Au lendemain de l'annonce du projet d'agrandissement du Musée d'art contemporain de Montréal, le hasard a voulu que je sois à New York. Et que je fasse un détour par le Guggenheim, un musée d'art moderne en forme de spirale blanche, qui est en quelque sorte le pendant new-yorkais du MACM avec, bien entendu, certaines nuances.

Comme c'est généralement le cas, j'allais au Guggenheim pas pour le musée, mais pour une expo en particulier: celle de l'italien Maurizio Cattelan, un grand artiste contemporain, provocant et iconoclaste, dont le travail est absolument spectaculaire. Si vous n'avez jamais vu une installation de Cattelan, vous manquez vraiment quelque chose. Pour vous donner une idée, Cattelan a réinventé le principe du trophée de chasse en empaillant un cheval décapité et en encastrant son tronc dans le mur.

Dans le stabile que Cattelan a conçu pour l'expo du Guggenhein, toutes ses oeuvres sont suspendues dans le vide sous la rotonde. En tournant autour, on découvre des enfants morts, la corde au cou, un mini-Hitler à genoux, des cadavres sur civière cachés par des couvertures en marbre, des animaux empaillés, deux flics new-yorkais pendus par les pieds, et un pape en cire, à l'effigie de Jean-Paul II, foudroyé par une météorite. C'est morbide, obscène, choquant mais ultimement, fascinant.

Le rapport avec le Musée d'art contemporain de Montréal? Maurizio Cattelan est exactement le genre d'artiste que je rêve de voir exposé au MACM et dont je sais pertinemment qu'il ne le sera jamais, faute de moyens.

Malheureusement, le manque de moyens n'est pas le seul problème qui plombe le MACM, l'empêche d'évoluer et de devenir pertinent, provocant, attirant et rassembleur. La direction prétend que le projet d'agrandissement de 88 millions, qui est en réalité un projet de reconstruction, fera la différence en permettant notamment d'exposer une plus grande part des oeuvres de sa collection permanente. Peut-être... Mais à mon avis, il faudra beaucoup plus qu'un agrandissement pour réveiller cette belle au bois dormant qui, dans son conservatisme théoricien, distille un grand ennui et un sentiment d'exclusion partagé par tous ceux qui ne sont pas des initiés.

Même pas besoin de chercher aussi loin qu'au Guggenheim à New York pour s'en convaincre. Suffit d'aller jeter un coup d'oeil à l'exposition Big Bang présentée par le Musée des beaux-arts de Montréal. Ses installations, conçues par des artistes qui ne viennent pas du monde des arts plastiques mais plutôt de la chanson, comme Pierre Lapointe, du cinéma, avec Denys Arcand, ou de la danse, avec Marie Chouinard, témoignent du grand souci d'ouverture et d'inclusion de Nathalie Bondil et son équipe. Et autant dire que les résultats sont probants.

Certains plaideront que les deux musées ne sont pas comparables, puisqu'ils n'ont ni la même mission ni la même structure. C'est vrai. Le Musée d'art contemporain, le seul du genre au Canada, est une société d'État régie par un mandat aussi spécifique que contraignant. À l'inverse, le Musée des beaux-arts est à moitié privé et jouit, de par sa nature, d'une plus grande marge de manoeuvre. Ajoutez à cela que le Musée d'art contemporain a été dirigé pendant plus de 20 ans par un curé - Marcel Brisebois - dont le trop long règne a laissé des traces de conservatisme et de frilosité qui imprègnent encore ses murs.

N'empêche. L'expo Big Bang est un bel exemple de projet contemporain, créatif, ouvert et audacieux qui aurait très bien pu se retrouver au Musée d'art contemporain pour autant que sa direction ait pris le risque de la liberté et de la fantaisie. C'est sans doute trop lui demander.

En ce moment, le clou du MACM est la Triennale québécoise 2011, qui réunit plus d'une quarantaine d'artistes québécois de la nouvelle génération sous le thème «Le travail qui nous attend». J'y suis allée il y a plus d'un mois. Dire que j'ai tripé serait mentir. Exception faite de quelques installations comme celle de Massimo Guerrera, l'ensemble de l'expo m'est apparu terne, plat, hermétique et sans générosité. Je suis entrée dans le musée portée par une curiosité qui ne demandait qu'à se muer en enthousiasme. J'en suis sortie plombée par la déception. Je ne crois pas être la seule.

Je sais très bien que la vocation d'une institution comme le MACM n'est pas seulement de présenter des expos, mais d'acquérir, de promouvoir et de conserver l'art québécois, ce dont l'institution s'acquitte avec succès. Reste qu'une expo, c'est la signature d'un musée. Et autant dire que celle du MACM laisse souvent à désirer.

Agrandir le musée, je veux bien, mais pour y faire quoi? Si c'est pour répéter le même discours mais en grand format, c'est pas la peine. Avant de se lancer dans de grands travaux, il faudrait peut-être repenser ce musée et surtout trouver de nouvelles pistes pour le sortir de son sommeil.