Je vous avertis tout de suite, c'est compliqué. Pourtant, ça devrait être simple. Je parle de parcomètres, pas de pénurie d'isotopes dans les hôpitaux.

L'histoire se passe à Montréal, une ville alambiquée, décentralisée, éclatée, avec 19 arrondissements et une ville centre. Une ville à 20 têtes et 19 maires.

Je vous résume. Hier, le maire de Montréal a convoqué un point de presse. Sujet: les parcomètres. Gérald Tremblay a annoncé qu'il avait changé d'idée: les arrondissements n'obtiendront pas l'entière responsabilité des parcomètres, tel que promis par la Ville le 30 septembre dans une lettre qu'elle leur a envoyée.

Lorsque Le Plateau a reçu la lettre du 30 septembre, le maire Luc Ferrandez s'est frotté les mains. Il a sauté sur l'occasion pour adopter une série de mesures qui gonflaient ses revenus de plusieurs millions. Les projets se sont multipliés comme de petits pains: installation de 600 nouveaux parcomètres, hausse du tarif horaire de 2$ à 3$, obligation de payer jusqu'à 1h du matin sur une portion du boulevard Saint-Laurent.

Les commerçants, qui ont d'abord approuvé l'idée parce que Ferrandez les avait appâtés en leur promettant de leur verser une partie des profits, se sont rebiffés. La semaine dernière, ils ont organisé une rencontre. Plus de 300 d'entre eux ont répondu à l'appel.

Sensible à leur mécontentement, le maire Tremblay a décidé de changer d'idée. «Il n'y a pas de consensus, a-t-il dit hier. On suspend donc notre décision. Je ne veux pas d'anarchie.»

Gérald Tremblay a précisé que c'était une question d'équité. Il existe plusieurs façons de régir les parcomètres à Montréal. Les 10 arrondissements qui proviennent des anciennes banlieues de l'île gèrent entièrement leurs parcomètres. Et ils engrangent tous les profits. Par contre, les neuf arrondissements de l'ancienne Ville de Montréal n'ont qu'une partie de la responsabilité. Ils gèrent le réseau local, mais ils ne peuvent pas toucher aux grandes artères qui, elles, relèvent de la ville centre.

Chacun des neuf arrondissements perçoit une partie des profits des parcomètres installés dans son réseau local. Le pourcentage des profits varie d'un arrondissement à l'autre. Bref, il existe 19 arrondissements et 10 façons différentes de gérer les parcomètres.

Hier, le message du maire était simple: on a été trop vite, on veut d'abord uniformiser la gestion des parcomètres avant de la remettre aux arrondissements. Mais plus les journalistes posaient des questions, plus le maire donnait des détails, plus l'histoire devenait compliquée. Et plus le monde était mêlé.

Mêlé dans les intentions du maire qui suspend sa décision, mais qui s'est empressé d'ajouter qu'il était prêt à céder la gestion des parcomètres aux arrondissements «après avoir trouvé un consensus», mêlé dans les pouvoirs de tout un chacun: qu'est-ce qui est local? Qu'est-ce qui est artériel? Combien la ville centre empoche-t-elle? Et les arrondissements? Les budgets 2011 sont déjà bouclés, faut-il refaire l'exercice? Comment les arrondissements vont-ils compenser la perte de revenus?

Le maire du Plateau, Luc Ferrandez, accompagné de son chef Richard Bergeron, était mêlé lui aussi. Fâché ou pas fâché contre Gérald Tremblay? Hum.

Et les commerçants y perdaient leur latin. Gérald Tremblay les avait appelés pour leur lire son communiqué avant de rencontrer les journalistes. Ils étaient enthousiastes, mais après le point de presse échevelé du maire, ils ne savaient plus sur quel pied danser.

Il n'y a pas que la Ville qui soit compliquée.

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Luc Ferrandez veut régler les problèmes aigus de stationnement dans Le Plateau, jure-t-il. Les gens doivent délaisser leur auto et utiliser davantage les transports en commun. Formidable, j'en suis. Le problème, c'est que ce discours écolo-progressiste ne tient pas la route.

Ferrandez ne propose pas une révolution des transports en commun, il ne fait que multiplier les taxes pour remplir ses coffres.

Où est le formidable plan de transport qui va inciter les Montréalais à troquer leur auto contre l'autobus? La triste réalité, c'est que le maire de l'arrondissement du Plateau ne contrôle qu'un tout petit bout du grand ensemble. Il n'a pas le pouvoir de multiplier les stations de métro. C'est la ville centre et le gouvernement qui peuvent changer les choses.

Ferrandez fait fuir les visiteurs qui ne sont pas prêts à payer des parcomètres 3$ l'heure pour acheter du pain granole 46 grains dans une boulangerie branchée du Plateau. Et les résidants du Plateau, eux, ne sont pas prêts à voir des parcomètres tapisser leurs rues résidentielles au nom d'un éphémère plan écolo-progressiste.

Luc Ferrandez et Richard Bergeron ont de grandes idées, mais peu de pouvoir. Par contre, ils ont celui de taxer. Et ça, ils ne se gênent pas pour l'utiliser.