Ça jouera du coude et les mises en échec seront nombreuses, aujourd'hui, à Québec. Comme par osmose, la commission parlementaire sur le nouvel amphithéâtre prendra l'allure d'une finale de la Coupe Stanley. Et cinq joueurs seront à suivre.

D'abord, Régis Labeaume. Dans une stratégie risquée, le maire de Québec a multiplié les déclarations incendiaires depuis deux semaines, lorsqu'il a compris que son projet de loi privé, visant à bétonner l'entente entre la Ville de Québec et Quebecor Media, suscitait la méfiance.

Fort de l'appui massif des citoyens de Québec, selon un sondage du Soleil, M. Labeaume a saisi toutes les tribunes pour crier son amertume face à ce vent de contestation, incarné par le député de Québec solidaire, Amir Khadir, et l'ancien directeur général de la Ville de Québec, Denis de Belleval.

Bagarreur et impulsif, M. Labeaume sait qu'il disputera le plus gros match de sa carrière politique, lorsque la séance s'amorcera. Ses conseillers et lui ont travaillé d'arrache-pied pour préparer la meilleure présentation possible.

M. Labeaume conservera-t-il son calme lorsque M. Khadir l'interrogera? En commission parlementaire, celui-ci a le don d'irriter les gens de pouvoir. Henri-Paul Rousseau et Lucien Bouchard peuvent en témoigner. M. Labeaume profite d'une chance en or pour expliquer son projet. Pour la qualité du débat, souhaitons qu'il la saisisse.

Un des défis de M. Labeaume sera de préciser pourquoi l'adoption de la loi est si urgente. Car dans l'état actuel des choses, on a l'impression que le rêve d'attirer rapidement une équipe de la Ligue nationale de hockey (LNH) à Québec chapeaute toutes les décisions.

Pourtant, lorsque le gouvernement Charest a consenti 200 millions de dollars à la construction du nouvel amphithéâtre, on nous a répété que cet édifice était nécessaire pour l'est du Québec, Ligue nationale ou pas.

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Les yeux seront aussi tournés vers Pierre Karl Péladeau, étrangement silencieux depuis le début de cette controverse.

L'occasion sera belle de vérifier la nature de son engagement envers la ville de Québec. M. Labeaume a laissé entendre que si le contrat avec Quebecor Media n'est pas signé en bonne et due forme le 7 septembre prochain, la Ville se retrouvera sans partenaire.

Est-ce vraiment le cas? Quebecor Media a-t-elle une date butoir en tête? Certes, on peut comprendre que l'entreprise n'aura pas le goût d'étirer ce dossier pendant des années.

Mais au moment où elle vient de lancer une chaîne spécialisée dans les sports, qui prendra l'antenne en septembre, on peut croire que son souhait d'obtenir une équipe de la LNH est plus grand que jamais. Même si le processus devait s'étirer.

Comme le démontre l'expérience de Winnipeg, la patience constitue une clé de la réussite dans ce dossier. Il a fallu quatre longues années aux promoteurs locaux pour convaincre la LNH de s'établir au Manitoba.

M. Péladeau possède quelques belles cartes entre les mains, notamment en ce qui concerne la somme versée en retour du droit d'appellation du nouvel amphithéâtre. On verra comment il les jouera.

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Le troisième joueur à surveiller s'appelle Denis de Belleval. Ses états de service dans l'administration publique sont impressionnants. En déposant mardi une requête en nullité contre l'entente entre la Ville de Québec et Quebecor Média, il s'est placé au coeur du dossier.

M. de Belleval, homme rompu à la communication publique, aurait avantage à bien expliquer ses motivations.

Est-il contre le projet de nouvel amphithéâtre pour des raisons économiques? Est-il plutôt opposé à la présence du sport professionnel à Québec? Veut-il surtout dénoncer une loi qui, si elle était adoptée, le priverait d'un droit, celui de contester en justice un contrat signé par une Ville?

À force de frapper sur tous ces clous à la fois, et à crier son indignation, le sens de sa démarche semble flou. M. de Belleval aurait avantage à mieux cibler son message. Par respect pour ses concitoyens, dont une grande partie ne pense pas comme lui.

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On retrouvera aussi Amir Khadir, celui qui, au bout du compte, placera le gouvernement devant un choix difficile.

À moins d'une surprise majeure, M. Khadir refusera son consentement à la tenue d'un vote sur le projet de loi. Le gouvernement devra alors décider s'il en incorpore les dispositions à une loi omnibus qui sera adoptée avant la fin de la session.

Politiquement, autant chez les députés qu'au sein de la population en général, des expédients semblables créent un malaise. Surtout lorsqu'il est question de fonds publics et de sport professionnel.

En revanche, si le gouvernement reporte le dossier à l'automne, privant ainsi M. Khadir de son veto, MM. Labeaume et Péladeau montreront peut-être moins d'enthousiasme envers le nouvel amphithéâtre.

Tout cela signifie une chose: en prolongation, un cinquième joueur apparaîtra. Il s'appelle Jean Charest et sa décision risque de faire la différence dans le match.