu'il avait obtenu le feu vert du contentieux, avis qu'il a demandé... après avoir donné le rapport à Telus. Un avis verbal. Pratique.

Chinoiserie que tout cela? Pas du tout. Le vérificateur est le chien de garde de l'Hôtel de Ville. C'est lui qui décortique les dépenses, examine les dossiers, vérifie avec minutie si l'argent des contribuables est bien dépensé.

Pour qu'il fasse son travail correctement, il a besoin d'un important budget et d'une équipe solide. Il a aussi besoin de son indépendance - de toute son indépendance - face au parti au pouvoir. C'est pour ça qu'il est nommé par les deux tiers des élus du conseil municipal; pour ça, aussi, que ses ordres proviennent du conseil et non du comité exécutif contrôlé par le maire Gérald Tremblay.

Et c'est pour cette raison que le directeur général Louis Roquet ne doit pas refiler en douce une copie du rapport à Telus avant que le conseil municipal l'ait reçu. Une évidence.

L'administration Tremblay affirme qu'elle est en train de se refaire une virginité après les scandales qui l'ont éclaboussée au cours de son dernier mandat. Elle a proposé de nouvelles règles de gouvernance. Fort bien. Mais elle devrait commencer par respecter le vérificateur.

Autre fait troublant: les liens entre Louis Roquet et Telus. Louis Roquet a déjà été président du conseil d'administration de Soverdi, un organisme à but non lucratif qui s'occupe du verdissement à Montréal. Sous son règne, Telus a versé un million en commandite à Soverdi.

Y a-t-il un lien? Un renvoi d'ascenseur? Non, jure le porte-parole de Louis Roquet qui répondra aux questions des journalistes aujourd'hui.

Pour joindre notre chroniqueuse: michele.ouimet@lapresse.ca