Pierre Karl Péladeau a sûrement fait plaisir à Régis Labeaume en affirmant, sourire aux lèvres, que les négociateurs de la Ville de Québec étaient allés chercher jusqu'à «la dernière cenne» dans les négociations faisant de Quebecor l'exploitant du nouvel amphithéâtre.

En utilisant cette formule, PKP a montré son habileté. D'abord, il a rassuré les contribuables craignant que Quebecor n'obtienne à prix de faveur les clés du nouvel amphithéâtre. Ensuite, il a drapé son entreprise dans un rôle sympathique, celui du bon Samaritain ne regardant pas à la dépense pour faire progresser sport et culture dans la Vieille Capitale.

Cela dit, si l'entente remplit les objectifs de l'administration Labeaume, elle est aussi profitable pour Quebecor. En retour d'un loyer annuel variant de 3,1 à 5 millions, et d'une part modeste d'éventuels bénéfices, la société de M. Péladeau obtient tous les revenus de l'édifice, ainsi que son entière gestion.

Cette latitude renforcera la stratégie de convergence de Quebecor. Le nouveau Colisée sera un succès si ses activités génèrent de nouveaux revenus sur toutes les plateformes de l'entreprise: télévision, câble, téléphonie, internet et édition. Le pari est intéressant.

Pour la Ville de Québec, la clé de l'entente réside dans le paiement d'une somme forfaitaire en retour du droit d'appellation du nouveau Colisée. Si une équipe de la LNH s'y installe, Quebecor versera 63,5 millions; sinon, la somme sera de 33 millions. Pour reprendre l'expression de M. Péladeau, il s'agit d'argent «up front», et non pas de versements payables sur plusieurs années.

La distinction est majeure. Ce fut l'enjeu le plus chaud de cette négociation. Le paiement de cette indemnité, même si elle n'est pas due avant 2015, garantit que Quebecor mettra tout en oeuvre pour faire du projet une réussite.

Au bout du compte, l'entreprise de M. Péladeau a ravi le morceau parce qu'elle a proposé de meilleures conditions financières que le tandem Bell-evenko. L'effort de Quebecor est néanmoins inférieur à celui du propriétaire des Oilers d'Edmonton, qui s'est engagé à verser 100 millions si un nouvel amphithéâtre est construit.

Sur le plan des relations publiques, Pierre Karl Péladeau connaît une excellente semaine.

Ironiquement, le règlement du conflit au Journal de Montréal, qui se traduit par de nombreuses pertes d'emplois, semble avoir davantage écorché Claudette Carbonneau, présidente de la CSN, que lui. Et voilà que Régis Labeaume, fort apprécié dans sa ville, en fait son allié et lui donne le mandat de dénicher une équipe de la LNH.

«Nous avons une communauté d'intérêts, m'a dit Régis Labeaume. En affaires, c'est la clé de la réussite.»

Voilà pourquoi le maire de Québec n'entrevoit pas de difficultés au cours des prochains mois lorsque la Ville et Quebecor travailleront de concert pour identifier les besoins du nouvel amphithéâtre et déterminer les priorités.

M. Péladeau affirme vouloir en faire une vitrine de haute technologie. Quebecor aura évidemment des idées très précises sur les atouts que devra compter l'amphithéâtre. Mais c'est la Ville, en tant que propriétaire, qui prendra les décisions finales. Des divergences de vues sont possibles.

«Plus le nouvel amphithéâtre attirera de spectateurs, plus la Ville touchera d'argent avec les frais de 4$ par billet, rappelle M. Labeaume. Encore là, nous partageons les mêmes objectifs. On veut mettre l'argent à l'intérieur de l'édifice, pas gagner un concours d'architecture.»

Bien sûr, la nouvelle d'hier aiguisera l'espoir des amateurs de hockey rêvant au retour des Nordiques. MM. Péladeau et Labeaume ne cachent pas leur espoir de voir la LNH s'installer de nouveau à Québec au cours des prochaines années. L'échec de ce projet affecterait davantage Quebecor que la Ville de Québec. Sans équipe de la LNH, il est peu probable que la chaîne TVA Sports voie le jour. De nombreuses possibilités de convergence demeureraient alors inexploitées.

De son côté, le maire Labeaume avait promis aux gens de Québec la construction d'un nouvel amphithéâtre de concert avec le secteur privé. Il remplit ses engagements. Son plan financier est cohérent. Pour les contribuables de Québec, le risque semble minimal, pourvu que les avocats aient bien rédigé les contrats!

«On parle beaucoup de sport et c'est normal, a-t-il ajouté. Mais il ne faut pas négliger le volet spectacles. Je suis convaincu qu'il peut créer des emplois et attirer des jeunes à Québec.»

Le vieillissement de la population de Québec préoccupe le maire. La ville affiche un taux de chômage parmi les plus bas des grandes villes canadiennes. Des secteurs d'avenir éprouvent des problèmes de main-d'oeuvre. Dans ce contexte, il souhaite que le nouveau Colisée constitue un facteur d'attraction auprès des jeunes.

M. Labeaume peut dire mission accomplie. Ce sera maintenant à M. Péladeau de ne pas décevoir les gens de Québec. Pour cela, il devra attirer un club de la LNH dans la Vieille Capitale. «Je vous passe la rondelle», lui a d'ailleurs dit le maire, à la fin de son allocution.

Les yeux étaient peut-être rieurs, mais le message drôlement clair!