Deux heures avant le match Canadien-Penguins d'hier, debout devant un bouquet de microphones, Pierre Gauthier répond aux questions des journalistes. Le directeur général des Glorieux a choisi le caractère informel du salon des médias pour dresser le bilan de son équipe à la mi-saison.

Sûr de lui, Gauthier s'exprime avec clarté et générosité. Il sait aussi remettre les choses en perspective. Tenez, voyez comment il éteint cette petite controverse à propos du calendrier du Canadien durant le temps des Fêtes, obligé de disputer sept matchs consécutifs à l'étranger: «Vous parlez à quelqu'un qui a géré les Ducks d'Anaheim. Là-bas, il y a plusieurs voyages de deux semaines par année...»

Gauthier est aussi capable d'humour. À propos de cette tournée du temps des Fêtes, il lance: «Je me sentais comme si nous étions les Harlem Globetrotters! On ne nous a pas fait jouer à New York, Toronto ou Boston. Nous sommes allés partout où ce sont les partisans du Canadien qui viennent remplir les sièges. Peut-être devrions-nous en discuter avec la Ligue. Mais je réalise que dresser le calendrier n'est pas facile.»

En observant Gauthier négocier avec aisance et finesse cet exercice de questions-réponses, je me suis demandé pourquoi il n'occupait pas un rôle public plus prépondérant. Son prédécesseur, Bob Gainey, était un homme peu loquace, ne raffolant pas de ces échanges dont profitent les amateurs de hockey.

Le parcours professionnel et la personnalité de Gauthier sont à l'opposé de ceux de l'ancien capitaine du Canadien. Détenteur d'une maîtrise en administration du sport à l'Université du Minnesota, professeur associé à la même institution, il est un excellent pédagogue, capable de vulgariser les concepts et d'offrir un éclairage original sur une foule d'enjeux liés à son sport. Dommage qu'on ne l'entende pas plus souvent.

Une curieuse situation

Sur le plan de la communication publique, le Canadien se trouve aujourd'hui dans une fort curieuse situation. Aucun des trois membres les plus influents de la haute direction, Geoff Molson, Pierre Boivin et Pierre Gauthier, ne tient un rôle de premier plan à ce chapitre.

Malgré l'excellence de son service des communications, composé de gens efficaces et expérimentés, l'organisation ne compte aucun porte-parole naturel, doté d'une autorité morale suffisante pour analyser les défis auxquels le Canadien et le hockey professionnel sont confrontés. Dans un marché comme celui de Montréal, où le hockey représente le sport numéro un, cela est embêtant.

Le président de l'équipe, Pierre Boivin, devrait assumer une partie de cette tâche, surtout dans les dossiers moins collés au rendement de l'équipe. Il l'a d'ailleurs souvent fait dans le passé. Mais puisqu'il quittera son poste dans moins de six mois, il se trouve dans une position inconfortable pour commenter des enjeux à plus long terme, la responsabilité première d'un président d'entreprise. L'avis d'un gestionnaire dont la date de départ est déjà connue n'a forcément pas le même poids.

Geoff Molson, leader du groupe des propriétaires, remplira peut-être ce rôle à compter du 1er juillet prochain, lorsqu'il succédera officiellement à Boivin à titre de président de l'équipe. Mais pour l'instant, il apprend le métier et préfère conserver un profil discret. Cette attitude, sage et compréhensible, représente une marque de respect bien méritée envers Boivin.

Quant à Pierre Gauthier, il hésite à remplir ce rôle. «Tu sais, il y a certaines limites que je ne peux franchir», m'a-t-il expliqué, après son point de presse.

«Je ne peux commenter ni les rumeurs, ni les discussions avec les autres directeurs généraux, ni les négociations avec les agents. Je dois aussi respecter notre premier objectif, la qualité du rendement de notre équipe. Or, bien souvent, ça nuirait à notre compétitivité de dévoiler publiquement certaines choses. On ne veut pas que nos adversaires connaissent certaines informations à propos de notre club.

«On ne veut pas davantage critiquer nos joueurs publiquement. D'une part, nous devons les traiter, ainsi que leur famille, avec respect; d'autre part, nous ne souhaitons pas que leur valeur diminue sur le marché. Quand on met tout cela ensemble, ça limite beaucoup ce qu'on peut dire publiquement.»

Cette attitude effacée des trois plus hauts dirigeants de l'équipe fait en sorte que Jacques Martin se retrouve de facto le porte-parole de l'équipe. Or, s'il demeure un solide homme de hockey, il est clair que l'entraîneur du Canadien ne se recyclera pas en vice-président aux communications une fois sa carrière derrière le banc terminée! Durant ses points de presse, Martin dévie rarement de l'étroite ligne qu'il s'est fixée. Cela dit, il possède une qualité indéniable, ne mettant jamais son organisation dans le pétrin. Cet atout est apprécié de ses supérieurs et vaut son pesant d'or.

La composition de l'équipe accentue le rôle de Martin comme porte-parole. Aucun des meilleurs joueurs ne parle le français. Pour les besoins de la radio et de la télé, l'entraîneur devient donc un interlocuteur incontournable jour après jour.

«Je ne me cache pas»

Dans ce contexte, il serait intéressant d'entendre Gauthier plus régulièrement.

«Hé, je ne me cache pas! lance-t-il en riant. Je suis toujours autour et je réponds aux questions auxquelles je peux répondre. Je n'ai aucun problème à apporter des clarifications sur un sujet donné ou à peindre un portrait plus global de notre action. Je suis en poste depuis 11 mois: si tu prends tout ce que j'ai dit publiquement depuis ce temps, tu peux comprendre ma philosophie.

«Un exemple: tantôt, en point de presse, j'ai rappelé ne pas être un grand partisan des échanges à la date limite des transactions. Je préfère obtenir un joueur lorsqu'il reste 40 matchs au calendrier régulier plutôt que 20. Ça facilite son intégration dans l'équipe.»

Voilà une information à ne pas oublier lorsque la machine à rumeurs s'emballera à l'approche de la date limite des transactions. Sur le plan des communications, Gauthier ne dérogera pas à sa ligne de conduite. Mais en l'écoutant attentivement lorsqu'il s'exprimera, on comprendra déjà mieux les stratégies du Canadien.

C'est toujours ça de pris.