Le communisme, foi de Hank Steinbrenner, s'insinue malicieusement dans le sport professionnel nord-américain. Et il a choisi son cheval de Troie: le baseball majeur!

Celle-là, parions que vous ne l'aviez pas vue venir. Surtout si, comme moi, vous avez observé avec stupéfaction la récente danse des millions dans cet univers de plus en plus déconnecté de la réalité.

Voyons un peu: Carl Crawford a obtenu 142 millions des Red Sox de Boston et Jayson Werth 126 millions des Nationals de Washington, chacun pour sept ans. Les Phillies de Philadelphie ont consenti 120 millions pour cinq ans à Cliff Lee, qui n'a même pas choisi la meilleure offre financière!

Plus près de nous, les Blue Jays de Toronto ont promis 64 millions en cinq ans à Jose Bautista, un joueur dont le palmarès ne compte qu'une seule bonne saison et qui ne profitait pas de l'autonomie.

Alors, dites-vous, où se cache le communisme dans tout ça? Selon Steinbrenner, dans le partage des revenus et la taxe de luxe, des mécanismes visant à favoriser l'égalité des chances entre les équipes établies dans les gros et petits marchés.

L'an dernier, ces règles ont forcé son organisation, les Yankees de New York, à verser 130 millions au fonds central du baseball majeur. Le fils de George Steinbrenner n'a pas apprécié cette générosité imposée.

Dans une déclaration qui s'inscrira sûrement au panthéon de l'année sportive 2011, l'ami Hank a affirmé que le baseball ferait mieux de ne pas compter d'équipes dans les marchés à bas revenus, si cela devait forcer les Yankees à partager leurs richesses. «Le socialisme, le communisme, peu importe comment tu veux appeler ça, ce n'est jamais la réponse.»

Pendant que Steinbrenner exprimait malhabilement une opinion sans doute répandue chez plusieurs organisations riches, Kenny Williams provoquait une tempête avec un franc-parler étonnant.

Selon le directeur général des White Sox de Chicago, le baseball se dirige vers un désastre. Bientôt, craint-il, la famille américaine typique ne pourra plus s'offrir ce divertissement propre au tissu social des États-Unis: assister à un match des ligues majeures.

Williams a effectué sa sortie en commentant l'enjeu de l'heure dans le baseball: Albert Pujols deviendra-t-il le premier joueur à encaisser un salaire annuel de 30 millions? Selon plusieurs sources, le puissant cogneur des Cardinals de St. Louis vise une entente de 300 millions pour 10 ans!

Bien sûr, de nombreux joueurs vedettes touchent déjà de formidables salaires. Mais aucun d'eux ne détient un contrat dont la valeur moyenne annuelle est si élevée. Pas même Alex Rodriguez, des Yankees. Il touchera plus de 30 millions en 2011, tout comme lors des deux dernières saisons, mais son salaire moyen pour les 10 années de son contrat est de 27,5 millions.

Aux États-Unis, le cas Pujols s'est transformé en symbole. Surtout que la convention collective du baseball majeur prendra fin à la fin de la saison.

«Dans mon esprit, un salaire annuel de 30 millions constitue une idiotie, a expliqué Williams, à la station Comcast SportsNet. Nous avons atteint un point de non-retour. Quelque chose doit survenir. Et si un arrêt de travail est nécessaire pour ramener un sain équilibre au baseball, pour encadrer les équipes incapables de stopper cette folie, alors je suis d'accord.»

Les White Sox constituent eux-mêmes de gros dépensiers, reconnaît Williams. Mais à son avis, l'essor du baseball nécessite que des équipes établies dans des marchés plus modestes comme ceux de Pittsburgh, Kansas City et Oakland luttent aussi pour le championnat.

Williams a ensuite rappelé une déclaration de Jerry Reinsdorf, le proprio des White Sox: «Lorsque le match commence, toutes les équipes respectent les mêmes règles. Mais avant le match, les règles sont complètement différentes.»

Même si les Expos sont disparus de Montréal, l'évolution du dossier sera intéressante pour les amateurs de sport du Québec. Pour une raison très simple: la Ligue nationale de hockey ne vit pas isolée dans le sport business nord-américain.

Les développements dans la NFL, la NBA et au baseball majeur influenceront inévitablement la prochaine convention collective du hockey. Et celle-ci sera déterminante sur les chances de survie d'éventuelles équipes à Québec et à Winnipeg.

Le commissaire de la LNH, Gary Bettman, et le nouveau directeur de l'Association des joueurs, Donald Fehr, surveilleront de près leurs homologues des autres sports au cours des prochains mois.

La NFL négocie actuellement son nouveau contrat de travail et un lock-out se profile à l'horizon. Même situation dans la NBA où, à quelques semaines de l'expiration de la convention collective, les deux parties sont à des années-lumière l'une de l'autre.

Au baseball, certaines organisations, comme celle des White Sox, militeront sans doute en faveur de l'implantation d'un plafond salarial lorsque les pourparlers s'amorceront dans les prochains mois. Hank Steinbrenner y verra une manifestation de communisme rampant, mais les amateurs de plusieurs villes espéreront que l'idée se concrétise.

Dans la LNH, la convention collective prendra fin à la fin de la saison 2011-12. Si, d'ici là, Albert Pujols obtient une enveloppe de 300 millions pour 10 ans, parions que plusieurs organisations, tous sports confondus, s'inquiéteront. L'effet d'entraînement pourrait s'avérer irrésistible.

Bien sûr, compte tenu de la popularité toute relative du hockey aux États-Unis, la LNH ne proposera pas de tels salaires à ses joueurs.

Cela dit, qui aurait cru, au moment de la signature de la dernière convention collective en 2005, qu'Alexander Ovechkin et Ilya Kovalchuck signeraient des contrats d'une valeur globale de 100 millions et plus?