Le cégep Bois-de-Boulogne, dans le nord de Montréal, a une excellente réputation, aussi bien vous le dire en commençant. Une réputation de cégep sérieux, qui attire des élèves sérieux, qui prépare sérieusement pour l'université.

À Bois-de-Boulogne, la tradition n'est pas au militantisme, disons. Le militantisme, les grèves, les slogans, les banderoles, c'est pas l'affaire de B-de-B. C'est comme ça depuis toujours.

Mais voilà qu'à Bois-de-Boulogne, récemment, des cégépiens impliqués dans l'association étudiante tentent de faire tomber le cégep dans la grande résistance estudiantine. Bon, on chuchote que la moyenne des cours, à B-de-B, s'en fiche un peu, trop occupés à obtenir des notes fantastiques qui dopent leur cote R.

Donc, en mars dernier, voyez-vous, au cours d'une journée d'examens destinée aux futurs élèves du collège, l'association étudiante en a profité pour distribuer des tracts dénonçant une hausse appréhendée des droits de scolarité.

Des tracts! Dans le firmament de la mobilisation, rien de gravissime. On parle de distribuer des tracts appelant à une grève, le 1er avril. Sans trop de tapage.

Qu'importe. Les militants étudiants ont été avertis, verbalement, de ne plus recommencer. Ils enfreignaient le règlement - point numéro 5 - sur le comportement au cégep et avaient «perturbé le cours normal d'une activité».

L'asso a remis ça, il y a quelques semaines, au cours d'une activité «portes ouvertes», destinée aux élèves du secondaire. Encore des tracts. Et une banderole. Rien de trop radical. Loin, très loin de Mai 68.

Cette fois, la direction du cégep Bois-de-Boulogne s'est fâchée. Deux élèves ont été suspendus. Une semaine.

Bien sûr, l'association étudiante en a profité pour enfiler son habit de dissident chinois. Elle a crié à la censure et au mépris de la liberté d'expression, dans un communiqué de presse.

Ce qui est probablement vrai, je ne dis pas le contraire. Tout ce que je dis, c'est que les p'tits révolutionnaires devaient se mouiller les culottes en écrivant ledit communiqué de presse...

Le cégep, c'en est presque comique, est obsédé par son image dans cette affaire. Extrait de la lettre du cégep Bois-de-Boulogne, signée par Richard Laroche, directeur adjoint, à un élève suspendu, en référence à la distribution de tracts, en mars: «Nous vous avons alors expliqué l'impact négatif de votre comportement sur l'image du collège...»

Anne-Marie Godbout, la porte-parole, m'a expliqué que les dissidents ont installé une guérite, entre les deux pavillons du cégep Bois-de-Boulogne, pour «intercepter» les recrues potentielles, lors de la journée portes ouvertes. Mme Godbout insistait beaucoup sur le verbe «intercepter», je ne sais pas trop pourquoi, peut-être parce qu'«intercepter» a un caractère plus dramatique qu'«aborder», allez savoir...

Là-dedans, le cégep Bois-de-Boulogne, institution à la réputation impeccable, joue à merveille son rôle de cégep un peu guindé qui forme des élèves sérieux qu'il faut à tout prix protéger d'événements traumatisants comme la distribution de tracts protestant contre la hausse des droits de scolarité.

En voulant protéger son image, le cégep a suspendu deux élèves, ce qui a mené à ce communiqué de presse, ce qui a mené à l'implication de l'avocat Julius Grey dans le dossier, à un papier dans Le Devoir et à cette chronique dans La Presse. Bref, ça vaudrait un F dans le cours de relations publiques...

Mais ce qui m'intrigue dans cette histoire, ce sont les militants étudiants. Ceux de l'asso, ceux qui distribuent des tracts.

Qu'est-ce que vous foutez à Bois-de-Boulogne, les jeunes?!

T'as 17, 18 ans. Tu veux changer le monde. Tu frétilles en pensant à l'action militante. Tu rêves à la grève générale. Tu t'habilles probablement en altermondialiste.

Mais tu fais quoi, à Bois-de-Boulogne, probablement le cégep public le plus coincé, le plus establishment dans la région de Montréal?

Car il y a des choses qui ne changent pas. Il y a 20 ans, B-de-B était vu comme un cégep de snobs. Lionel-Groulx, un cégep de party. Et Montmorency, à Laval, mon cégep, comme un cégep sans identité distincte. Vingt ans plus tard, ne me dites pas que cela a changé...

Bref, chers contestataires, vous faites quoi à vouloir changer le monde à Bois-de-Boulogne? C'est comme porter la bonne parole du végétarisme dans le congrès des éleveurs de boeufs Angus du nord de l'Alberta.

Au moins, j'espère que les dissidents de Bois-de-Boulogne auront la bonne idée, dès leur suspension terminée, de recommencer à distribuer des tracts. Peut-être même d'aller faire un sit-in dans le bureau de ce M. Laroche.

Ils pourront alors devenir de vrais martyrs en étant expulsés de Bois-de-Boulogne et en s'inscrivant dans un cégep qui prend la contestation au sérieux.

Car dans le rayon des choses qui ne changent pas, en voici une autre: le DEC en militantisme étudiant, c'est au Vieux qu'il se donne, bande de nonos...

Droits d'auteur

Parlant de mobilisation, les artisans de la musique sont mobilisés par C-32, le projet de loi conservateur qui bouleverse le droit d'auteur. Fort bien, rien à redire. Sauf que si, sur un truc: C-32 prévoit que les écoles n'auraient pas à payer de droits d'auteur pour utiliser des oeuvres à des fins pédagogiques. Cette disposition irrite les artistes.

Sauf que...

L'industrie, par quelques mamelles, est largement subventionnée par l'argent des taxes.

En conséquence, est-ce trop demander qu'en retour, les écoles n'aient pas à payer pour utiliser Charlebois, Vigneault, Moffatt dans les classes?

Me semble que non.