Un communiqué de presse irrésistible du Musée canadien de l'agriculture m'informe d'une activité absolument palpitante, en ce long week-end de la fête de la Reine: le public pourra assister à des séances de tonte de moutons.

J'ai appelé au Musée - j'étais curieux: le tondeur aura-t-il le temps de tondre le proche cousin du mouton, je veux dire le député péquiste?

J'attends qu'on me rappelle.

Désolé, mais en lisant ce communiqué de presse, je n'ai pu m'empêcher de penser à la députation péquiste, qui se comporte comme un troupeau de moutons dans le dossier de la loi d'exception réclamée par Régis Labeaume.

Le PQ appuie Régis Labeaume, qui craint de voir son entente de gestion d'aréna contestée en cour. Dans les faits, plusieurs députés péquistes sont mal à l'aise et, en leur âme et conscience, aimeraient s'opposer.

Mais le PQ a imposé la ligne de parti: tout le monde devra appuyer le dépôt du projet de loi. Évidemment, il faut être naïf pour penser que le PQ n'imposera pas la ligne de parti au moment du vote.

Dans une autre vie, j'ai côtoyé Yves-François Blanchet, député de Drummond. Patron d'une maison de disques, agent d'Éric Lapointe, YFB était l'image même du self-made man qui ne recevait d'ordres de personne.

Aujourd'hui, je lis la déclaration du député de Drummond, à qui on a demandé de rester dans le troupeau, dans le dossier Régis/Quebecor: «Je suis d'accord pour être solidaire de mon caucus. Je suis en faveur de ce que mon caucus décide et je n'ai pas envie de discuter de ça davantage.»

Pis, Yves-François, t'aimes ça, être un mouton?

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Il y a d'autres moutons, dans le feuilleton du Colisée II.

Nous tous.

Nous, qui acceptons que l'argent de nos taxes serve à subventionner la construction d'amphithéâtres pour des équipes de sport professionnel. En cela, le troupeau est grand comme l'Amérique: du Missouri à la Californie, les contribuables sont heureux de payer les amphithéâtres du sport professionnel.

Dans un monde idéal, une industrie comme la LNH, qui génère 3 milliards de revenus par année, n'aurait pas besoin de l'argent des taxes pour se faire construire des amphithéâtres.

Mais nous ne vivons pas dans ce monde idéal. Nous vivons dans une dimension parallèle où l'argent des taxes finance des amphithéâtres de 400 millions de dollars, où les gens devront payer autour de 150$ le billet pour regarder jouer des athlètes payés en moyenne 2,4 millions par année.

En troupeau, nous manifestons, 60 000 d'entre nous, pour réclamer le droit de faire partie de ce monde.

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Moi-même, je suis un de ces moutons. À ma petite honte, je suis d'accord pour que 200 millions de nos taxes servent à financer un amphithéâtre qui pourrait un jour accueillir une équipe de la LNH.

Mais si ce n'est pas trop demander, j'aimerais qu'on me respecte dans mon intégrité de mouton. J'aimerais qu'on me flatte un peu avant de me tondre. J'aimerais savoir qui va me tondre, qui aurait aimé me tondre, à qui on vendra ma laine, selon quels termes...

Régis Labeaume, maire postmoderne, citoyen assumé de ce monde non idéal où on fait des cadeaux au sport professionnel, a géré la sélection de Quebecor comme le PDG d'une multinationale qui ne reçoit d'ordres de personne.

Puis, un citoyen de Québec, Denis de Belleval, mouton noir, a commencé à bougonner. Cette entente entre la Ville de Québec et Quebecor est immorale et illégale, a-t-il jappé, je songe à la contester en cour.

Le maire-PDG a pris peur. Des tractations judiciaires pourraient faire peur à la LNH, pourraient mettre en péril l'implantation d'une équipe à Québec. La LNH n'aime pas quand les moutons rechignent, comme à Phoenix, tiens...

D'où sa demande d'obtenir, de toute urgence, un condom législatif qui permettra de faire avorter toute contestation juridique des moutons noirs.

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Les députés récalcitrants - MM. Khadir, Caire et Picard - ont fait volte-face. L'Assemblée nationale maintenant unanime, les députés pourront débattre de la pertinence de cette loi que réclame le maire de Québec.

Il y aura commission parlementaire. Régis Labeaume ira s'expliquer. Il pourra nous démontrer, documents à l'appui, ce qu'un appel d'offres aurait fait froidement, sans chichi: qui étaient les concurrents et quelles étaient leurs offres.

«S'il y avait eu un appel d'offres, on n'aurait pas besoin d'un projet de loi spéciale», reconnaît Agnès Maltais, députée de Taschereau, qui parraine le projet de loi de «son» maire.

Régis Labeaume va-t-il faire preuve, devant les députés, de la transparence qu'il refuse aux bons moutons québécois?

«Je ne sais pas. C'est à lui de décider», m'a répondu Mme Maltais.

Le dynamique maire de Québec a encore une chance de sauver son entente avec PKP. Il devra se comporter comme un maire. Pas comme un PDG qui ne doit rien à personne.