Peut-être que c'est la faute de mon cerveau reptilien, mais j'ai éprouvé un plaisir quasiment érotique en apprenant que les flics avaient arrêté Lino Zambito et l'ex-mairesse de Boisbriand, Sylvie St-Jean. Et cinq autres personnes. Je regrette seulement de ne pas les avoir vus défiler à la télé, menottes aux poignets. Mon côté sadique.

Rappelez-vous, il y a précisément 445 jours. Radio-Canada avait révélé que Lino Zambito, grand entrepreneur du 450, avait tenté de convaincre deux conseillers municipaux de l'opposition de ne pas se présenter, question d'éviter des élections à Boisbriand. Enregistrements à l'appui. Et la mairesse St-Jean était à la rencontre, silencieuse comme une tarte. Tellement, tellement vulgaire...

Le même Zambito, on s'en souvient, a voulu intimider juridiquement un citoyen avec une poursuite en diffamation. Martin Drapeau posait trop de questions sur les liens entre Infrabec, propriété de Zambito, et la Ville de Boisbriand, au conseil municipal. Un juge a vu la poursuite pour ce qu'elle était: une tentative de bâillonner un citoyen. Le bully Zambito a été débouté.

Un bully? Justement, Zambito est accusé d'avoir usé de «menaces, d'accusations ou de violence» pour convaincre le patron d'une entreprise d'excavation de Blainville de retirer sa soumission à un appel d'offres à Boisbriand. Tiens, tiens...

Il y a quelque chose de satisfaisant, aussi, à voir des employés de fleurons du génie québécois comme Roche et BPR (grand recycleur d'officiels municipaux, comme l'a démontré Kathleen Lévesque, du Devoir), très actif dans le domaine des grands travaux municipaux et provinciaux, se faire épingler. Éric Martin, capitaine de la Sûreté du Québec et responsable de l'opération Marteau, décrit les firmes de génie comme capitales dans les systèmes de collusion observés par les flics.

Bref, Boisbriand, c'est bien, mais...

Mais St-Jean et Zambito ne sont toujours que de petits poissons dans une mer immense, qui abrite d'autres poissons qu'on ne peut que soupçonner d'être plus gros.

On peut ainsi se demander où en sont d'autres enquêtes de Marteau sur des cas qui ont de quoi faire tiquer le citoyen moyen. On pense à deux cas en particulier, fouillés par André Noël, de La Presse, au cours des dernières années.

Primo, où en est l'enquête sur le projet

immobilier Faubourg Contrecoeur, impliquant une entreprise de Frank Catania, la firme de génie Plania, une filiale du géant Dessau et des officiels de la Ville de Montréal?

Deuzio, où en est l'enquête sur le feuilleton des compteurs d'eau de la Ville de Montréal, mauvais film dans lequel Frank Zampino n'a jamais expliqué de façon satisfaisante son rôle de soutien (en costume de bain), et dont le premier rôle est joué par le consortium dominé par son ami Tony Accurso (capitaine de croisières ensoleillées dans ses temps libres).

La SQ nous dit que, avant même les reportages d'Enquête, elle avait Boisbriand dans son collimateur. Soit. On peut donc dire que la SQ a mis plus de 445 jours à faire accoucher sa propre enquête. Il y a fort à parier que le travail policier a produit une preuve solide qui permettra aux procureurs de la Couronne de triompher devant les tribunaux.

Me voyez-vous venir?

Si la preuve est en béton, et on peut présumer qu'elle l'est, elle sera difficile à contredire. Ça risque de donner une épidémie de reconnaissances de culpabilité.

On voit la même chose dans les histoires de corruption, de banditisme et de collusion exhumées par les enquêtes sur le crime organisé, comme dans l'opération Colisée: les accusés plaident coupables.

Qu'arrive-t-il quand les accusés plaident coupable?

Eh oui, la preuve accumulée par les flics s'en va directement dans un classeur, dans un poste de police, et demeure confidentielle.

C'est ce que le premier ministre Charest et ses ministres oublient commodément quand ils chantent à tue-tête les louanges des enquêtes de police (pour enterrer les demandes d'enquête publique): quand les accusés plaident coupable, tout ce qui permet de cartographier un système de collusion reste à l'ombre. J'allais dire commodément, mais je ne suis pas cynique à ce point-là...

Boisbriand, c'est bien, mais ça risque aussi de démontrer les limites d'une enquête de police dans des affaires de collusion, où personne n'a intérêt à ce que la preuve sorte des bureaux des flics.