Hier matin, j'ai eu l'impression de revoir un mauvais film: le maire Gérald Tremblay était debout, les mains agrippées à son lutrin, face à une rangée de journalistes. Il défendait l'intégrité de son administration, de son chef de police, Yvan Delorme, et de son directeur général, Louis Roquet. Gros jeudi.

Cette semaine, pendant que le maire était en Chine, le vérificateur Jacques Bergeron a remis son rapport annuel. Un pavé de 400 pages qui déballe les problèmes de l'hôtel de ville, dont l'absence de contrat de la firme de sécurité privée BCIA chargée de surveiller le quartier général de la police et le dossier explosif de TELUS.

Le directeur général, Louis Roquet, a transmis le rapport à TELUS même si les élus ne l'avaient pas encore reçu. De plus, le vérificateur l'avait prévenu que c'était hautement confidentiel et qu'il avait alerté la police à cause de «graves indices d'irrégularités».

Mardi, Louis Roquet a défendu son geste. Non, il n'a pas nui au travail de la police et non, il n'a pas outrepassé son mandat.

Le maire a été prudent, il n'a pas voulu désavouer son directeur général. «Louis Roquet a agi de bonne foi et il a toute ma confiance», a-t-il dit. Par contre, il a admis que le conseil municipal aurait dû recevoir le rapport avant TELUS.

J'ai appelé le bureau de la vérificatrice Sheila Fraser, à Ottawa. Si un sous-ministre transmet le rapport à une firme avant que Mme Fraser l'ait remis aux députés, est-ce grave?

Réponse: il commettrait une infraction à la sécurité et à la confidentialité de l'information et au privilège des parlementaires.

C'est clair.

M. Roquet a court-circuité le conseil municipal. Il n'y a pas de doute, la faute est grave. Mais le pire, c'est son refus d'admettre qu'un directeur général ne peut pas bulldozer les élus.

En cette ère postscandale où l'hôtel de ville veut se refaire une virginité, le maire devrait se montrer particulièrement chatouilleux dans le choix de ses proches collaborateurs. M. Roquet est-il l'homme de la situation? Gérald Tremblay devrait réfléchir à cette question.

Toute cette histoire s'est déroulée dans un contexte de relations tendues entre le vérificateur et l'administration Tremblay. En 2002, 41 personnes travaillaient au bureau du Vérificateur. Sept ans plus tard, elles n'étaient plus que 26. Une baisse inquiétante, inacceptable.

Moins de monde, mais plus de responsabilités, comme la ligne de dénonciation créée par le maire Tremblay, qui a atterri dans la cour du vérificateur. Jacques Bergeron veut davantage d'argent, la Ville se fait tirer l'oreille.

Transparent, affirme le maire. Qu'il le prouve en augmentant le budget du vérificateur.Autre dossier délicat: le chef de police, Yvan Delorme, qui a remis sa démission début mai. Le scandale BCIA avait éclaté la veille.

M. Delorme a dit devant la Commission de la sécurité publique, la semaine dernière, que BCIA avait un contrat. Or, nous dit le vérificateur, il n'y en a pas. Ou M. Delorme ignorait que la firme qui surveille son quartier général et son centre informatique n'a pas de contrat - ce qui serait étonnant -, ou il le savait et il a menti.

Vendredi prochain, M. Delorme comparaîtra de nouveau devant la commission de la sécurité publique. Il devra s'expliquer: pourquoi BCIA n'avait-elle pas de contrat? Pourquoi le conseil municipal a-t-il été tenu dans l'ignorance? Et quel rôle a-t-il joué dans l'obtention de ce contrat? Aucun, peut-être, mais la question vaut la peine d'être posée.

M. Delorme connaît le patron de BCIA, Luigi Coretti. Il est allé deux fois au restaurant avec lui quelques mois avant d'être nommé chef de police. C'est Coretti qui a payé l'addition. Il aurait aussi mangé chez lui des semaines plus tard. Un souper de pâtes en compagnie de deux autres policiers, Jimmy Cacchione et Giovanni Diféo.

Vendredi, le chef Delorme va donc s'expliquer devant la commission qui va siéger... à huis clos. «C'est de nature plutôt privée», a expliqué Claude Trudel, le responsable de la sécurité publique dans l'équipe du maire. Privé? Voyons donc!

Gérald Tremblay n'a-t-il pas dit que son administration était transparente? S'il y croit vraiment, il devrait faire sauter le huis clos. Sinon, on devra se poser la question: qu'a-t-il à cacher?

Le maire a dit non au promoteur Cato, qui voulait construire 17 nouveaux édifices sur l'ancien terrain des sulpiciens accroché à flanc de montagne.

«Il faut cesser de grignoter, morceau par morceau, ce qui reste de vert sur le mont Royal», a-t-il déclaré hier.

La volonté est ferme. Gérald Tremblay prend la montagne sous son aile. Enfin. Il l'avait promis lors de son premier mandat. Ce qui est vert restera vert, avait-il dit. Hier, il est passé de la parole aux actes: il a osé dire non à un gros promoteur.

Les Montréalais vous disent merci, monsieur le maire.