Je viens d'écouter une montée de lait de Denis Gravel à CHOI, radio de Québec. Dix minutes de lieux communs sur les artisses, sur le développement économique, sur le Québec, sur l'environnement. Sur la vie.

Les gens de ta tribu, Denis - je parle de la droite-gros-bon-sens -, croient que le Québec est noyauté par une clique (du Plateau) qui pollue la populace en répandant une «pensée unique» gauchisante. Soit.

C'est donc drôle de te voir, justement, sombrer dans la «pensée unique» de droite!

Je viens de t'écouter discourir pendant 10 minutes au sujet de cette vidéo tournée par des artistes québécois qui demandent, à grands coups de «wo!», un moratoire sur l'exploitation du gaz de schiste. Tous les clichés de la dré-drette y étaient.

Les artistes? Des BS de luxe «qui pensent qu'y sont meilleurs que nous autres».

Les médias? Ils ont diffusé la vidéo parce que «le message leur plaît grandement».

Les Québécois? En s'opposant au gaz de schiste, ils continuent à être des «maudits quêteux».

Bref, tous les clichés de la droite populiste...

Tout frétillant, tu nous parles de Consol Energy, grande firme énergétique américaine, qui exploite du gaz de schiste (mais surtout du charbon), qui a versé «une grosse partie des fonds» (5 millions de dollars par année, deal de 20 ans, en fait) du nouvel amphithéâtre des Penguins, à Pittsburgh.

C'est à peu près le tiers du coût de la construction. Le reste, Denis, vient des revenus d'un casino local. L'État de la Pennsylvanie a forcé un casino privé à verser 7,5 millions de dollars pendant 30 ans pour la construction de l'aréna des Penguins.

C'est 225 millions qui iront à une industrie richissime et qui n'iront pas aux routes, aux hôpitaux, aux flics, aux écoles de la Pennsylvanie. Si ce n'est pas du BS de luxe, ça...

Si, si: du BS de luxe. C'est l'opinion de l'Institut Fraser, pour qui subventionner le sport professionnel est la pire forme de corporate welfare (voir la chronique de Claude Picher mardi). À quand une montée de lait à CHOI sur les BS de luxe qui vont se faire financer un Colisée avec l'argent des taxes, dis-moi?

Revenons aux artistes et au gaz de schiste. J'ai vu la vidéo de Dominic Champagne. Trop mélodramatique à mon goût, entre toi et moi. Mais sur le fond, où est le problème?

Penses-tu que, si on réfléchit deux ou trois ans, le gaz de schiste va s'évader de notre sous-sol?

Je ne suis pas contre l'exploitation du gaz de schiste. Je suis contre trois choses.

Un, qu'on bousille la qualité de vie des gens en installant cavalièrement des stations de pompage près de leurs maisons.

Deux, qu'on cède cette ressource pour des pinottes.

Trois, qu'on pollue.

Parce que pour l'instant, des mines au gaz de schiste, on ne peut pas dire que le Québec est très exigeant avec les sociétés qui exploitent nos ressources.

Je sais, je sais: tu dois croire que forcer les sociétés énergétiques à payer un juste prix pour NOS ressources, c'est du socialisme. Ah, l'obsession du socialisme de ta tribu...

Danny Williams, ex-premier ministre de Terre-Neuve, est-il socialiste? Il a forcé les multinationales à payer des redevances décentes à sa province pour exploiter SON pétrole. Depuis, les Terre-Neuviens sont pas mal moins quêteux.

Mais revenons aux artistes. Tu dis que leur vidéo «fait peur au monde», qu'elle va porter un «dur coup» aux projets d'exploitation du gaz de schiste parce que les Québécois vont céder à ce discours basé sur la peur.

C'est drôle, Le Devoir a fait un sondage sur l'exploitation du gaz. Résultat: 20% des Québécois se disent favorables à l'exploitation du gaz de schiste. Date du sondage: 28 septembre. Deux mois avant la sortie de la vidéo!

Bon, me semble que j'oublie quelque chose, là...

Ah, oui. Ce mépris des artistes: c'est un thème qui revient souvent, dans le discours de la Clique de Limoilou. Je ris quand je t'entends dire, l'air grave, en parlant des Roy Dupuis, Anne Dorval et Fred Pellerin: «Y pensent qu'y sont meilleurs que nous autres...»

Sais-tu pourquoi je ris?

Parce que quelqu'un qui croit ça, Denis, devrait écouter un peu moins de radio et parler un peu plus à un psy. Ça s'appelle un complexe d'infériorité.