Il y a eu un moment magique pour le Canadien, hier, à Boston. C'était en fin de troisième période et la foule du TD Garden était survoltée. Les Bruins menaient 3-2 et flairaient la victoire. Dans les gradins, les spectateurs accompagnaient en cris et en danses «Shipping up to Boston», une chanson du groupe Dropkick Murphys, devenue leur hymne. Un peu comme «Olé Olé» au Centre Bell, mais dans un style...punk celtique!

L'énergie dans l'amphithéâtre était incomparable. Les Bruins semblaient enfin sur le point de vaincre leurs démons et de remporter un septième match devant leurs partisans. Et puis P.K. a décidé de faire son show. Comme si c'est lui qui avait fait le plein d'adrénaline à l'écoute de la pièce.

P.K. Subban! Celui que le public bostonien adore détester, à qui il crie en choeur des insanités. Avec moins de deux minutes à écouler, le jeune défenseur du Canadien a décoché un tir d'une puissance inouïe qui s'est retrouvé derrière Tim Thomas. Le gardien des Bruins n'a même pas eu le temps de bouger. Le Canadien venait de créer l'égalité et poussait le match en prolongation!

À partir de ce moment, je croyais bien que l'affaire était entendue. Je sais, je sais, on ne peut jurer de rien en prolongation. Un mauvais bond, une erreur bête ou un jeu magnifique, tout peut basculer en une seconde. Mais le but de Subban semblait être une réédition de l'histoire. Comme si la série de mai 1979 entre les Bruins et le Canadien voulait se rappeler à notre bon souvenir.

Vous vous souvenez de ce tir foudroyant de Guy Lafleur en fin de match pour créer l'égalité... 3-3? C'est ce grand moment de l'histoire du Canadien que le but de Subban m'a rappelé.

Hélas pour le Canadien, cette fois, il n'y a pas eu d'Yvon Lambert pour venir achever le travail en prolongation. Et quelques minutes plus tard, lorsque Nathan Horton a inscrit le but victorieux en prolongation, la saison du Canadien était terminée.

Subban était déçu dans le vestiaire du Canadien. «On s'est battus jusqu'à la fin, a-t-il dit. On voulait atteindre la deuxième ronde, mais ça ne sera pas le cas cette année. Nous sommes tout de même fiers de notre effort. Beaucoup de gars ont acquis de l'expérience. Ça nous aidera au cours des prochaines années.»

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Que Subban entrevoie l'avenir avec enthousiasme est tout naturel. Mais souhaitons que la direction du Canadien n'enfile pas des lunettes roses en dressant le bilan de la saison.

Il sera tentant d'évoquer les blessés, la performance honnête contre les Bruins en séries, et la malchance, peut-être.

Ces faits ne sont pas faux. Mais ils masquent l'essentiel. Le Canadien a terminé sa saison en perdant quatre de ses cinq derniers matchs. L'équipe a été incapable d'achever ses rivaux lorsqu'elle en a eu l'occasion. Rappelez-vous cette avance de 3-1 bêtement échappée lors du quatrième match, au Centre Bell.

Cette série nous a rappelé que le Canadien aligne des défenseurs combatifs, mais lents; des attaquants doués, mais pas très costauds; des joueurs travaillants, mais peu opportunistes.

Dans les circonstances, avec l'équipe qu'il avait sous la main, Jacques Martin a fait un excellent travail.

Dans la Ligue nationale, la mode n'est pas aux entraîneurs plus âgés. Les jeunes loups de la profession, rompus aux récentes technologies et capables d'animer un atelier sur le leadership, ont la cote.

Martin n'est pas issu de cette école. Il n'a pas débuté dans le coaching avec un ordinateur sur son bureau. Il a connu des réussites et des échecs, s'est parfois enfargé, mais a toujours poursuivi son chemin en homme fier et droit.

Aujourd'hui âgé de 58 ans, Martin a démontré avoir encore de bons tours dans son sac.

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La scène appartient maintenant à Pierre Gauthier. Le DG devra agir pour combler les lacunes du Canadien.

Gauthier est en poste depuis février 2010. Il a contribué à construire l'équipe que Bob Gainey lui a laissée en héritage. Les succès du printemps dernier lui ont fait croire que son noyau de vétérans était solide. Aujourd'hui, cette conclusion est moins évidente.

À l'attaque, quatre joueurs - Gomez, Gionta, Cammalleri et Plekanec - touchent près de 40% de la masse salariale de l'équipe. Cela diminue beaucoup la flexibilité dont dispose Gauthier. Le cas Gomez sera évidemment le plus délicat. Que faire de lui?

Tout n'est pas noir, évidemment. Le Canadien aligne d'excellents jeunes joueurs: Carey Price et P.K. Subban. Max Pacioretty, s'il se remet bien de sa blessure, fera sa marque dans la LNH. Tout comme Lars Eller, bien meilleur joueur que plusieurs partisans ne semblent le penser.

Cela dit, des améliorations à la formation sont nécessaires. Le Canadien, cette saison, a montré ses limites.

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Contre toute attente, le Canadien s'est retrouvé en demi-finale de la Coupe Stanley au printemps dernier. On dira que cette réussite a démesurément gonflé les attentes un an plus tard.

Je ne suis pas d'accord. Dans mon esprit, atteindre des objectifs élevés doit faire partie de l'ADN du Canadien. Le respect de la tradition, ce n'est pas seulement mettre en vedette un grand nom du passé en lui faisant porter le flambeau, avant un match important. C'est, d'abord et avant tout, réussir des exploits en séries éliminatoires.

À ce chapitre, la saison 2010-2011 aura été un échec.