J'ai eu mon premier (et mon dernier) enfant à 38 ans. Et si le titre du livre que j'ai écrit à ce sujet s'intitulait Maman last call, ce n'était pas par fierté mal placée. Au contraire. Je m'en voulais amèrement d'avoir attendu l'heure du last call avant de me brancher. Ma procrastination n'avait rien de mécanique. J'aurais pu avoir des enfants, mais j'étais tout simplement trop occupée ailleurs.

Et puis il y a eu cet ultime sursaut à minuit moins une quand les lumières du grand bar de la vie se sont allumées, que les piles de mon horloge biologique ont faibli d'avoir trop sonné et que je me suis regardée dans le blanc des yeux en me demandant si la maternité valait oui ou non la peine d'être vécue. La réponse, évidemment, était oui.

À l'époque, accoucher deux ans avant la quarantaine, pour ne pas dire en pleine préménopause, n'était pas encore une mode. Les femmes de mon âge qui n'avaient pas encore eu d'enfants se résignaient pour la plupart à tirer un trait sur la maternité en se disant que c'était trop tard, qu'elles avaient manqué le bateau. Les femmes ne faisaient pas des bébés à 42 ans comme Céline, ni à 45 ans comme Nanette ou Monica Bellucci et encore moins à 60 ans comme la mémé italienne qui a accouché (façon de parler) d'une dangereuse tendance, ouvrant la voie à une Britannique, à une Roumaine et à une Américaine qui ont toutes mis au monde des enfants alors qu'elles avaient entre 62 et 67 ans...

À côté de ces arrière-grands-mères, Céline fait figure de jeune maman. Il n'en demeure pas moins qu'elle a 42 ans et qu'elle participe, avec toutes les autres chanteuses et actrices de cinéma à la maternité tardive, à la promotion d'un drôle d'idéal.

Tous les médecins vous le diront, avoir des enfants passé 35 ans n'est pas une bonne idée. Et ce n'est pas juste une question de fertilité qui décline. C'est aussi une question de récupération et d'énergie.

À 40 ans, une femme, même une athlète de top niveau comme Céline, n'a pas la même énergie qu'une femme dans la vingtaine. Elle se fatigue plus vite, elle récupère plus lentement. À 40 ans aussi, une nouvelle mère a besoin de plus de sommeil. La plupart du temps, ce sommeil lui échappe quand il ne lui est pas carrément arraché par un bébé qui, toutes les nuits, hurle à fendre l'âme.

Pourtant, l'image publique que nous renvoie Céline et les autres mamans last call vedettes, c'est qu'avoir un enfant à 20 ans ou à 40 ans, c'est du pareil au même. Un soir, elles sont sur le tapis rouge, enceintes jusqu'aux oreilles et cute à mort dans leurs robes moulantes. Le lendemain, elles accouchent en criant ciseaux et souvent grâce à une césarienne prise par rendez-vous, parfois pour des raisons médicales quand ce n'est pas pour des raisons esthétiques.

Une semaine après leur accouchement, elles ont déjà retrouvé leur taille de guêpe et, un mois plus tard, elles sont de retour sur scène ou devant la caméra, prêtes à reprendre leur carrière comme si de rien n'était.

Combien de femmes de 40 ans et des poussières inspirées par l'exemple étincelant de ces mamans vedettes se lancent dans cette aventure sans comprendre ce qui les attend vraiment? De plus en plus, disent les statistiques. Les plus chanceuses ou les plus fortunées finissent par y arriver, mais souvent au péril de leur santé physique et mentale.

Car donner la vie à un âge avancé n'est pas tout. Encore faut-il être en mesure d'assurer par la suite. Des vedettes comme Céline disposent de moyens financiers extraordinaires leur permettant d'accoucher en première classe et puis de laisser les nannies, les gardiennes, les bonnes, les cuisiniers, les chauffeurs et les entraîneurs prendre le relais à la maison. Ce n'est pas donné à tout le monde.

Être une maman last call n'est pas facile. Je dirais même que c'est une épreuve, merveilleuse et enrichissante, mais éprouvante tout de même. L'année qui a suivi la naissance de mon fils a été une des plus difficiles de ma vie. Je n'avais même pas 40 ans. Je ne m'étais pas farci un an de cliniques de fertilité et, en plus, j'avais passé six mois tranquille à la campagne avec mon bébé. Pourtant, reprendre le fil de ma vie professionnelle a été un exercice épuisant dont je ne me suis remise qu'au bout d'un an.

Quand je pense à ce qui attend Céline dans moins de trois mois, Vegas, les répétitions, le stress, couper le cordon avec la part nourricière en elle pour redevenir une artiste de scène, répondre aux attentes du public qui a déjà acheté et payé ses billets, ne pas décevoir tous ceux avec qui elle travaille, j'avoue que je la plains un peu. En même temps, je m'interroge. Céline clame sur toutes les tribunes depuis des années qu'enfanter de nouveau était son souhait le plus profond et son plus grand rêve.

Réaliser ce rêve a dû être formidable. Mais prendre le temps de le vivre et d'en profiter serait encore mieux, non?

Photo: Reuters

Dans quelques mois, Céline Dion sera de retour sur scène à Las Vegas.