Le 13 avril, la LNH a publié un communiqué de presse qui n'a guère suscité de remous. La direction du circuit a révélé que ses revenus, en hausse pour une cinquième saison consécutive, atteindraient 2,9 milliards à la fin des séries éliminatoires.

Une importante nouvelle se cache derrière cette annonce. Ces résultats exceptionnels entraîneront en effet une hausse appréciable du plafond salarial la saison prochaine.

Dans la foulée, le plancher salarial sera augmenté d'autant. C'est donc dire que les équipes à bas revenus, déjà aux prises avec des difficultés financières, ne profiteront guère de cette manne pour alléger leur bilan.

Pour saisir la portée de ces chiffres, il faut d'abord comprendre le mécanisme servant à établir le plafond salarial.

La convention collective prévoit que les joueurs touchent 57% des revenus générés par l'industrie lorsque ceux-ci atteignent 2,7 milliards. Cette somme est divisée par 30, le nombre d'équipes du circuit. Le chiffre obtenu est la moyenne.

Pour déterminer le plafond salarial, on ajoute 8 millions à cette moyenne; de la même façon, pour établir le plancher salarial, on y retranche 8 millions.

L'objectif est simple: l'écart entre l'équipe dépensant le plus en salaires et celle dépensant le moins ne doit pas dépasser 16 millions. L'équilibre de la compétition est ainsi mieux préservé.

Malgré leurs énormes moyens, les Rangers de New York, le Canadien et les autres clubs riches ne peuvent verser en salaires 30 ou 40 millions de plus que les Panthers de la Floride ou les Coyotes de Phoenix. Et ces derniers, malgré leur envie de compresser les dépenses, doivent respecter le plancher salarial.

Au cours des prochaines semaines, la LNH dressera les comptes de la saison en cours. Ceux-ci seront vérifiés de manière indépendante. Dans la troisième semaine de juin, soit une dizaine de jours avant l'ouverture du marché des joueurs autonomes, Gary Bettman annoncera aux équipes les paramètres salariaux de la saison 2011-2012.

La LNH ayant déjà confirmé que ses revenus atteindraient 2,9 milliards, le plafond salarial devrait minimalement passer de 59,4 millions à 63,1 millions.

Mais ce chiffre pourrait être plus élevé en vertu du nouveau contrat de télévision aux États-Unis. Une clause de la convention collective permet en effet de le comptabiliser dès maintenant dans le calcul plutôt que d'attendre une autre année.

Je vous fais grâce des autres particularités servant à établir exactement le plafond salarial (avantages sociaux et hausse statutaire). Mais ne soyez pas surpris s'il atteint 64 millions. Dans ce cas, le plancher salarial serait de 48 millions au minimum.

Lorsque la nouvelle convention collective a été signée à l'été 2005, le premier plafond salarial a été établi à... 39 millions! Ce chiffre modeste rappelle la formidable croissance de la LNH depuis six ans.

Le paradoxe tient évidemment aux énormes difficultés financières rencontrées par plusieurs concessions. Le quotidien The Arizona Republic a dévoilé un document fascinant cette semaine. Il rend compte des pertes des Coyotes pour la période du 1er septembre au 31 mars dernier: 36,6 millions!

Ce chiffre est tiré d'une série de sept lettres expédiées mardi par la LNH à la Ville de Glendale. Chacune d'elles précise les pertes encourues par les Coyotes chaque mois: 2,9 millions en septembre, 3,8 millions en octobre, 5,7 millions en novembre, 6,8 millions en décembre et ainsi de suite...

Depuis la faillite de l'équipe en 2009, la LNH dirige les Coyotes. Si l'équipe est demeurée en Arizona cette saison, c'est parce que la Ville de Glendale s'est engagée à éponger 25 millions des pertes anticipées. Eh bien, la facture est arrivée! Et Glendale doit rembourser la LNH dès lundi prochain.

L'Institut Goldwater, qui s'oppose à la vente des Coyotes à Matthew Hulsizer, un homme d'affaires de Chicago, n'a pas raté si belle occasion: «Les Coyotes ont perdu 36,6 millions. Les contribuables de Glendale doivent payer 25 millions. Et la Ville veut engager 100 millions supplémentaires?»

Non, tout ne tourne pas rond au royaume de la Ligue nationale.

Malgré le programme de partage de revenus qui fournit une aide aux équipes moins bien nanties, exploiter une concession de la LNH demeure une entreprise hasardeuse dans plusieurs villes. Les concessions établies dans des marchés à bas revenus éprouveront toujours des ennuis à garder la tête hors de l'eau.

Une équipe comme les Thrashers d'Atlanta, par exemple, s'inquiète sûrement de l'augmentation du plancher salarial en vue de la prochaine saison. Leurs pertes sont estimées à 25 millions annuellement, selon des documents déposés en cour plus tôt cette saison.

Au Canada, le problème se pose différemment. Tant que le huard se maintiendra au pair avec le billet vert de l'Oncle Sam, le bilan des formations canadiennes sera positif. Mais en cas inverse, les problèmes réapparaîtront, puisque les joueurs sont payés en devises américaines.

Voilà pourquoi il est si difficile de prédire si Québec et Winnipeg, qui souhaitent accueillir de nouveau une équipe de la LNH, profiteraient de chances de succès à long terme. La valeur du dollar constitue un élément imprévisible qui peut les toucher de façon positive ou négative.

Le Canadien est bien loin de tous ces problèmes. Peu importe le plafond salarial, Pierre Gauthier pourra l'atteindre sans problème compte tenu des ressources financières de l'organisation. Voilà pourquoi il a moins droit à l'erreur que plusieurs de ses homologues.