Le plus étonnant, c'est de penser que la Ligue nationale de hockey et l'Association des joueurs sont dirigées par deux avocats. Des gens qui, normalement, devraient savoir mieux. Et défendre les principes élémentaires d'équité dans l'administration de la justice.

L'une des nombreuses incongruités de l'affaire Zdeno Chara-Max Pacioretty, outre l'absence de suspension et le cynisme de Gary Bettman, réside dans la façon dont l'audition menant à l'absolution de Chara a été conduite.

Victime du coup, Pacioretty n'a jamais été invité à offrir sa version. Seul le témoignage de Chara, qui a juré n'entretenir aucune intention malicieuse, a eu droit de cité. C'est renversant, mais c'est comme ça.

Entendre toutes les parties impliquées constitue pourtant un principe de base: audi alteram partem, comme répétait l'ancien premier ministre Bernard Landry, adepte du latin à ses heures.

Pacioretty, on le sait maintenant, n'a pas absous Chara de tout blâme. En entrevue aux réseaux RDS et TSN, le jeune ailier du Canadien a exprimé sa colère.

«Je pense qu'il (Chara) tentait de diriger ma tête vers le montant de la baie vitrée. Nous savons tous où il se trouve. Ce n'était pas un coup à la tête comme il y en a tant, mais j'ai l'impression qu'il a visé pour que ma tête heurte la paroi.»

Cette opinion aurait dû alimenter la réflexion de Mike Murphy, préfet de discipline de la LNH dans ce dossier. L'audition a donc bafoué les règles de l'équité. Mais attention avant de blâmer la LNH! L'Association des joueurs (AJLNH) est aussi responsable de cette situation.

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Les procédures d'audition encadrant les sanctions additionnelles font partie de la convention collective signée par les deux parties. Sur le plan technique, on ne peut rien reprocher à Mike Murphy. Il n'a fait qu'appliquer les règles en vigueur. Et aucune d'elles ne prévoit le témoignage du joueur lésé. Le cas Chara-Pacioretty a été jugé comme tous les autres depuis 2005.

Voici comment les choses fonctionnent. Après une rapide étude du dossier, la LNH décide si l'incident est susceptible d'entraîner une suspension de six matchs ou plus. Si oui, l'audition du joueur fautif a lieu en personne; si non, une téléconférence est organisée.

Lorsque Mike Murphy a convié les Bruins à une téléconférence mercredi matin, ceux-ci ont tout de suite compris que Chara serait peut-être blanchi. Et que, dans le cas contraire, la suspension ne dépasserait pas cinq matchs.

L'audition téléphonique a réuni cinq personnes: le directeur général des Bruins, Chara, son agent, un représentant de l'Association des joueurs et Mike Murphy.

À l'époque où tous les matchs n'étaient pas télévisés, la victime pouvait aussi faire valoir son point de vue, de façon à ce que le président de la LNH puisse profiter d'un tableau complet avant de trancher. En 1955, par exemple, Hal Laycoe, des Bruins, a témoigné à l'audition ayant conduit à la suspension de Maurice Richard.

Mais aujourd'hui, la technologie permet au préfet de discipline de voir la séquence sous tous les angles, au ralenti et au super ralenti, même s'il n'assistait pas au match. Au fil des années, le processus a donc été simplifié.

L'affaire Chara-Pacioretty met cependant en lumière le burlesque de ces règles. Tout est pensé en fonction de la défense des intérêts du joueur fautif, puisqu'une suspension lui vaudra une perte de salaire. Si l'Association des joueurs a participé à l'audition de Chara, c'était pour veiller à ce que ses droits ne soient pas bafoués et non pas pour rappeler la terrible blessure à Pacioretty.

Allan Walsh, agent de plusieurs joueurs dont Jaroslav Halak et Marc-André Fleury, estime que ce système n'est pas à point. «Les sanctions additionnelles devraient sans doute relever d'un arbitre ou d'une partie neutre plutôt que de la LNH, dit-il. Et le joueur lésé devrait être entendu.»

Walsh a entièrement raison. Ce système est archaïque et constitue un déni des règles de justice naturelle.

Un proverbe dit qu'à toute chose, malheur est bon. Dans le cas qui nous occupe, souhaitons que l'affaire Chara-Pacioretty incite notamment la LNH et l'Association des joueurs à établir de nouvelles règles sur les auditions.

Si Murphy avait entendu la version de Pacioretty, Chara aurait-il été pardonné si rapidement? Peut-être pas. Et la LNH aurait évité de se tourner en ridicule.

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Pierre Gauthier s'apprête à vivre une des semaines les plus cruciales de sa carrière. N'en doutez pas: l'influence du directeur général du Canadien dans la décision de Geoff Molson d'écrire sa lettre aux partisans fut prépondérante.

Nouveau membre du Bureau des gouverneurs, Geoff Molson est à bâtir son réseau au sein des propriétaires. Or, pour avoir l'audace d'exiger des changements et d'exprimer son désaccord avec la direction du circuit, le propriétaire du Canadien devait s'assurer d'un minimum d'appuis. Selon mes informations, Pierre Gauthier a joué un rôle essentiel à ce chapitre. Le pari du Canadien, c'est que les directeurs généraux soient prêts à agir pour contrer l'hécatombe sur la patinoire.

Une intéressante enquête de Bob McKenzie, de TSN, démontre que 17 d'entre eux sont disposés à examiner des solutions pour réduire les coups à la tête.

En Floride, le rôle de Gauthier sera de s'assurer que la lettre de son patron provoque une prise de conscience. La LNH étant la LNH, ne nous attendons pas à une révolution instantanée. Avant de cueillir, Geoff Molson et Pierre Gauthier doivent semer.

Photo: Bernard Brault, La Presse

Max Pacioretty n'a pas absous Zdeno Chara de tout blâme...