C'était l'hiver 2006 et je rencontrais des électeurs pour parler de l'élection qui a porté Stephen Harper au pouvoir. Michel Lizotte m'avait invité chez lui pour parler de la vie et de ses nombreux périls moraux.

Michel Lizotte est un catho pur et dur qui serait probablement plus heureux dans un village du Texas comptant 27 églises que dans ce Québec amoral qui tourne le dos à Dieu. On l'imagine assez facilement comme président du fan club de Mgr Marc Ouellet, le très strict cardinal de Québec.

Il se disait journaliste. Il dénonçait les Jeux gais à venir. Il préparait un livre sur l'homosexualité. Il me donnait du «Pat» comme si nous avions été enfants de choeur dans la même église.

Il parlait beaucoup des gais. Pour dire que c'est mal, être gai, bien sûr. Je me souviens que Lizotte faisait sans cesse référence aux dangers du barebacking, une pratique marginale mais spectaculaire de sexe non protégé chez certains gais.

Lizotte fait partie de cette mouvance très présente chez les chrétiens fondamentalistes américains, qui croient que l'homosexualité est un mode de vie. Un choix, quoi. Choisir d'aimer des hommes, pour lui, c'est comme choisir d'acheter une Beetle verte. Une coquetterie. Rien à voir avec la nature.

J'avais jugé que Lizotte est un type inoffensif. Contrairement aux États-Unis, les farouches amis de Jésus comme Lizotte n'ont pas le même impact politique.

Ce drôle de moineau m'avait donc donné une chronique légèrement sarcastique. Titre: «Michel vit en enfer». Pauvre lui, disais-je, il vit dans ce pays si permissif. Dans une circonscription représentée par un bloquiste gai, en plus, Réal Ménard...

* * *

J'ai retrouvé Michel Lizotte. Je dois vous dire qu'il fait encore une fixation sur la chose homosexuelle.

Dans une église de Repentigny, il donne des ateliers à des parents. Thématique, sur l'affiche qui invite les parents à l'église Notre-Dame-des-Champs: Aider mon enfant à développer son POTENTIEL HÉTÉROSEXUEL.

Au menu: «l'accompagnement parental vers l'hétérosexualité» et «les attraits non désirés vers le même sexe».

Bref, des ateliers pour éviter que votre enfant ne «devienne» homosexuel, avec la bénédiction du prêtre Christian Lépine.

Michel Lizotte m'a encore donné du «Pat» quand il m'a rappelé, hier, mais il n'a pas voulu commenter: il n'a pas aimé le papier de 2006.

Je ne veux même pas m'attarder sur la question du «choix» homosexuel. C'est tellement saugrenu que ça ne vaut pas la peine de gaspiller de l'encre à ce sujet.

Mais la question de la découverte de son homosexualité, ou de celle de son enfant, est un choc épouvantable pour bien des gens. Un drame intime, pour beaucoup de jeunes gais. Le jeune découvre sa différence - profonde, viscérale, permanente -, à un âge ingrat où la différence n'est pas nécessairement bien vue dans une polyvalente...

C'est pour ça que le thème même des ateliers proposés par Michel Lizotte est profondément dégueulasse et n'a rien d'inoffensif. Parce qu'il exploite des parents forcément tourmentés qui essaient probablement, de bonne foi, d'épauler leur fils ou leur fille dans une période trouble de leur développement.

L'abbé Raymond Gravel, ex-député bloquiste de la circonscription qui inclut Repentigny, est outré:

«Imagine un enfant qui se sait homosexuel et qui, en plus, subirait des pressions de ses parents pour qu'il exploite son «potentiel» hétérosexuel. Ces parents vont aller là, et vivre avec l'espoir qu'on peut guérir leur enfant. Épouvantable!»

Gravel est un iconoclaste et un phare d'ouverture dans une Église qui, officiellement, réprouve l'homosexualité, le condom et l'avortement. Il fait aussi preuve d'ouverture envers ce prêtre, Christian Lépine, qui accueille Lizotte et sa pseudo-science dans son église...

«Je le connais. Je lui ai parlé. C'est un bon gars, un peu conservateur. Mais je crois qu'il s'est fait embarquer par Lizotte...»

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Michel Lizotte a tranquillement animé un atelier, en octobre, à l'église Notre-Dame-des-Champs. Mais un groupe dénonçant ces ateliers débiles est né, sur Facebook. Le Néo, une association de jeunes homosexuels de Lanaudière, sera aussi devant l'église, au prochain atelier, le 9 novembre, pour offrir des ressources non religieuses aux parents qui se font remplir par Michel Lizotte.

Bref, un peu de lumière commence à tomber sur l'obscurantisme. Toujours bon, la lumière.

On peut jaser longtemps des positions rétrogrades de l'Église, qui permet à des Michel Lizotte d'évoluer en son sein en toute impunité. Qui ne dénonce jamais ces intégristes. Cette Église catholique romaine, tiens, qui tente d'attirer les anglicans échaudés par l'ouverture de leur Église envers les femmes et les gais, dans un bel effort de recrutement...

Mais ce qui me fascine vraiment, c'est le zèle des cathos comme Michel Lizotte, qui se lancent dans des croisades contre les gais. Le cardinal Ouellet, bon, je comprends la droiture de sa colonne doctrinaire, c'est un soldat du Vatican: il suit les directives de la compagnie, amen...

Mais un gars comme Lizotte, un civil qui combat l'homosexualité, obsédé par le barebacking, par les Jeux gais, qui écrit à répétition qu'être un gai n'a rien à voir avec la nature; bref, un croisé qui voit partout la queue du diable, c'est pas clair...

Je regarde ce zèle contre les gais et il y a comme anguille sous roche, tu t'agites trop, beaucoup trop...

Tu connais Ted Haggard, Mike?

C'est un pasteur américain. Son histoire est très intéressante. Il pourfendait les gais, lui aussi. Jusqu'au jour où on a trouvé Haggard dans le lit d'un homme! Maudite nature...

Tu devrais parler de Ted Haggard aux parents de Repentigny.