C'est la mise en échec de l'année dans la LNH. Son auteure n'est pas un rude défenseur ou un bouillant ailier, mais plutôt une femme de 39 ans, militante de droite, excellente communicatrice et imperméable aux pressions colossales de l'industrie du sport spectacle.

Depuis plusieurs semaines, Darcy Olsen, présidente de l'Institut Goldwater, fait rager Gary Bettman. Ses convictions font bien plus mal au commissaire de la LNH que la lettre de Geoff Molson ou les dénonciations d'Air Canada et VIA Rail dans l'affaire Chara-Pacioretty. Olsen veut en effet stopper le plan de Bettman afin de maintenir les Coyotes de Phoenix en Arizona.

Dans toute l'histoire du sport professionnel, peu d'ententes ont atteint un tel niveau de cynisme. Sous prétexte de protéger de vaporeuses retombées économiques, la Ville de Glendale, où est situé l'amphithéâtre des Coyotes, fera cadeau de 197 millions en cinq ans à Matthew Hulsizer, homme d'affaires de Chicago, afin de lui permettre d'acquérir les Coyotes.

Depuis son départ de Winnipeg pour l'Arizona en 1996, cette concession a perdu de l'argent chaque saison. L'équipe a fait faillite, obligeant la LNH à en assurer la gestion. Incapables d'attirer des investisseurs locaux, bien au fait que le hockey ne sera jamais une proposition gagnante en Arizona, la LNH s'est tournée vers Hulsizer, fondateur de Peak6, une société financière reconnue pour ses services innovateurs. La Ville lui remettra 100 millions à la conclusion de la transaction, en plus de lui verser 97 millions au cours des cinq prochaines années à titre de gestionnaire de l'aréna. Ces 197 millions surpassent les 170 millions que Hulsizer versera à la LNH en retour de l'équipe.

L'Institut Goldwater, ainsi nommé en l'honneur de Barry Goldwater, héros de la droite américaine et adversaire défait de Lyndon B. Johnson à l'élection présidentielle de 1964, estime que cet accord contrevient à la Constitution de l'Arizona, qui interdit aux autorités publiques de donner des cadeaux aux entreprises privées.

Pour obtenir la première tranche de 100 millions, la Ville de Glendale émettra des obligations. La semaine dernière, Darcy Olsen a confirmé que l'Institut Goldwater déposera un recours en justice si Glendale va de l'avant. Cette annonce fait hésiter la Ville et les investisseurs potentiels qui, en raison de cette menace, exigent un taux d'intérêt plus élevé, augmentant d'autant les coûts de la Ville.

En visite à Glendale au début du mois, Bettman n'a pas manqué de culot. «Il est temps pour Goldwater de se retirer de cette affaire. Leur conduite me porte à m'interroger sur leur réel désir de servir l'intérêt public», a-t-il dit au quotidien Arizona Republic.

Le commissaire a ajouté: «Je suis fasciné que la personne dirigeant l'Institut Goldwater puisse substituer son jugement à celui du conseil municipal de Glendale.»

Réplique de Darcy Olsen: «Je suis fascinée que le commissaire pense que quelques politiciens puissent substituer leur jugement à nos lois.»

Pour les ligues de sport professionnel, l'intérêt public n'est jamais aussi bien servi que lorsque les pouvoirs publics engouffrent des millions de dollars dans leurs activités.

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Darcy Olsen et l'Institut Goldwater ont mené leur combat dans un certain isolement. Mais soudainement, la vertigineuse entente permettant à Hulsizer de mettre la main sur les Coyotes résonne aux quatre coins de l'Amérique.

Le réseau de télévision Fox Business News, bien connu pour ses positions conservatrices, s'est emparé de l'affaire. En entrevue, Darcy Olsen a habilement expliqué l'état du dossier. «Vous ne croirez pas ce qu'ils veulent faire ici!» a-t-elle lancé à l'animateur, qui a comparé son combat à celui de la révolution américaine, et la Ville de Glendale au roi d'Angleterre de l'époque.

Cette entrevue a connu du retentissement puisque vendredi, un autre groupe de pression, Americans for Tax Reform, a appuyé l'Institut Goldwater.

Soudainement, la LNH se retrouve avec un problème de relations publiques sur les bras. Des ténors de la droite la dépeignent comme une entreprise assoiffée de fonds publics. Dans la foulée des élections de novembre dernier aux États-Unis, où les électeurs ont envoyé un message clair sur l'utilisation de leurs impôts, il s'agit d'une position inconfortable.

L'Institut Goldwater a habilement fait remarquer que les Sabres de Buffalo ont récemment été vendus à un investisseur ayant réglé la facture grâce à sa fortune personnelle. Matthew Hulsizer étant un homme très riche, l'Institut affirme qu'il est «sûrement mieux placé pour acheter la concession avec ses propres fonds que les contribuables de Glendale».

Face à toutes ces incertitudes, la LNH et la Ville de Glendale multiplient les efforts pour jeter le blâme sur l'Institut Goldwater. Elles n'ont pas une seule fois expliqué pourquoi Hulsizer devait recevoir de si importantes subventions.

La seule interprétation est la suivante: peu importe le propriétaire, les Coyotes continueront leurs activités dans un bain d'encre rouge. Hulsizer devra assumer ces pertes, sans doute jusqu'au moment où il exigera de nouvelles concessions de la Ville de Glendale, qui sera déjà prise à la gorge pour rembourser ses obligations.

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Cela dit, il demeure possible que les obligations soient émises et que les Coyotes demeurent à Phoenix en vue de la prochaine saison. S'ouvrira alors une guérilla juridique dont l'issue risque de menacer de nouveau leur survie.

Sinon, les Coyotes retourneront à Winnipeg.

Les amateurs de hockey du Manitoba pourront alors remercier Darcy Olsen, qui n'aura pas baissé les bras devant la puissante Ligue nationale.

Photo fournie par le CATO Institute

Depuis plusieurs semaines, Darcy Olsen fait rager Gary Bettman...