Pour Paul sur les Plaines, on a fermé les yeux même si son spectacle nous a collectivement coûté un bras. Mais bon, Québec venait d'avoir 400 ans. Les organisateurs de la fête avaient voulu porter un grand coup et quoi de mieux que d'inviter un ex-Beatle, fût-il britannique et anglophone, pour faire parler de soi sur la scène internationale.

L'année dernière, Québec a eu 401 ans et pour éviter le lendemain de veille trop cuisant, le Festival d'été de Québec s'est payé un menu anglo-saxon, histoire de montrer que la Vieille Capitale était encore dans le coup. On a tous applaudi l'habile manoeuvre, sans même se plaindre du fait que ce sont nos taxes et nos impôts qui ont payé pour que Sting et Kiss puissent chanter en anglais sur les Plaines.

 

Trois ans plus tard pourtant, nos réserves de patience à l'égard de l'anglomanie grandissante du Festival d'été de Québec sont épuisées. Et quand je dis nous, je ne parle pas seulement d'une poignée de Montréalais fatigués de payer le plein prix pour aller voir Santana, Black Eyed Peas et Iron Maiden au Centre Bell alors que les habitants de Québec bénéficieront de rabais substantiels pour les mêmes concerts, grâce aux fonds publics québécois.

Je parle aussi de Québécois vivant à Québec et d'un groupe de 25 personnalités allant de Yann Perreau à Gérald Larose en passant par Raôul Duguay, Denis Vaugeois et Matthias Rioux, qui viennent d'envoyer une lettre à la ministre Christine St-Pierre. En se basant sur l'énoncé de la politique culturelle de 92 où le gouvernement s'engageait à «favoriser des actions visant à valoriser les produits culturels de langue française auprès de toute la population, en particulier auprès des jeunes», les signataires demandent à la ministre de réviser ses pratiques de subventions.

Car avec des commandites provenant des plus importantes sociétés d'État comme Loto-Québec, Hydro-Québec, la SAQ et une subvention majeure de Tourisme Québec, le Festival d'été de Québec profite largement de la générosité de l'État. En retour, il serait normal, voire plus que souhaitable, que le Festival serve de vitrine à la culture québécoise et francophone plutôt que de s'activer à devenir une succursale du Centre Bell. Une succursale subventionnée, de surcroît!

Quand on voit les noms de Black Eyed Peas, Billy Talent, Rammstein, Iron Maiden, Rush et compagnie clignoter sur les affiches, on croit avoir affaire à un festival qui a lieu en Alberta ou dans l'Idaho, pas au coeur de la plus vieille ville francophone d'Amérique du Nord. C'est aussi ce que pense le blogueur Louis Préfontaine qui écrit: «Comment peut-on parler d'ouverture sur le monde quand on ne choisit qu'une seule langue pour la vivre? Comment parler de diversité quand la plupart des spectacles auront lieu dans une même langue, selon des sonorités semblables et une culture musicale commune?»

Le blogueur a tout à fait raison. La diversité n'a pas été invitée au Festival d'été de Québec. L'ouverture sur le monde, non plus. Si c'était le cas, on pourrait voir et entendre sur les Plaines des musiciens cubains, espagnols ou hongrois, pas seulement des rockers de l'autre côté de la frontière.

Et qu'on ne vienne pas me dire que tout ça, c'est la faute des FrancoFolies de Montréal qui en devançant leurs dates, privent le Festival d'été de Québec de têtes d'affiche de langue française et obligent les programmateurs à se tourner vers le talent anglo-saxon. Le reproche ne tient pas la route ne serait-ce que parce que bien avant que la guerre n'éclate entre les deux organisations, l'anglomanie était déjà bien implantée au Festival d'été de Québec.

Un jour, il va falloir que le Festival d'été de Québec se branche et décide quelles sont sa niche et sa raison d'être. S'il veut devenir le rendez-vous des rockers de langue anglaise, des valeurs sûres et des chanteurs populaires, qu'il s'assume et le dise. Ne lui restera plus qu'à changer de nom pour les AngloFolies et à se passer de la manne des subventions.

Pour joindre notre chroniqueuse: npetrows@lapresse.ca