La séquence a été filmée à Montréal, mercredi soir dernier vers 23h, boulevard Saint-Laurent, entre l'avenue des Pins et la rue Duluth. Elle montre des flics, plusieurs flics, qui interviennent auprès de jeunes hommes. On ne connaît pas la raison de l'intervention, que quelqu'un a filmée avec son téléphone.

Jusqu'à 1:36, je ne trouvais pas matière à écrire à ma mère. Une intervention policière, c'est rarement élégant. Et puis je me méfie généralement de ces séquences: fatalement, il nous manque une partie du contexte.

Ce jeune homme, plaqué contre la voiture de patrouille par quelques policiers qui tentent de le maîtriser? Pas beau à voir. Brutal, mais est-ce de la brutalité policière? Pas sûr.

Ce jeune homme qui reçoit des coups de bâton télescopique dans les jambes, puis du gaz poivre dans la gueule alors que, du trottoir, il enguirlande les agents qui tentent de maîtriser celui qui semble être son ami? La policière pourrait arguer, avec raison, qu'il était menaçant.

Qu'importe. Les flics se font huer. La situation est tendue. On entend des sirènes: les renforts arrivent.

Ce jeune homme prend donc un jet de gaz poivre en pleine figure, fait quelques pas à reculons et, comme un pantin désarticulé, tombe dans le vestibule d'une boutique. La séquence coupe vers des policiers qui arrivent en renfort. Dont un policier, plus âgé, cheveux gris coupés en brosse.

C'est cet agent qui s'approche d'une jeune fille au chandail rouge qui est allée s'asseoir à côté du type poivré. Il lui dit quelque chose. Lui prend le bras. Elle résiste. Il la prend encore par le bras. Elle lui dit: «Vous me faites mal!»

Encore là, je ne suis pas ému. Je suis surpris par la politesse de la jeune femme: elle le vouvoie. Mais les flics ont affaire à ce jeune homme, la fille est dans le chemin, le policier la soulève brusquement. Pas amusant à voir. Mais nécessaire.

Arrive alors la marque de 1:36 dans la vidéo. Le policier a réussi à faire lever la jeune fille. Il lui tient les deux bras dans le dos. Il la fait marcher devant lui. Et c'est ici que je décroche, c'est ici que je crie à la brutalité policière.

Primo, il lui donne une poussée alors qu'elle est en déséquilibre. Complètement inutile. La fille n'était pas une menace. Bien sûr, elle n'a pas obéi au flic dans la nanoseconde. Mais on est loin du voyou qui veut croquer du gendarme.

Deuzio - et Robocop va sans doute plaider qu'il ne l'a pas fait exprès -, comme par hasard, il y a une borne de stationnement dans la trajectoire de la fille. Elle tombe dessus, face première.

Un geste idiot, un geste de power trip. Un geste dangereux. Pour la citoyenne, bien sûr, mais pour les collègues de Robocop: c'est exactement le genre de geste qui jette de l'huile sur le feu, qui attise la colère d'une foule.

Après, le flic en remet. La tutoyant gros comme le bras, il menace d'accuser la jeune fille d'entrave au travail d'un agent de la paix.

Pourquoi les menaces, monsieur l'agent? Pour avoir une monnaie d'échange dans le cas où elle porterait plainte?

J'ai un respect immense pour le travail des policiers. Je l'ai souvent écrit. Aucun respect pour les brutes qui abusent du pouvoir de leur insigne en traitant une jeune fille à côté de ses pompes comme une menace immédiate pour la société. Comme un motard.

Au fait, monsieur l'agent, quand un membre du crime organisé vous nargue, boulevard Saint-Laurent, quand il ne vous obéit pas dans la seconde, êtes-vous aussi brave?

Aussi «physique»?

Je l'espère.