Comme symbolique, on ne pouvait trouver mieux. C'est au restaurant 9-4-10 du Centre Bell que l'annonce de la tenue d'un sommet du hockey québécois a eu lieu, hier midi.

Neuf, quatre et dix, ce sont les trois numéros magiques de l'histoire de notre hockey. Les joueurs les ayant portés, Maurice Richard, Jean Béliveau et Guy Lafleur, ont façonné notre conception de ce sport et alimentent toujours nos souvenirs.

À leur époque, aucun sommet n'était nécessaire pour permettre à notre hockey de se développer et à nos joueurs de rayonner dans toute l'Amérique. Le Québec était un berceau du hockey. Le Canadien composait la plus influente organisation de la LNH, le siège social du circuit était à Montréal et la majorité de nos meilleurs athlètes choisissaient le hockey comme sport de prédilection.

Les temps ont changé. Aujourd'hui, ce sont des Américains qui tirent les ficelles de notre sport national. Dans ses bureaux de New York, Gary Bettman est mille fois plus préoccupé par la survie des Coyotes de Phoenix ou des Stars de Dallas que par le développement du hockey québécois.

À l'époque où les numéros 9, 4 et 10 multipliaient les exploits sur la patinoire, la LNH ne se montrait pas aussi désintéressée. Le Québec constituait alors une pépinière essentielle à la croissance du circuit.

La chute du rideau de fer, couplée à l'émergence du hockey américain, suédois et finlandais, a profondément changé la donne. En quelques années, la LNH a été le théâtre d'une formidable internationalisation.

Voilà pourquoi, si le Québec veut demeurer un acteur de premier plan sur la scène du hockey, il est essentiel que les forces vives de ce sport se regroupent autour d'un projet commun. Et travaillent ensemble à l'élaboration d'un plan cohérent pour l'avenir.

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En écoutant les présentations d'usage hier midi, j'ai néanmoins éprouvé un sentiment de malaise.

Il y avait là Gilles Courteau, commissaire de la Ligue de hockey junior majeur du Québec, incapable de résister à l'envie de lancer des fleurs à sa ligue, «un tremplin vers des carrières gratifiantes».

À ses côtés, Sylvain Lalonde, de Hockey Québec, nageait entre deux eaux, tiraillé entre l'idée de célébrer les succès réels de son organisation, tout en reconnaissant que les défis demeuraient nombreux.

Au bout de la table, Pierre Gauthier, DG du Canadien, applaudissait l'initiative, mais ses propos laissaient croire que l'organisation n'assumerait pas un rôle de leadership durant ce sommet. «Ce n'est pas une occasion pour faire avancer nos objectifs», a-t-il dit.

Comment expliquer ces réactions?

D'abord, Hockey Québec et la LHJMQ semblent sur la défensive dans leurs communications publiques. Le petit nombre de joueurs québécois repêchés par la LNH au cours des dernières années, combiné à quelques incidents violents dans le hockey junior, les a placés sur la sellette. Dans cette situation, il est humain de vouloir se justifier plutôt que de reconnaître l'existence de problèmes.

Quant au Canadien, on sent que toute la question de la minuscule représentation québécoise au sein de la formation, jumelée aux critiques suscitées par ses choix au repêchage, lui donne l'impression de marcher sur des oeufs lorsque ces enjeux sont évoqués.

Pierre Gauthier a rappelé hier certaines initiatives de l'organisation, comme l'attribution de bourses d'études à de jeunes hockeyeurs et la construction de patinoires extérieures dans certains quartiers de Montréal. Ces initiatives sont exceptionnelles et il faut les saluer. Mais ce n'est pas vraiment de cela qu'il est question ici.

Que ça lui plaise ou non, le Canadien a un rôle majeur à jouer dans le développement de notre hockey. Malheureusement, je ne crois pas que cela fasse consensus au sein de l'organisation.

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Si je garde espoir que ce sommet conduise à des résultats positifs, c'est beaucoup en raison des propos des principaux intéressés, une fois la portion officielle de la conférence de presse terminée.

Suffit de s'asseoir pendant quelques minutes avec Sylvain Lalonde pour réaliser que Hockey Québec a bien cerné les enjeux. La réflexion amorcée au tournant des années 2000 a amélioré l'encadrement des jeunes joueurs. Mais il faudra poursuivre la progression et explorer de nouvelles idées.

Gilles Courteau, de son côté, fait une lecture claire de l'état de sa ligue. Et il sait qu'il doit aborder l'exercice dans un climat d'ouverture. Ce sommet, c'est en partie à lui qu'on le doit.

Quant au Canadien, Pierre Gauthier a annoncé que plusieurs membres de l'organisation participeraient aux discussions. Cela augmentera forcément leur niveau de sensibilité aux problèmes du hockey québécois. Souhaitons aussi que Gauthier, expert en développement des joueurs, prenne une part active aux échanges.

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Les quatre points à l'ordre du jour sont bien choisis. Je regrette néanmoins qu'aucun d'eux ne traite du cheminement de nos «hommes de hockey», pour reprendre l'expression consacrée.

Pour qu'un plus grand nombre de nos compatriotes évoluent dans la LNH, il faudra augmenter le nombre de Québécois au sein du personnel hockey des équipes. Ce sont ces contacts qui font souvent la différence.

Un exemple: Marc-André Bergeron aurait-il reçu une offre du Lightning de Tampa Bay sans la présence dans l'organisation de Guy Boucher et Julien Brisebois?

Cela dit, peu importe les écueils, j'applaudis la mise sur pied de ce sommet. Que tous les gens préoccupés par l'avenir de notre hockey en discutent publiquement représente une nouveauté bienvenue.

Avant d'affirmer qu'il s'agira d'un exercice bidon, donnons la chance aux décideurs de nous impressionner. Pour le bien de notre hockey, on ne demande pas mieux.

Photo: Robert Skinner, La Presse

Le chef de l'exploitation de Hockey Canada, Scott Smith, le directeur général de Hockey Québec, Sylvain B. Lalonde, le commissaire de la Ligue de hockey junior majeur du Québec, Gilles Courteau, et le directeur général du Canadien de Montréal, Pierre Gauthier.