Ray Lalonde aurait sûrement préféré devenir chef de la direction du Canadien, un poste prestigieux qui sera pourvu au cours des prochaines semaines.

Mais en apprenant en janvier dernier que Geoff Molson l'écartait de la course, l'ancien vice-président marketing des Glorieux a quitté son bureau aussi vite qu'un porteur de ballon flairant la brèche dans la ligne ennemie. Sa transition du hockey au football était déjà amorcée.

Ce matin, Ray Lalonde est le nouveau président et chef de la direction des Alouettes. La nouvelle a été confirmée hier en conférence de presse.

Son allocution officielle, prononcée d'un ton vif et chaleureux, s'est distinguée autant par ses affirmations que par ses non-dits. Lalonde a évoqué son fructueux séjour de 10 années auprès de Pierre Boivin en remerciant ses collègues du «Centre Bell». Le fait qu'il n'ait pas utilisé le mot «Canadien», lui qui a déployé une énergie considérable à redonner à ce nom toute sa magie, relève peut-être de la coïncidence. Mais cela me laisse plutôt croire que la blessure n'est pas cicatrisée.

Malgré ses incontestables réussites, Lalonde ne faisait pas l'unanimité dans les bureaux du Canadien. Son ton en indisposait plus d'un. Et Geoff Molson n'a pas voulu en faire son bras droit.

- Alors, Ray, es-tu vraiment aussi dur avec tes employés?

- Je suis exigeant, c'est vrai. Je suis un compétiteur. Quand on veut déplacer des montagnes, les attentes sur le plan de l'éthique de travail sont forcément élevées. Avec le Canadien, nous avons bâti une organisation hors glace comparable à n'importe quelle autre dans le sport professionnel. Nos résultats ont démontré que pour compter parmi les meilleurs, on doit travailler plus fort et exiger plus.

Les projecteurs étaient éteints depuis plusieurs minutes lorsque je me suis retrouvé seul avec le nouveau président des Alouettes.

«Tu sais, je suis très reconnaissant de la chance que m'a donnée le Canadien et très fier du travail accompli. Les directeurs que j'ai embauchés, des étoiles dans leur domaine, sont demeurés à mes côtés tout ce temps.

«D'autres employés ont-ils été contrariés? Peut-être. Mais si quelqu'un ne suit pas, ce n'est pas différent de Jacques Martin ou Marc Trestman qui lui fait sauter un match. Agir ainsi, est-ce être méchant? Ou plutôt se comporter en leader capable de prendre la décision qui s'impose?»

Malgré les critiques formulées dans les coulisses à son endroit, Ray Lalonde assume pleinement son style de gestion. Dans son esprit, ses succès avec le Canadien, notamment les célébrations du centenaire, parlent plus fort que tout.

Les Alouettes ont mis la main sur le meilleur candidat disponible. À l'Université Penn State, où il a obtenu une maîtrise en administration du sport, Ray Lalonde était un des nombreux entraîneurs adjoints de Joe Paterno, une légende de la NCAA. Ces années de formation l'ont profondément marqué. «Cet homme a touché la vie de tous ceux qui l'ont côtoyé, dit-il. Je n'ai oublié aucune des leçons qu'il m'a enseignées.»

Son diplôme en poche, Lalonde a été embauché par l'Association nationale de basketball en 1992. Après avoir travaillé à New York, il a été dépêché en Europe. C'est là qu'il a rencontré Mark Cohon, un autre jeune homme prometteur qui travaillait à l'essor de la NBA outre-mer. Aujourd'hui, Cohon est commissaire de la Ligue canadienne de football.

«Mark est un ami depuis plus de 15 ans, explique Lalonde. Le progrès accompli par la ligue au cours des dernières années m'impressionne. Elle est gérée avec un meilleur souci du détail.»

La passion de Lalonde pour le football ne fait aucun doute. Ses yeux s'illuminent lorsqu'il évoque les noms de grands joueurs de la LCF ayant marqué sa jeunesse: Ron Lancaster, Sonny Wade, Warren Moon et Johnny Rodgers, son favori de toute l'histoire des Alouettes.

Cela dit, ce n'est pas pour ses connaissances en football que Bob Wettenhall, le propriétaire des Alouettes, a embauché Lalonde. Malgré le rendement de l'équipe, l'organisation n'est pas satisfaite de sa place sur l'échiquier sportif montréalais.

«C'est difficile de faire mieux sur le terrain, reconnaît Lalonde. Alors si je peux aider, ce sera au niveau affaires. Et affaires égale revenus. L'objectif est de faire en sorte que ce soit une entreprise profitable pour M. Wettenhall. C'est difficile pour lui d'obtenir autant de succès au plan sportif et de ne pas être capable de capitaliser là-dessus.»

Au sein de la puissante organisation du Canadien, Ray Lalonde dirigeait un vaste personnel travaillant dans l'urgence 12 mois par année. Compte tenu de sa courte période de transition, son adaptation à la structure plus légère des Alouettes constituera un défi.

De la même façon, son accès aux commanditaires et aux médias sera différent. Ce n'est pas tout: en 2012, les Alouettes trouveront un nouveau rival sur leur chemin. Avec son entrée en Major League Soccer et l'agrandissement du stade Saputo, l'Impact générera beaucoup d'intérêt.

Les deux organisations se battront pour attirer les spectateurs et les dollars corporatifs, notamment en plein été, une période où ce défi est encore plus rude. Elles devront déployer des trésors d'imagination pour occuper leur juste place dans le marché.

Ray Lalonde est un bourreau de travail. Cette qualité lui sera essentielle au cours des prochains mois. «Je veux profiter pleinement de cette occasion, dit-il. C'est un chapitre important dans ma carrière.»

Un «chapitre». Le mot est significatif. Ray Lalonde n'a manifestement pas fini d'écrire son livre.