Au fond, Luc Ferrandez a raison.

Eh, oh, pourquoi me lancez-vous des roches?

On se calme! Je parlerai un autre jour des torts du maire du Plateau-Mont-Royal. Mais quand Luc Ferrandez ne bloque pas des rues et n'invente pas des sens uniques, il est en fait l'interlocuteur le plus lucide qui soit quant à nos problèmes de transports.

Ça fait des décennies qu'on bâtit de plus en plus loin de Montréal, dit le maire du Plateau. Plus loin que Saint-Jérôme, pour ne prendre que l'exemple de la couronne nord. C'est loin, mais c'est moins cher qu'acheter une maison à Montréal, à Laval, à Blainville. Les Américains appellent ça «drive until you can buy»: rouler loin de la ville hors de prix, jusqu'à ce qu'on puisse acheter.

Pour Ferrandez, c'est une hérésie. Et il a raison. On ne peut pas transformer à outrance des terres agricoles en océans de bungalows sans que, à terme, les heures de pointe deviennent des festivals du parking.

Nous en sommes là.

Les transports en commun n'ont jamais suivi l'étalement urbain dans le 450. Prendre les trains de l'AMT? Pour nombre de banlieusards, cela signifie se lever à l'aube pour s'assurer d'une place dans le stationnement incitatif, souvent plein avant 7h. Et, le soir, impossible bien souvent d'étirer le 5 à 7 ou de faire des heures supplémentaires: ils vont rater le foutu train. Bonjour la flexibilité.

Dans ce contexte, donner un mois gratuit aux gens qui s'abonnent aux transports en commun pendant un an, c'est l'équivalent de mettre son pouce dans le trou d'un barrage pour stopper la fuite d'eau.

Non, l'économie de 80$ (Longueuil), de 113$ (AMT) ou de 73$ (STM) n'est pas à négliger. Mais si le Blainvillois moyen va travailler au centre-ville en voiture, je soupçonne que c'est parce que les transports en commun l'emmènent à la Place Ville-Marie moins vite que sa Mazda. Pas parce qu'il trouve que c'est 113$ trop cher.

Une étude de Statistique Canada, publiée mercredi, le démontre: prendre les transports publics pour aller au boulot, partout au pays, est encore plus long que de prendre son bazou. Tant que ce sera le cas, il n'y aura pas de conversion des automobilistes.

Si la grande région de Montréal se transformera bientôt en parking à ciel ouvert, c'est parce que, pendant des années, nous avons permis un étalement urbain basé sur un mode de transport: le char. Pendant toutes ces années, nous avons aussi négligé d'entretenir le réseau routier. En 2011, ça fait beaucoup, beaucoup de chars pognés dans beaucoup, beaucoup de chantiers de réfection.

Les coupables: péquistes et libéraux, depuis 30 ans, qui ont permis cet étalement. Et nous tous, qui trouvons normal de fuir la région immédiate de Montréal pour acheter des bungalows aux portes des Laurentides, dans l'illusion que, de toute façon, se rendre à Montréal «ne prend qu'une demi-heure». Ce qui est vrai... vers 2h30 du matin.

L'effort annoncé hier pour décongestionner la région métropolitaine est majeur. Un exemple: 55 000 places de plus en transports en commun. C'est un gros effort. Mais il y a chaque jour 1,4 million de déplacements dans la région. L'impact risque d'être modeste.

Sam Hamad a parlé de l'ajout de 910 places de stationnement incitatif dans le réseau de l'AMT. Un autre bel effort, mais qui est cruellement relatif quand on sait que l'AMT offre quelque 30 000 places, actuellement, dans 62 stationnements: ces 910 places supplémentaires, c'est comme ajouter 14 places dans chacun des stationnements actuels...

Personnellement, je suis résigné. Trop de Québécois habitent sur un territoire métropolitain trop vaste pour être couvert efficacement par un système de transports collectifs. L'ère des bouchons va durer, malgré les efforts du ministre des Transports, Sam Hamad.

Remarquez, on va s'y habituer. On s'habitue à tout, dans cette province. Comme on s'est collectivement habitués à attendre 18 heures aux urgences pour des bobos, grands et petits, on s'habituera aux bouchons. Notre devise, Québécois, ne devrait pas être «Je me souviens». Ce devrait être «On s'y fait».

Pour joindre notre chroniqueur: plagace@lapresse.ca