Jean Charest aurait dû souffrir, hier. Après tout, il ne s'était pas écoulé 24 heures depuis que son ancien ministre de la Justice Marc Bellemare avait balancé dans sa cour des grenades hautement radioactives.

Sauf que non. Il n'a pas sué une seconde, à l'Assemblée nationale, hier.

Je l'ai vu répondre aux questions des péquistes, les mains dans les poches. Je l'ai vu accueillir ces questions, avec un sourire empathique, avant de se lever et de les rouler dans la farine, ses ennemis.

 

Pauline Marois est passée à l'attaque, tout de suite. Des histoires de bagmen, d'enveloppes de cash, de juges nommés sous influence de grands constructeurs: tout ça est un rêve mouillé de l'opposition officielle.

Sauf que le PM est resté inébranlable.

Mme Marois est revenue à la charge, bafouillant deux secondes avant la fin de sa question. Jean Charest a encore répondu sans vaciller.

Ensuite, le PQ a donné le bazooka à Sylvain Simard. Or, non seulement le premier ministre n'a pas été ébranlé par M. Simard, il a aussi trouvé le moyen de passer le K.-O. à l'ancien ministre péquiste, en rappelant son rôle dans une affaire qui avait éclaboussé le règne péquiste, celle des lobbyistes d'Oxygène 9. Oups.

Il a fallu attendre que Bernard Drainville, très en verve, citant l'argentier libéral Franco Fava, celui qui se vante stupidement d'être consulté pour de grosses nominations, monte au créneau pour qu'on sente enfin le premier ministre un peu moins confiant.

Puis, ce fut au tour de Gérard Deltell de poser des questions. Jean Charest, dans une combinaison gauche, droite, gauche pas piquée des vers, a rappelé la bizarre sortie de Gilles Taillon, il y a quelques mois, quand celui-ci a claqué la porte de l'ADQ en cognant à celle de la SQ.

Bref, hier, les partis de l'opposition n'ont pas réussi à ébranler le premier ministre, dans la pire journée depuis son élection, il y a sept ans. D'un simple point de vue parlementaire, Jean Charest a gagné ses épaulettes, hier.

Le hic, c'est qu'il y a une vie, hors de l'Assemblée nationale. Il y a le réel. Il y a cette grogne.

Le hic, c'est l'accumulation. Depuis un an, il y a eu suffisamment de merde exhumée dans le sous-sol du triangle amoureux fric-construction-politique pour qu'on puisse penser que M. Bellemare dit vrai.

Je ne dis pas que Marc Bellemare dit vrai. Personnellement, je trouve que six ans avant de se mettre à table, c'est long, très, très long. Je dis qu'il n'a pas besoin de dire vrai pour qu'on ait envie de le croire.

Il y a trop de pistes, depuis un an, qui ont mené des chantiers de construction (ou des garderies du nord de Montréal) aux rouages du financement du PLQ.

Il y en a trop pour espérer que le public choisisse la crédibilité d'un premier ministre qui ne veut pas d'enquête publique sur la question plutôt que celle d'un ancien ministre de la Justice, aussi loose cannon soit-il, qui nous dit ce qu'on croit être vrai.

Autre signe de l'immense fossé entre le brio parlementaire des libéraux et la vie réelle: ce croc-en-jambe inélégant de Jacques Dupuis à John Gomery, hier. Le PQ venait de suggérer le nom du juge de l'enquête sur les commandites pour présider celle sur les allégations de Me Bellemare.

Jacques Dupuis, leader du gouvernement en Chambre, a lu aux députés les critiques de la Cour d'appel fédérale faites à l'endroit du juge Gomery, il y a quelques années.

Bref, pour discréditer la suggestion du PQ, M. Dupuis a choisi d'attaquer un juge qui, dans l'imaginaire collectif, est la probité incarnée!

Dur de sembler plus déconnecté.