Le bureau est juché au deuxième étage d'un immeuble de la rue Jarry. C'est un petit appartement situé en plein coeur de Saint-Léonard, coincé entre une boutique de toilettage pour chiens et un magasin d'articles de soccer. C'est là que l'entreprise de construction Z2 s'est installée. Un des actionnaires est Frank Zampino, ex-président du comité exécutif de la Ville de Montréal.

Construction Z2 a été créée en mars 2010. Le nom est nouveau, mais l'entreprise, elle, roule depuis plus de 40 ans.

«Nous sommes bâtisseurs de génération en génération», peut-on lire sur le site internet de la société.

D'Antonio à Joe, en passant par Anthony Zampino, précise le site. Rien sur Frank. Pourtant, le registre des entreprises est clair: il est administrateur et deuxième actionnaire.

Construction Z2 a un gros projet d'ensemble résidentiel à Repentigny: 24 condos répartis dans huit immeubles dans un quartier en plein boom. Le coût de construction de chaque immeuble est évalué à 300 000$. Huit fois 300 000$, ça donne la jolie somme de 2,4 millions.

Construction Z2 a embauché un gestionnaire pour gérer son projet: Constructions Marton, une division de Simard-Beaudry. Le propriétaire? Tony Accurso.

Frank Zampino et Tony Accurso de nouveau réunis. Intéressant.

Petit retour en arrière: le contrat des compteurs d'eau, le plus important jamais accordé par la Ville; le rapport dévastateur du vérificateur qui a recommandé d'annuler le contrat parce que les irrégularités étaient nombreuses, la gestion déficiente et les coûts trop élevés; le dossier qui a été remis entre les mains de la Sûreté du Québec par le vérificateur.

C'est GéniEAU qui avait obtenu le fameux contrat, un consortium composé de Dessau et Simard-Beaudry, la firme de Tony Accurso.

Frank Zampino était alors aux commandes de la Ville. Il s'est baladé sur le yacht de M. Accurso. Pourtant, le processus d'attribution du contrat était amorcé.

MM. Accurso et Zampino sont de vieux amis, ils se connaissent depuis 25 ans.

En juillet 2008, Frank Zampino a subitement quitté la Ville. Six mois plus tard, il est devenu vice-président de Dessau, l'autre firme du consortium GéniEAU.

Quelques mois plus tard, il a remis sa démission à Dessau. Il a ensuite admis qu'il avait fait une erreur de jugement en acceptant de passer une semaine de vacances avec sa femme sur le yacht d'Accurso. Et que c'était une «maladresse».

Maladroit, mais intègre, a-t-il ajouté. La preuve? Il a payé son séjour sur le yacht de M. Accurso. Le maire Tremblay lui a demandé de lui fournir une copie des factures. Il ne les a jamais reçues.

M. Zampino a gardé une rancune tenace contre les journalistes. Il les a accusés d'avoir sali sa réputation.

La semaine dernière, lorsque j'ai cogné à la porte de son bureau, l'accueil a été glacial.

Un homme m'a répondu.

«Bonjour, j'aimerais parler à Frank Zampino.

-Oui, entrez.»

Puis le ton est devenu méfiant.

«Comment vous appelez-vous?

-Michèle Ouimet.

-M. Zampino n'est pas ici.

-Vous venez de me dire le contraire.

-Je me suis trompé. Veuillez sortir.»M. Zampino s'est donc recyclé dans la construction. Aujourd'hui, il collabore avec Tony Accurso dans un projet d'ensemble résidentiel.

Et alors? direz-vous. Alors, rien. Ou presque. Est-ce que l'amitié entre MM. Zampino et Accurso a joué un rôle lors de l'attribution du contrat à GéniEAU? M. Zampino affirme que non. Jamais, jure-t-il, il n'a profité de son poste de président du comité exécutif pour favoriser son ami Tony Accurso.

M. Zampino cultive les amitiés encombrantes. La firme de sécurité privée BCIA a surveillé sa résidence non seulement pendant qu'il était président du comité exécutif, mais aussi après son départ.

Il n'a jamais payé pour ces services. M. Zampino connaissait le patron de BCIA, Luigi Coretti.

BCIA, la firme controversée qui vient de déclarer faillite. Le ministre de la Famille, Tony Tomassi, a été obligé de démissionner parce qu'il avait utilisé une carte de crédit de BCIA et le chef de police de Montréal, Yvan Delorme, a passé deux heures sur le gril vendredi pour tenter d'expliquer pourquoi BCIA a pu surveiller son quartier général pendant quatre ans même si elle n'avait pas de contrat.

Tony Accurso, Luigi Coretti. Des amitiés délicates quand on est président du comité exécutif de la Ville.

Pendant sept ans, M. Zampino a été le bras droit de Gérald Tremblay. Le maire a souvent vanté son intelligence hors du commun, son dévouement et sa grande intégrité.

M. Zampino a le droit de travailler avec qui il veut. Il n'est plus en politique et il doit gagner sa vie. Les journalistes aussi ont un droit: celui de poser des questions.