C'est un pays où des journalistes qui emmerdent le pouvoir sont épiés par les hommes du président. Leurs appartements sont mystérieusement fouillés, le journal pour lequel ils travaillent est mis sur écoute, leurs relevés de téléphone portable, scrutés à la loupe par des agents secrets de l'État.

Tout ça, bien sûr, sous le fallacieux et éprouvé prétexte de la sécurité de l'État.

Devinez de quel pays je parle.

Le Zimbabwe? Le Pakistan? L'Iran?

Non... Enfin, oui: probablement que le Zimbabwe, le Pakistan, l'Iran et autres semblables républiques bananières se livrent à l'espionnage des artisans du droit du public à l'information. Mais je parle, ici, de la France!

L'affaire a été éventée par Le Monde: un de ses journalistes, Gérard Davet, a vu ses relevés de téléphone portable consultés par la Direction centrale du renseignement intérieur. Le mandat de la DCRI, tel celui d'une police nationale de type FBI, va de la lutte contre le terrorisme à la surveillance de groupes anarchistes.

Le journaliste du Monde n'est pas terroriste salafiste, mais il irritait le pouvoir avec sa couverture de l'affaire Bettencourt, du nom de l'héritière des produits L'Oréal, vieillissante milliardaire Liliane Bettencourt, soupçonnée d'avoir illégalement financé le parti UMP de Nicolas Sarkozy, il y a quelques années, avant son accession à la présidence.

Des agents secrets qui traquent des journalistes? Ce sont des méthodes qui, dans un pays civilisé, sont surprenantes. Mais bizarrement, en France, ce sont de méthodes vieilles comme le camembert, ou presque.

J'étais à Paris la semaine dernière, en tournage pour Les Francs-tireurs, quand cette affaire a connu de nouveaux rebondissements. Par hasard, nous avions une entrevue au Canard enchaîné, le célèbre journal satirique qui fait dans le scoop, grand et petit. Le rédacteur en chef, Claude Angeli, m'a fièrement montré un trou dans le mur: celui où des micros installés par des agents secrets de l'État, en 1973, avaient été promptement débusqués.

Une décennie plus tard, par contre, Carole Bouquet n'a jamais su que François Mitterrand la faisait espionner par ses «services». Le président de la République, entiché de la jeune actrice, l'avait fait mettre sur écoute!

Ces histoires d'espionnage sont fascinantes parce qu'elles révèlent, deux siècles après la Révolution de 1789, le caractère monarchique, tout-puissant, de la présidence française. Qu'elle soit de gauche ou de droite.

Dans le cas du journaliste du Monde, l'État va plaider l'«intérêt national»: il s'agissait, dit le ministre de l'Intérieur, de colmater des fuites au gouvernement...

Le Monde, lui, a porté plainte pour violation de la loi sur le secret des sources journalistiques (une telle chose existe, en France). C'est ainsi qu'une juge d'instruction - l'équivalent, disons, d'une procureure de la Couronne - a pu ouvrir une enquête et savoir qui, à la DCRI, avait demandé au fournisseur de téléphonie Orange les relevés d'appels de M. Davet.

Quelle est la première leçon de cette affaire?

La démocratie, c'est surtout une mécanique de contre-pouvoirs. Oui, la présidence française se comporte comme la présidence d'une république de bananes en espionnant des journalistes (et des actrices!). Mais cette juge d'instruction qui mord le mollet des hommes de Sarkozy, c'est la différence entre la France et, mettons, la Russie.

Remarquez, un juge d'instruction trop zélé qui se fait faire des coups fourrés par l'exécutif, ça s'est déjà vu (et ça se voit encore). Ça nous amène à la seconde leçon: il n'y a pas de démocratie parfaite...

ANNE, CHÈRE ANNE - Toute la planète sait désormais que DSK est une sorte de Tiger Woods de la politique, c'est-à-dire qu'il baise comme si la vie était un club échangiste à ciel ouvert. Pourtant, rien n'y fait: Anne Sinclair, sa femme, reste là, indécoiffable, aux côtés de son homme.

Qu'elle ait choisi de soutenir son mari, bon, c'est une chose. Mais qu'est-ce qui la pousse à le faire si publiquement? À poser dans Paris Match avec son chaud lapin? Était-elle obligée de prendre le même avion que lui pour rentrer en France, dimanche?

Sur la photo de l'AFP, à la gauche de son mari, Anne Sinclair arbore le sourire amusé d'une starlette photographiée à sa descente d'avion après un mariage éclair à Tahiti avec le chanteur du groupe pop de l'heure.

La cocue la plus rayonnante de l'univers.

ÇA ROULE - Étonnant à quel point, dans Paris intra-muros, comme ils disent, la circulation automobile est fluide. Pour une des cités les plus peuplées d'Europe, la chose est surprenante.

Je sais que Luc Ferrandez, maire du Plateau, dans une autre vie, a vécu à Paris.

Pis?

Pis, ben, c'est ça, c'est tout.

PARIS, C'EST BEAU - Oui, Paris, c'est formidable. Mais disons les vraies affaires: les restos y manquent cruellement de sauce brune, j'ai trouvé. Et les immeubles, de tôle ondulée, d'affiches en néon rose. Et les citoyens, de camisoles. Et les rues, de braderies.

Bref, c'est bien beau, Paris, mais je m'ennuyais de Montréal.