Si le projet de nouveau Colisée était entièrement l'affaire de la Ville de Québec et du secteur privé, le maire Régis Labeaume et ses partenaires auraient le droit de mener le dossier d'une manière aussi opaque.

Mais ce n'est pas le cas. Le gouvernement du Québec promet d'injecter 180 millions dans la construction de l'édifice; celui du Canada, par le biais du programme des partenariats public-privé, pourrait aussi faire sa part, compte tenu des besoins en amphithéâtres et stades neufs partout au pays.

Lorsque pareilles sommes sont tirées des poches des contribuables, le processus devrait se dérouler avec un minimum de transparence. Surtout dans le cadre d'un projet dont le réel objectif demeure le retour des Nordiques.

Si l'État accepte de subventionner par la bande le hockey professionnel, le public devrait obtenir des précisions sur les engagements auxquels les promoteurs privés devront souscrire. Par exemple, si la LNH revient à Québec, le nouveau propriétaire de l'équipe offrira-t-il la garantie formelle de ne pas la déménager avant 30 ans?

Ce serait bien la moindre des choses! Les voeux pieux ne seront pas suffisants, surtout dans un Québec où les anciens proprios des Nordiques, en 1988, avaient juré que les Bleus seraient ici «pour toujours», et où ceux des Expos, trois ans plus tard, avaient promis la présence des Z'Amours «pour les prochains 100 ans». On connaît la suite.

Or, à l'heure actuelle, le secret enrobe les pourparlers. Le maire Labeaume invoque des ententes de confidentialité. Fort bien. Mais rien ne l'empêche de rassurer le public en énonçant les paramètres de la négociation. À ce chapitre, c'est pourtant le néant total. Comme si les citoyens n'étaient bons qu'à applaudir lorsque les ententes seront ficelées. Cela ressemble à du mépris.

Au plan de la participation du secteur privé, seul le président de Quebecor s'est prononcé publiquement, évoquant une offre «substantielle» de «plusieurs dizaines de millions». Ironiquement, cette déclaration a fait parler d'une même voix conservateurs et libéraux fédéraux, qui ont posé une question essentielle.

«Plusieurs dizaines de millions, c'est combien?» a demandé Dimitri Soudas, le porte-parole du premier ministre Harper, dans une déclaration au Soleil. «Qu'est-ce que ça veut dire? Vingt? Cinquante? Cent?»

Michael Ignatieff a ajouté: «M. Péladeau dit qu'il va dépenser des dizaines de millions de dollars. Je veux bien, mais je ne peux rien faire en tant que législateur responsable avec une vague promesse d'un millionnaire. Ce n'est pas sérieux!»

Le désir de Pierre Karl Péladeau d'investir dans un nouveau Colisée et de ramener les Nordiques dans la Vieille capitale est louablesi son plan n'égorge pas le contribuable et ne mine pas dès le départ les chances de succès de l'entreprise. Je lui donne raison d'exiger la gestion de l'édifice en retour de sa participation. Cette manière de procéder fait l'unanimité dans l'industrie. C'est la seule façon de s'assurer que l'exploitant mette tout en oeuvre pour transformer l'opération en succès.

En revanche, je m'interroge sur la signification réelle de ces «dizaines de millions», une formule qui frappe l'imagination, mais vague à souhait. Je m'inquiète de leur nombre, bien sûr, mais aussi de la façon dont ils seront déboursés. Il existe en effet une différence fondamentale entre un chèque encaissable sur le champ et des versements étalés sur 15 ou 20 ans.

Ainsi, si une partie importante de cette somme est liée aux droits d'appellation du nouveau Colisée, cela forcera sans doute la Ville de Québec à vendre à escompte cet engagement afin d'obtenir un financement immédiat. Au bout du compte, la somme obtenue sera moindre que celle promise, le prêteur devant toucher sa part. C'est ce qui s'est produit avec le Canadien lorsque l'ancien propriétaire George Gillett a restructuré ses actifs.

Dans un marché à bas revenus, comme celui de Québec, il serait hasardeux d'hypothéquer des revenus courants d'opération afin de payer la construction du nouveau Colisée. Attrayant à court terme, un financement basé en partie sur la vente du nom de l'amphithéâtre, de loges corporatives ou de sièges de choix risque de produire des effets néfastes à moyen terme. Ce sera autant moins d'argent pour payer les joueurs à chaque année. Et s'il fallait que la valeur du dollar canadien chute, les finances de l'équipe deviendront vite serrées.

Cette crainte est d'autant plus réelle que le principal concurrent des futurs Nordiques sera le Canadien, dont la masse salariale frôlera sans doute toujours le maximum autorisé. Les gens de Québec accepteraient-ils longtemps d'encourager une équipe dont la masse salariale, saison après saison, serait inférieure de 15 millions à celle du Canadien?

M. Péladeau refuse de divulguer son plan financier et il en a le droit. En revanche, le maire de Québec devrait dévoiler les engagements auxquels les entreprises intéressées devront souscrire. S'il ne le fait pas, le gouvernement du Québec, premier et principal bailleur de fonds du projet, devrait s'interposer.

Il est fascinant de constater combien le projet est mené différemment à Edmonton.

Quatre réunions du conseil municipal ont permis aux citoyens d'obtenir des informations de première main sur le dossier. Les modèles de financement envisagés sont connus et débattus publiquement. Le propriétaire des Oilers, Daryl Katz, a effectué une présentation aux élus et répondu à leurs questions.

Il n'existe aucune raison pour que les choses se déroulent de façon diamétralement opposée à Québec.