Le train de l'Est va relier Mascouche à Montréal. Il permettra à 2,5 millions de personnes de transiter dans ce train de banlieue chaque année. Et à un nombre difficilement quantifiable de gens de faire du fric avec les terrains dont l'État a besoin pour aménager les gares, mais ça, c'est une autre histoire.

Le tracé passera sous la montagne, dans le tunnel ferroviaire du mont Royal. C'est ici que la grande aventure des transports en commun du Québec moderne se gâte. Parce qu'il a été construit en 1918, le tunnel.

Il y a un siècle, pour mille raisons, dans mille domaines, la sécurité des personnes était régie par des principes différents. Ça explique pourquoi, sur le Titanic, on n'avait prévu des espaces dans les canots de sauvetage que pour le tiers des passagers. Ça explique pourquoi il n'y a aucune sortie de secours dans le tunnel ferroviaire du mont Royal.

Or, s'il y a un incendie, disons dans le milieu du tunnel ferroviaire, les passagers devront marcher 2,4 kilomètres avant d'arriver à l'air libre.

S'il était construit aujourd'hui selon les normes de sécurité modernes, ce tunnel compterait des sorties de secours aux 762 mètres. Donc, six ou sept. L'idée étant de permettre aux gens de sortir le plus rapidement du tunnel où un incendie fait rage.

Pourquoi?

Parce que dans un incendie du genre, il ne suffit pas de s'éloigner du brasier pour sauver sa peau. Il faut échapper à la fumée, aussi. C'est la fumée, toxique, qui tue, dans la plupart des cas. Dans un tunnel, qui est un espace clos, le temps d'évasion des personnes est donc particulièrement crucial.

Il y aura pour 20 millions d'améliorations dans le tunnel, à terme: de la signalisation, des réservoirs d'eau, des ventilateurs, des trottoirs.

Mais pas de sorties de secours!

Bref, le tunnel n'est pas sécuritaire, selon les règles modernes, pour accueillir un flot important de passagers. En cas d'incendie, des centaines, voire des milliers de personnes devraient marcher au maximum 2,4 kilomètres avant d'échapper à la fumée toxique d'un incendie.

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Joël Gauthier, président de l'Agence métropolitaine de transport, et Pierre Moreau, ministre des Transports, devraient être inquiets de l'absence de sorties de secours.

Pourtant, non. En fait, MM. Gauthier et Moreau nous font monter dans un train pour l'Absurdistan, avec des déclarations complètement débiles.

«Le tunnel est sécuritaire et il répond aux normes de l'époque où il a été construit [en 1918]», a par exemple lancé M. Gauthier.

Je me sens super con de souligner ce fait, mais allons-y, M. Gauthier semblant l'ignorer: nous ne sommes plus en 1918.

Quant à Pierre Moreau, il partage la pensée magique de Joël Gauthier quant à la «sécurité» du tunnel, mais également - tenez-vous bien - dans la fabrication des réservoirs de diesel des locomotives, auxquels Bombardier a apporté une attention particulière, a-t-il assuré l'Assemblée nationale.

C'est dans la nature des catastrophes que de prendre les hommes et leurs chefs les culottes baissées. Alors quand j'entends les mots «réservoirs», «diesel» et «sécuritaires», je ne peux pas m'empêcher de penser aux mots «Titanic» et «insubmersible»...

Un incendie est un événement chaotique. Un incendie dans un endroit clos, comme un tunnel, est un événement chaotique gonflé aux stéroïdes. Il suffit de lire les rapports d'enquête de tragédies comme l'incendie du tunnel du mont Blanc (1999, 39 morts) pour s'en convaincre.

Pas grave: MM. Moreau et Gauthier traitent une catastrophe potentielle sous la montagne avec le détachement réservé aux exercices d'incendie.

Ces déclarations rassurantes de MM. Moreau et Gauthier seraient risibles s'il s'agissait simplement d'étudier l'écho de 1984, de George Orwell, dans les sociétés modernes. La novlangue d'Océania, avec ses slogans contradictoires - «La liberté, c'est l'esclavage» -, renvoie à la novlangue de l'Absurdistan de MM. Gauthier et Moreau, qui nous vantent l'insécurité sécuritaire du tunnel ferroviaire du mont Royal et le caractère bimode des locomotives, qui passeront au mode électrique dans le tunnel.

La vérité, c'est que l'AMT est ici prise en plein délit d'improvisation. Le tracé du train de l'Est a été annoncé en 2006. Quand le comité sur le tunnel a-t-il commencé à plancher? En 2010. Pourquoi pas en 2006?

La vérité, c'est aussi que construire des sorties de secours, c'est forcément creuser des tunnels dans le mont Royal. Bonjour les millions de dollars.

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Ah, j'oubliais. Joël Gauthier jure que le tunnel est sécuritaire. Mais l'AMT cache les résultats d'une analyse de risques faite dans le cadre de l'étude sur les améliorations de 20 millions.

Donc, le président de l'AMT dit que le tunnel est sécuritaire. Mais il cache une étude sur la sécurité du tunnel!

Voici une question directe pour M. Gauthier.

Pourquoi la cacher, l'étude?

Une réponse en autre chose que la novlangue serait appréciée.