«Ce qu'on me reproche? De vendre du cannabis en assez grande quantité pour que ce soit du trafic. Je n'ai pas vu la preuve, je n'en sais pas plus. Je prends pour acquis que c'est pour mon travail à l'interne: je ne vends pas sur le coin de la rue!»

Stéphane Gauthier, responsable des admissions au Centre Compassion du boulevard Saint-Laurent, à Montréal, était encore sous le choc, hier, quand je lui ai parlé, après son arrestation.

D'une part, il venait de perdre son gagne-pain. Il travaille depuis quatre ans pour le Centre Compassion, qui distribue du cannabis à des fins thérapeutiques. Un travail pour lequel, chaque deux semaines, il paie de l'impôt...

D'autre part, Gauthier est un militant pour la légalisation du cannabis.

Disons que la journée d'hier lui laisse un goût amer dans la bouche.

Il ne comprend pas pourquoi la police a frappé «son» centre. C'est le centre Culture 420, qui a pignon sur rue à Lachine, qui faisait des conneries, dit-il. Les bêtises faites par Culture 420 étaient bien connues, il y a eu des reportages là-dessus.

Acheter du pot sur la simple foi d'une assermentation de problèmes de santé, donner du pot gratuit à quiconque attire un nouveau membre? C'est Culture 420 qui faisait ce genre de bêtises adolescentes. Pas le Centre Compassion du boulevard Saint-Laurent. Pas celui de Québec. Pas celui de l'avenue Papineau, ouvert récemment.

Même son de cloche chez Shantal Arroyo.

La directrice du Centre Compassion de Québec croit que les tous les centres de vente de cannabis thérapeutique ont payé pour les excès, très médiatisés, de Culture 420.

«Quand j'ai appris les pratiques du 420, j'ai su que nous allions être tous dans le trouble. À tel point que nous, dans les Centres Compassion, n'acceptions pas leurs membres. On les refusait, alors que nous acceptons les membres de clubs de Vancouver ou de Toronto, par exemple.»

Ça peut paraître insolite pour le profane, mais ces clubs de cannabis thérapeutique ont des pratiques sérieuses. Ce n'est pas moi qui le dis. C'est un sénateur, Pierre-Claude Nolin. Le cannabis, il connaît: ça fait 15 ans que le sénateur sensibilise les Canadiens aux méfaits de sa criminalisation. Un club sérieux vend son cannabis sur présentation d'une attestation d'un médecin, par exemple. Il tient des registres.

«Ce que je connais des centres de Vancouver, de Victoria, de Montréal et de Québec, c'est qu'ils sont vraiment respectueux de l'usage thérapeutique du cannabis. Ils veulent faire comme ce qu'on trouve à San Francisco», dit-il, évoquant le centre californien, pionnier en la matière. Il qualifie d'«impressionnante» sa visite, il y a deux semaines, du centre de Québec, frappé par la police hier.

Or, selon le sénateur, les façons de faire de Culture 420 étaient aux antipodes de celles des centres rigoureux, comme Compassion. «Ce n'est pas sérieux, de donner du cannabis sur seule présentation d'une déclaration assermentée. Mais c'est faisable. Et donner du cannabis pour des nouveaux membres, personne ne fait ça...»

Le pot thérapeutique, qui soulage plusieurs types de douleurs, n'est pas une invention, note par ailleurs le sénateur Nolin. «C'est très documenté et 90% des Canadiens sont d'accord.» Reste que les centres opèrent dans une zone grise. Il espère que les Centres Compassion de Québec et de Montréal n'ont pas été frappé par la police à cause des excès de Culture 420.

«Je sais que les policiers appliquent les lois. Mais quand il n'y a pas de plaintes, c'est la tolérance policière qui devrait prévaloir.»

On verra, ces prochaines semaines, si de «bons» centre de distribution de cannabis pour «vrais» malades ont été frappés par la police pour les excès de ce petit nouveau aux techniques de pee-wee, Culture 420. Espérons que non.

Pendant ce temps, 2000 personnes qui soulageaient leurs maux avec du pot à peu près légal doivent ce matin trouver le numéro de téléavertisseur d'un pusher.

Les Hells, la mafia et autres gangs de rue sourient.