Eh, toi, l'électeur des régions! Oui, toi, ce Québécois mythique qui n'habite pas la grande région de Montréal. Sais-tu qu'il y a un parti qui est prêt à tout pour que tu sois représenté sous toutes tes coutures à l'Assemblée nationale? Laisse-moi te raconter, cher électeur des régions.

Il y a, dans les limbes du Directeur général des élections du Québec, une refonte de la carte électorale. Je sais que le pape a dit que les limbes n'existent plus, mais là n'est pas la question. Cette refonte est en suspens, disons, car il n'y a pas de consensus parmi les partis politiques quant au redécoupage de cette carte.

Vois-tu, les régions devraient normalement perdre des circonscriptions. Trois, en fait. Pourquoi? Parce que les régions perdent des habitants.

C'est simple: une circonscription québécoise compte en moyenne 46 579 électeurs. La loi prévoit que le nombre d'électeurs ne peut varier de plus, ou de moins, de 25% par rapport à la moyenne provinciale. En deçà et au-delà de 25%, les frontières de la circonscription doivent être redessinées à la prochaine refonte.

Ainsi, selon la loi, la Beauce, la Gaspésie et le Bas-du-Fleuve devraient perdre une circonscription. Et la banlieue de Montréal, qui gagne des habitants, devrait en gagner trois.

Dans une démocratie occidentale basée sur le principe d'«une personne, un vote», ce n'est rien de révolutionnaire.

Le Parti libéral du Québec s'est arrangé pour torpiller l'autorité du DGEQ dans ce dossier. Pas question de fâcher les gens des régions. La refonte est donc sur la glace.

Mais c'est le PQ qui, cher électeur des régions, fait preuve du plus grand zèle dans la refonte de la carte électorale. C'est le PQ, cher électeur des régions, qui fait des contorsions dignes d'une gymnaste chinoise pour s'assurer que les électeurs des régions ne perdent pas un siège à l'Assemblée nationale.

D'abord, en mars, le PQ a accouché d'un nouveau principe inconnu de l'Occident, pour - j'allais dire téter - satisfaire les régions dans la refonte de la carte électorale: «la représentation effective des régions».

Oui, tu as bien lu, cher électeur des régions: la représentation effective des régions. Non, je ne sais pas si ce terme a été emprunté à un vieux manuel de la fonction publique de l'URSS vendu au marché aux puces de Saint-Eustache.

Mais ce n'est pas tout, tu seras heureux d'apprendre que le PQ a accouché d'une nouvelle idée pour - j'allais dire flatter dans le sens du poil - bien représenter les régions à Québec. C'est une idée du député Pascal Bérubé, de Matane, reprise par la chef Pauline Marois: une «Chambre des régions».

Tu as bien lu, cher électeur des régions: transformer l'Assemblée nationale en Parlement bicaméral. Oui, oui, on parle bien d'une autre couche d'élus à ajouter aux députés existants.

Personnellement, je trouve que le PQ ne va pas assez loin quand il fait la cour aux régions. Je trouve qu'on devrait carrément donner le droit de vote aux vaches. Bien sûr, celui-ci serait exercé par leur propriétaire légal. On pourrait appeler ça de la «solidarité ruro-parentale».

L'idée, c'est de ne jamais, jamais, jamais irriter les régions. Les régions sont le coeur du Québec. Les régions abritent l'âme du peuple, du vrai Québec. Au diable les statistiques. Vive le mépris effectif du réel.

Bien sûr, l'électeur de Gaspé, circonscription en déficit de 40% sur la moyenne provinciale, aura ainsi un poids politique à peu près deux fois supérieur à celui des électeurs habitant une circonscription «moyenne»...

Bien sûr, il y a une façon de donner un poids parfaitement égal à chaque citoyen du Québec. Ça s'appelle le système de représentation proportionnelle. Ainsi, que vous soyez à Gaspé ou à Terrebonne, votre vote a le même poids.

Ça n'arrivera jamais.

Pas assez compliqué.

SUPERFLIC - J'aimerais juste souligner que Robert Lafrenière, grand patron de l'UPAC, qui s'est prononcé hier contre une commission d'enquête publique et pour une bonne fessée à Jacques Duchesneau, son rival de l'UAC, a grandi dans la Sûreté du Québec.

Dans cette police politique qu'est la SQ, une police qui jamais ne mord son maître politique, ce qu'a fait M. Duchesneau - embarrasser le maître - ne se fait tout simplement pas.

Le pire, c'est de voir M. Lafrenière s'empourprer devant une attaque de M. Duchesneau sur la crédibilité de l'UPAC. On croira à la crédibilité de l'UPAC quand elle fera des arrestations qui embarrasseront ses maîtres politiques. Quand elle ira pêcher ailleurs qu'à Boisbriand.

D'ici là, le cynisme est le seul antidote à l'apoplexie.