Ça fait du bien de gagner, non?

Quand le CH a scoré son cinquième but, mettant cette demi-finale d'association hors de la portée des champions de la Coupe Stanley, j'ai fait ce que je n'ai pas fait en regardant un match de hockey depuis un siècle: j'ai échappé un YES! retentissant.

Oui, ça fait du bien de gagner. Contre les Capitalistes (l'étiquette est d'Amir Khadir) de Washington, on soupçonnait que la chance avait favorisé nos favoris. Ce coup-ci, la victoire est celle de la ténacité, du travail, de la foi qui déplace des montagnes. Et celle du goaler slovaque, bien sûr.

Une victoire sur les Manchots de Pittsburgh et, pour reprendre un slogan vieux de 15 ans, tout devient possible!

Ça fait du bien de gagner. Le Québec de 2010 est morpionné par une grisaille collective, par un surplace étouffant. Depuis des années, on parle d'immobilisme. Puis, sans crier gare, le Canadien de Montréal, ce foutu club, insuffle de la magie dans un printemps dont on n'attendait, au fond, qu'une-commission-d'enquête-sur-la-construction.

« J'écris ce papier entre deux chars de police, rue Sainte-Catherine, une heure après que «nous» ayons accédé à la demi-finale de la Coupe Stanley. Dans la Catherine, c'est évidemment le party. À 23h, ça ne sent pas encore l'émeute. Ça sent seulement la fête. Nettement plus festif qu'il y a deux semaines. Les flics se comportent comme des chaperons d'une danse du vendredi soir à la polyvalente. Un peu tard, ça sera une autre histoire.

Dans la Catherine, c'est tout le Montréal de 2010 qui est là. Anglos, francos, Latinos, Noirs, aux yeux bridés, vieux, jeunes. C'est le Montréal que je connais. Ça ressemble au Québec de demain, aussi. Et c'est ce Montréal cosmopolite, ce Montréal qu'il fait bon de déprécier parfois, dans notre glorieux coin de pays, qui scande Go, Habs, Go! d'une seule voix. Il y a quelque chose de réjouissant dans ce tableau.

Dans les dernières années, j'ai un peu délaissé le Canadien. Trop de déceptions. Trop d'années où CH signifiait CHaudrons. Comme les plus de 25 ans, je suis assez vieux pour avoir vécu l'ère où ce club était une puissance, assez vieux pour l'avoir vu gagner, vraiment gagner. Des Coupes Stanley, je veux dire.

Assez vieux pour rouler les yeux quand la ville devient «hockey» parce que le Canadien se qualifie dans les séries in extremis.

Puis, hier soir, l'enfant qui vénérait ce club, qui communiait jadis à La soirée du hockey, a supplanté l'adulte un peu cynique, dans le sofa. J'avais des palpitations à 4 à 2, quand Halak a arrêté les ruades de Crosby et Malkin. J'ai pensé aller prendre une douche froide, mais j'aurais manqué ces fascinantes pubs de Georges Laraque à CBC.

Et juste à côté de moi, l'héritier regardait le match comme les gars regardent les matchs de hockey: une main dans le sac de chips, l'autre dans le pyjama.

Puis, après la deuxième, dodo, allez! Comme mon père m'envoyait au lit, quand j'étais petit.

(Salut p'pa, je m'ennuie de toi, surtout ce soir.)

Car c'est ça, non? C'est ça, un club-symbole, un club-nation: un ciment social, qui marque les jalons de nos vies individuelles, familiales, collectives. Qui fait partie des albums-photos. Un peu comme le Barça, comme les Red Sox. C't'une métaphore de notre sort, comme chante les Loco Locass, dans cette chanson, Le but, qui est l'hymne du printemps 2010 québécois.

Quel printemps magique, vraiment! Ça nous change du CHUM sans domicile fixe, de ministres qui nous prennent pour des valises, de décrochage scolaire, d'accommodements raisonnables ou pas. De tous ces nuages dans le ciel du Québec. Ça fait du bien de gagner, de gagner pour vrai.