Il y a un peu plus de deux ans, l'adorable et blondissime Dakota Fanning a réussi bien malgré elle à s'attirer les foudres de l'ensemble de la droite morale et religieuse américaine. Tout un exploit pour une jeune fille de 13 ans, révélée à l'âge tendre de 7 ans dans Je suis Sam, où elle incarnait le rôle attendrissant d'une petite fille qui se bat pour vivre avec son père, déficient intellectuel.

Depuis, la belle et talentueuse enfant a interprété une foule de rôles qui ont fait d'elle le chouchou du grand public américain. Le film Hounddog et sa douloureuse scène où Dakota, alors âgée de 12 ans, se fait violer en gros plan, a fait voler en éclats son image d'ange innocent. La Ligue catholique américaine a accusé le film et sa jeune vedette de faire la promotion de la porno infantile et a tenté en vain de le faire interdire.

 

Or, au lieu de faire amende honorable et de se précipiter dans la première production Disney pour racheter «ses péchés», voilà que Dakota en rajoute avec The Runaways, un film qui raconte les débuts, en 1975, du tout premier girls band, Joan Jett and the Runaways. Jumelée à Kristen Stewart, qui incarne la rockeuse Joan Jett, Dakota joue le rôle de Cherie Currie, chanteuse et bombe sexuelle du groupe. Dakota a tourné le film l'été dernier à l'âge de 15 ans. On la voit boire, fumer, sniffer de la coke, parader en dessous provocants et faire l'amour avec une femme majeure, autant de gestes interdits aussi bien à la mineure fictive qu'est Cherie Currie qu'à la mineure réelle qu'est la jeune actrice.

C'est ce qu'on appelle jeter de l'huile sur le feu et Dakota ne s'en est pas privée, quitte à en payer le prix en allongeant encore la liste de ses détracteurs.

J'aimerais écrire qu'elle a eu tort et ainsi donner raison à l'association Americans for Truth about Homosexuality, qui accuse le film de glorifier le comportement «déviant» d'une mineure. J'aimerais pouvoir me ranger dans le camp du président du Comité chrétien du film et de la télévision, qui s'ennuie de la belle époque où il décernait des prix de bonne conduite à Dakota et parlait de Jésus avec sa mère et elle. J'aimerais croire comme lui que la gloire et la fortune ont corrompu la pauvre Dakota et qu'elle est désormais le diable en personne.

Malheureusement, je trouve que le président du Comité chrétien et ses amis sont dans le champ.

Non seulement The Runaways est un bon petit film bien torché et traversé par un esprit féministe percutant, mais Dakota y apparaît au mieux de sa forme d'actrice.

À côté de Joan Jett, la dure et la révoltée qui ne nous donne pas vraiment accès à elle-même, Cherie est un livre ouvert de fragilité, d'émotions adolescentes confuses et contradictoires. C'est sur elle que repose toute la montée dramatique du film. Et Dakota se montre à la hauteur de la tâche dès le tout premier plan, où elle tente de masquer le filet de sang de ses premières menstruations qui coule le long de ses cuisses.

Pendant toute la durée de cette chevauchée dans l'univers du sexe, de la drogue et du rock'n'roll, Dakota nous offre un jeu impeccable et tranchant, sans jamais trop en mettre ni manquer de goût. Vers la fin, alors que Cherie a quitté le groupe à la recherche d'un nouvel équilibre, on la voit pousser un chariot dans un supermarché en vacillant sur de vertigineux souliers à plateformes, le regard vitreux, la bouche amère, le corps désarticulé par l'alcool et les pilules. L'expression sur son visage hébété nous permet de mesurer l'infinie détresse de cette enfant éprouvée trop jeune par la vie.

Qu'on se le dise: ce film ne glorifie pas une seconde la vie souvent dissolue des groupes de rock. En revanche, il confirme que Dakota Fanning est une sacrée actrice et qu'elle a du talent... en diable.