En 2010, 2009 et 2008, j'ai couvert pour La Presse trois événements où les policiers de Montréal ont dû faire face à des foules hostiles dont les actions ont viré à l'émeute. Dans l'ordre: débordements au centre-ville après les victoires du Canadien en séries éliminatoires contre Pittsburgh et contre Boston, puis colère populaire dans Montréal-Nord après la mort de Fredy Villanueva.

Dans ces trois situations difficiles, les policiers de Montréal ont agi avec retenue. Même quand une des leurs a été atteinte par la balle tirée par un inconnu (Montréal-Nord), même quand leurs autos-patrouilles étaient incendiées et qu'ils se faisaient lancer des pierres et des bouteilles (émeutes post-victoires du CH).

J'ai toujours pensé que dans ces trois émeutes, les policiers avaient agi avec une prudence et un sens de la mesure qui ont honoré le SPVM.

Mais je vous vois aller avec les étudiants en grève, les boys, et je commence à me demander si vous ne manquiez pas de bravoure, finalement.

Ces grévistes sont moins violents que les émeutiers de Montréal-Nord et des victoires du CH : pourtant, vous leur fessez dessus et vous les poivrez avec un aplomb que je n'avais pas vu en 2010, 2009 et 2008.

Pourquoi?

Parce que c'est plus facile de varger sur une étudiante en philo que sur des crottés qui lancent des briques?

Je l'ai écrit cent fois: les policiers de Montréal font un métier difficile. Je suis souvent monté au créneau pour nuancer les critiques qui leur pleuvaient dessus quand une intervention tournait au drame, ces dernières années. Je ne suis pas un croqueur de flics.

Mais là, désolé: je n'aime pas ce que je vois. Pas du tout.

Je demanderais bien au chef Marc Parent de dire à ses agents de se calmer le pompon, mais depuis qu'il a fait le nain de jardin devant le ministre de la Sécurité publique dans l'affaire des sources des journalistes, je sais qu'il obéit docilement à Québec. Même s'il a des enfants de l'âge des manifestants, inutile d'en appeler au chef Parent.

Peut-être que le maire Gérald Tremblay peut rappeler son chef à l'ordre avant qu'un autre étudiant ne soit éborgné? Je sais que le maire sait ce que c'est que de devoir payer ses droits de scolarité, lui qui a fait de hautes études à Harvard sans être riche.

Je suis sûr que Marc Parent prendrait l'appel du maire, entre deux traques de sources journalistiques. Après tout, le maire Tremblay est le boss de la ville qui a embauché le chef Parent.

***

La bêtise, c'est de geler les droits de scolarité. Tous les gouvernements du Québec ont participé à cette charade depuis des décennies: depuis 43 ans, les droits de scolarité ont été gelés pendant... 33 ans.

Je suis contre les gels. Qu'il s'agisse de taxes municipales, de tarifs d'électricité ou de droits de scolarité: c'est une mesure populiste qui ne vise qu'à astiquer la cote de popularité de ceux qui mettent les factures au congélateur.

Au final, quand on «dégèle» un tarif, il y a forcément un choc tarifaire. Si on indexe au rythme de l'inflation, le tarif est synchro avec le réel.

Là-dessus, le Parti québécois fait du guidounage en prônant un gel. Il n'y a pas d'autre mot.

***

Ce qui ne veut pas dire que les étudiants doivent accepter une hausse de 75 % des droits de scolarité sur cinq ans. C'est énorme! Aucun groupe organisé dans la société n'accepterait une hausse de 75 % sans rechigner.

Pensez aux garderies à 7 dollars: c'est 35 dollars par semaine. Ce n'est qu'une portion - comme les droits de scolarité - du coût réel du service. Une hausse de 75% des tarifs de garderie ferait en sorte qu'en 2017, le service coûterait 61dollars par semaine. Peut-être que c'est justifié. Mais pensez-vous que les parents du Québec prendraient ça en souriant? Jamais.

Et si Québec osait faire passer à 61 dollars par semaine les frais de garde, qui oserait dire aux parents qu'ils n'ont qu'à se passer d'un voyage dans le Sud pour faire face à la hausse? Comme on le fait avec le proverbial budget d'alcool des étudiants, je veux dire...

Quand le patronat veut des «arrangements» de Québec, il embauche d'anciens ministres pour faire du lobbying ou encore il fait du chantage aux jobs. Les syndicats peuvent faire des moyens de pression, qui vont jusqu'à la grève.

Les étudiants, eux, n'ont que la grève. Ils n'ont aucun autre moyen efficace d'être entendus par Québec.

***

Deux conseils aux étudiants, en terminant.

Primo, changez vos techniques de manifs. Asseyez-vous en pleine rue, faites un sit-in. Un flic qui poivre un étudiant assis sur la chaussée n'a aucune excuse. Il en a mille si vous lui hurlez dans la face en faisant des simagrées. Googlez, pour cela, les mots «John Pike» et «UC Davis» : vous y trouverez une belle leçon de l'efficacité de la résistance passive face aux flics.

Dotez-vous d'un service d'ordre qui maîtrisera les fouteurs de trouble: la police n'aura pas l'excuse des dérapages pour vous fesser dessus. Interdisez le port du masque: quiconque porte un masque dans une manif a quelque chose à cacher et donne une raison aux flics d'être sur les dents.

Deuzio, fichez-nous la paix avec la gratuité à la scandinave, ça n'arrivera pas. Cherchez la solution mitoyenne. Une hausse graduelle, calquée sur l'inflation, par exemple. Soyez pragmatiques. Soyez le camp qui proposera un compromis.