Ils s'appellent Nathalie et François comme les Normandeau et Bonnardel de l'Assemblée Nationale. Ils ne partagent pas les mêmes allégeances politiques, ce qui ne les empêche pas de vouloir partager le même lit une nuit. Manque de chance, cette nuit-là, les ébats de Nathalie et François seront brutalement interrompus par la découverte d'un cadavre coincé dans la fenêtre de leur suite d'hôtel et qui répond au nom, tenez-vous bien, de Claude Morin!

Ainsi débute Scandale, la comédie du Britannique Ray Cooney, présentée tout l'été au chapiteau de Bromont dans une mise en scène trépidante de Normand Chouinard.

Écrite sous le régime de Margaret Thatcher, mais créée alors que celle-ci était sur le point de tirer sa révérence, Scandale ressemble de loin à une comédie politique, pour ne pas dire une comédie made in Quebec puisqu'en plus de tabler sur les amours extra-parlementaires de Nathalie Normandeau et de François Bonnardel, le texte adapté par Chouinard fait référence à plusieurs éléments de l'actualité québécoise.

Mais très vite, il devient évident que cette comédie n'a de politique que la toile de fond. Pour le reste, ceux qui s'attendent à être invités sous les draps avec Nathalie et François vont être déçus. La liaison entre une députée péquiste interprétée avec une belle légèreté par Violette Chauveau et un ministre libéral incarné avec une grande souplesse aérobique par André Robitaille, n'est qu'un prétexte pour parler du sport national des hommes politiques: le mensonge. Sport qui ne peut se pratiquer sans la complicité et la complaisance d'un souffre-douleur et d'un bouc émissaire qui répond généralement au nom de chef de cabinet et qui dans ce cas-ci est interprété par un Marcel Leboeuf assez hilarant.

La vraie liaison dangereuse de cette pièce, ce n'est donc pas celle courte et anecdotique entre Nathalie la péquiste et François le libéral, mais celle entre le ministre et son chef de cabinet. Le premier ne pense qu'à sa carrière, son image et au scandale potentiel qui pourrait éclater à tout moment et gâcher ses chances d'accéder au pouvoir suprême. Quant à son pauvre souffre-douleur, il est non seulement pris pour réparer les pots cassés, expliquer et cautionner les mensonges sans bon sens de son patron, mais il doit gérer l'incroyable merdier créée de toutes pièces par ce dernier. C'est ce qu'il le fera s'écrier dans un élan de profond désespoir: «La prochaine fois, je vais voter Québec solidaire!»

Une poignée d'autres remarques savoureuses viennent sauver les meubles de cette farce pas toujours très subtile. Ainsi dans un moment de profonde exaspération, plombé par les mensonges, magouilles et fraudes intellectuelles de son ministre, le chef de cabinet vient à un cheveu de lui balancer ses quatre vérités. Vous savez ce que vous êtes, bafouille le chef cabinet. Oui, répond du tac au tac, son patron. Je suis un futur premier ministre!

Appâtée par ce que j'imaginais être une authentique satire politique, j'avoue que j'ai été un brin déçue de constater que Scandale n'était qu'une comédie de boulevard légère, loufoque, idéale pour le théâtre d'été, mais sans profondeur, ni réelle portée politique. En même temps, en voyant tous ces énergiques acteurs dépenser des litres de sueur sur scène dans une mise en scène haletante, je me suis mise à rêver à une pièce où la politique québécoise serait réellement en vedette.

Autant dire que je rêvais en couleurs.

Pour des raisons qui leur sont propres et que j'aimerais qu'on m'explique, la politique ne semble pas du tout intéresser les dramaturges québécois. L'actualité a beau leur fournir, tous les jours de l'année, une matière précieuse et des tonnes d'histoires croustillantes dont ils pourraient s'inspirer abondamment, les auteurs d'ici restent sourds à l'appel. Ils ne sont pas les seuls. La politique n'intéresse pas plus les écrivains de chez nous que les scénaristes de films et de téléséries.

Une des rares fois où une percée a été tentée dans ce sens-là c'était avec Bunker, le cirque, une superbe série réalisée par Pierre Houle et scénarisée par Luc Dionne. Malheureusement, les hauts cris de la classe politique qui se sentait injustement caricaturée et l'accueil plutôt froid du public ont eu raison d'une série qui aurait gagné à être prolongée au-delà d'une courte saison.

De manière générale, la satire politique québécoise demeure confinée aux revues de fins d'année et au Bye-Bye. Hors de ce champ très spécialisé et très formaté, point de salut. Dommage.

Un jour il faudra se pencher sur le phénomène et chercher à comprendre pourquoi la politique occupe des millions d'heures d'antenne dans les bulletins d'informations, mais brille par son absence en dramaturgie, en littérature et en fiction.

En attendant, considérons Scandale comme l'apéro qui pavera la voie à Jean et Pauline à la plage, La croisière s'amuse sur le yacht Accurso et Le piège à cons de la commission, trois futures comédies politiques en quête d'auteur.

 

Photo: Juste pour rire

André Robitaille et Marcel Leboeuf jouent dans Scandale, une comédie du Britannique Ray Cooney.