L'autre jour, une dame m'écrit pour dénoncer une situation qui la trouble. Dans une école secondaire de Jonquière, dit-elle, on propose aux élèves de porter le voile islamique pendant une semaine, dans le cadre d'une réflexion sur les conceptions religieuses.

Le ton? Hystérique. Les formules? Alarmistes.

«Je ne peux pas croire qu'après toutes les luttes que les femmes (et les hommes) ont menées au Québec pour l'égalité des sexes, on va faire porter le voile à des jeunes filles de 15 ans, au nom de l'ouverture aux autres!»

Là, vous pensez bien, j'étais sur le point de sauter dans mon char et de descendre à Jonquière pour enquêter sur cette école qui, sous des airs tout à fait normaux, favorise l'islamisation des petites Tremblay...

Mais au prix de l'essence de nos jours, j'ai préféré faire un appel à l'école, avant. Et, vérifications faites, le cours d'Éthique et culture religieuse de 4e secondaire se proposait de faire porter le voile aux élèves pendant deux heures. Pas une semaine. Sur une base volontaire, avec note préalable aux parents. Une seule mère a appelé le directeur pour poser des questions.

Bref, je suis heureux de vous dire que l'école polyvalente Jonquière n'est pas une école coranique...

Ce qui m'amène au plus récent livre de Djemila Benhabib qui a écrit, vous vous en souvenez peut-être, Ma vie à contre-Coran, où elle racontait son combat et celui de sa famille contre les barbus algériens. Cette fois, l'essai s'intitule Les soldats d'Allah à l'assaut de l'Occident.

Vous dire que j'ai roulé les yeux dès la page 30. Décrivant l'arrivée au pouvoir de Khomeiny en Iran, l'auteure écrit: «Les mâchoires affamées des échafauds vont bientôt se mettre au service du Guide suprême et fonctionner à plein régime. Le ministère du Bien et du Mal s'apprête à entrer en action. Le carnaval des interdits va bientôt commencer...»

J'ai roulé les yeux parce qu'en matière de défonçage de portes ouvertes, ce passage mérite un Oscar. Les barbus au pouvoir sont des sexistes sanguinaires? Merci, je crois qu'on le savait avant la parution des Soldats d'Allah...

Ainsi, Mme Benhabib nous décrit comment les femmes sont lapidées dans des pays rétrogrades comme l'Iran, le Pakistan ou le Bangladesh. Et, encore là, par la description systématique de l'exercice, avec la prose des romans Harlequin - «... la tête se fragmente, le corps se tord, la respiration s'amenuise, le râle d'agonie se perd dans la poussière...» -, Mme Benhabib s'échine à nous convaincre que la lapidation, c'est mal. Merci, j'avais justement des doutes!

On passe par Gaza, par Londres, par l'assassinat de ben Laden, par quelques phrases où l'auteure célèbre sa propre résistance aux islamistes, des détours longs et pénibles, pour enfin arriver au Québec dans la troisième partie. Djemila Benhabib déconstruit avec une minutie assommante les jeux de coulisses qui ont poussé la Fédération des femmes du Québec à ne pas condamner le port du voile, en 2009.

Pour l'auteure, le voile, c'est mal, tout le temps. Et ceux qui ne le dénoncent pas avec assez de zèle sont tancés avec un zèle qui rappelle ce bon vieux Joseph McCarthy. D'ailleurs, par bouts, Les soldats d'Allah à l'assaut de l'Occident se lit comme l'oeuvre d'un hystérique du péril rouge des années 50 recyclé, au XXIe siècle, dans le péril barbu...

Donc, pour revenir à nos hijabs, la FFQ, noyautée par des islamistes selon Mme Benhabib (qui n'a pas tout à fait tort), est coupable de «dérive communautariste» sur la question du «maudit torchon» qui, rappelle gravement Djemila Benhabib, fut la «rampe de lancement de Khomeiny» ...

Dans le même panier, Benhabib lance donc le voile islamique imposé par Khomeiny dans l'Iran de 1979 et celui avalisé par la FFQ au Québec, en 2011. Rien que ça...

Je suis désolé, je suis sûrement un «idiot utile» aux yeux de la Jeanne d'Arc Benhabib, mais je ne perçois pas d'islamisation galopante ici, maintenant. Rien qui justifie ce ton hystérique, ces formules alarmistes...

Page 215, Djemila Benhabib dénonce les plaintes d'un lobby islamique canadien contre le magazine Maclean's. Le Congrès islamique canadien avait en effet porté plainte pour islamophobie contre l'hebdomadaire devant trois commissions des droits de la personne au pays. Une tentative «de porter un coup fatal à la liberté d'expression», écrit-elle.

Le hic?

Ces plaintes - détestables, en effet - n'ont pas eu de suite. Elles ont été rejetées tant à Vancouver, à Ottawa qu'à Toronto. Ce que l'auteure ne mentionne nulle part. Ce petit détail, bien sûr, aurait porté ombrage à ce «coup fatal» que Djemila Benhabib dénonce avec l'enflure caractéristique de son essai.