Daniel Zizian, grand patron de la Conférence des recteurs, est arrivé avec son document sous le bras, une étude de 22 pages bourrée de statistiques qui démontre, noir sur blanc, que les universités québécoises souffrent d'un sous-financement chronique si on les compare à celles du reste du Canada.

Discours archiconnu, répété ad nauseam, qui se résume en quelques mots: nos universités font pitié. Au Canada, les droits de scolarité sont beaucoup plus élevés et les universités, bien meilleures!

Puis, Daniel Zizian a lâché sa bombe: pour rétablir l'équilibre, les droits de scolarité doivent augmenter de 500$ par année pendant trois ans. Ils passeraient de 2168$ en 2012 à 3680$ en 2014, un bond prodigieux de 70%.

Pas un mot sur les égarements des universités et les dérives immobilières qui ont bien failli tuer l'UQAM.

Selon une étude de la Fédération québécoise des professeurs d'université publiée en octobre 2010, les établissements puisent de plus en plus dans leur budget de fonctionnement et de recherche pour se lancer dans le béton. La preuve: en 10 ans (de 1997 à 2007), la part du budget consacrée aux immobilisations a grimpé de 26% à 45%.

Avant de réclamer des hausses débridées aux étudiants, les universités devraient faire du ménage dans leur cour.

Pas un mot, non plus, sur la concurrence féroce qui dresse les universités les unes contre les autres, sur cette absurde guerre territoriale où l'Université Sherbrooke construit un campus... à Longueuil.

Et rien sur l'impact d'une hausse aussi brutale sur l'accessibilité. Pourtant, cette question est au coeur du débat.

Les universités canadiennes se sont lancées tête baissée dans les hausses des droits de scolarité au début des années 2000, parce qu'elles cherchaient désespérément de nouvelles sources de revenus. La Nouvelle-Écosse était d'ailleurs championne toutes catégories. Aujourd'hui, elle fait marche arrière. Elle vient de décréter une quatrième baisse des droits de scolarité.

L'Alberta, elle, a rejeté les demandes des universités qui voulaient hausser la facture des étudiants. M. Zizian ne souffle mot de cette nouvelle tendance canadienne.

Mais revenons sur la prémisse de départ: les universités québécoises n'arrivent pas à la cheville de leurs consoeurs canadiennes.

Page 12 de l'étude de M. Zizian, tableau 2. On y apprend que le Québec a davantage d'étudiants en maîtrise et au doctorat que le reste du Canada. Pas mal pour une province pauvre, non?

Mais tout n'est pas rose, loin de là. Oui, les universités québécoises ont des problèmes: classes surchargées, embauche massive de chargés de cours, diplômes à rabais, difficulté d'obtenir des subventions pour la recherche. Mais pourries, souffreteuses, si on les compare au reste du Canada? Les recteurs poussent un peu trop le bouchon.

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C'est vrai que les universités souffrent de sous-financement chronique, même si Québec a injecté des millions en 2007-2008, mais qui doit payer? Les étudiants? Ils paient déjà leur part.

Car les droits de scolarité ne sont pas gelés. Ça fait longtemps qu'ils ont dépassé les mythiques 500$ par année. Depuis 2007, les droits augmentent de 50$ par trimestre. En 2012, ils atteindront 2168$.

Le problème, c'est après 2012. Le gouvernement a dit qu'il augmenterait de nouveau les droits et que les «partenaires» seraient consultés sur l'importance de la hausse.

Mais la consultation, qui s'est déroulée hier sous la houlette de la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, s'est terminée en queue de poisson. Pas étonnant que les étudiants et les recteurs soient incapables de s'entendre sur une question aussi explosive.

Le Québec s'est toujours distingué du reste du Canada en gardant ses droits de scolarité historiquement bas. Avec raison. Je ne crois pas que les fils d'ouvrier vont se précipiter pour s'inscrire au programme de maîtrise en administration publique de McGill, qui exige des droits de 30 000$.

Alors, je pose de nouveau la question: qui doit payer? Car les universités ont besoin d'argent. C'est drôle, mais on ne parle jamais des entreprises privées, qui profitent largement de tous ces diplômés hautement qualifiés et formés à coups de dizaines de milliers de dollars. Il me semble que ce serait leur tour de contribuer.