L'opération sentait le piège à plein nez. D'abord, ce référendum en plein été, alors que les citoyens n'ont pas la tête à des consultations publiques sur des règlements d'emprunt.

Ensuite, cette promesse insolente du promoteur du projet: si les électeurs approuvent ma demande, je rembourserai les 2 millions liés à la tenue du vote. Sinon, les contribuables assumeront la facture!

Au cours des dernières années, on a vu des dirigeants d'équipe pousser très loin le cynisme pour aspirer des dollars publics. Mais le culot de Charles Wang, proprio des Islanders de New York, a renouvelé le genre: marchander l'exercice de la démocratie.

Heureusement, le 1er août dernier, les électeurs du comté de Nassau, en banlieue de New York, ont opposé un non retentissant à la proposition d'investir 400 millions dans la construction d'un nouvel amphithéâtre. Et le piège s'est refermé sur les Islanders.

Deux heures après la fermeture des bureaux de vote, l'affaire était entendue. Malgré un faible taux de participation - 17% des électeurs inscrits -, une majorité claire, 57%, a rejeté le plan grossier de Wang. Celui-ci croyait pourtant qu'un vote estival favoriserait sa démarche, en accordant un poids démesuré aux électeurs les plus motivés, c'est-à-dire les fans de l'équipe. Mais dans un contexte de crise financière aux États-Unis, un vent de contestation s'est levé.

Wang, sans surprise, avait présenté son projet comme un cadeau du ciel pour les résidants du comté de Nassau: retombées économiques, création d'emplois, nouveaux revenus de taxation, toutes les données habituelles y étaient, appuyées par ces tableaux de chiffres aux couleurs vives qu'affectionnent les firmes de consultants.

La direction de la LNH appuyait sans réserve le plan Wang. Au lendemain de son échec, Gary Bettman a manifesté sa peine, qualifiant le résultat «d'évolution non positive». Charles Wang a ajouté que son propre coeur était «brisé».

Tout ce dossier nous a aussi permis de découvrir un personnage fascinant, Edward Mangano, chef du comté de Nassau, dont la gestion maladroite depuis son élection en novembre 2009 a forcé une commission de l'État de New York à superviser son budget. À propos de M. Mangano, le New York Times a récemment écrit ceci en éditorial: «La commission l'a souvent critiqué pour ses trucs budgétaires insignifiants, comme ses tentatives de comptabiliser de l'argent emprunté comme des revenus».

Mangano était le principal allié de Wang dans ce dossier.

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Le bail des Islanders les oblige à demeurer à Uniondale jusqu'à la fin de la saison 2014-2015. Non, ils ne transféreront pas leurs pénates à Québec. La LNH se battra bec et ongles afin qu'ils demeurent dans le marché new-yorkais, une vitrine exceptionnelle pour les sports majeurs.

Pour l'instant, la rumeur les envoie à Brooklyn, où un nouvel amphithéâtre destiné aux Nets du New Jersey, de la NBA, est en construction. Seul problème: dans une éventuelle configuration hockey, le nombre de sièges frôlerait à peine 14 000, encore moins qu'à Winnipeg. Mais il coulera beaucoup d'eau sous les ponts avant d'en arriver là et le dossier connaîtra d'autres rebondissements.

Cette première manche terminée, on peut néanmoins tirer une conclusion significative. La LNH éprouvera de nouveau des problèmes majeurs avec ses nombreuses équipes en difficulté.

D'une part, la crise de confiance envers l'économie américaine, provoquée par la crise de la dette et l'incapacité des deux grands partis à trouver des pistes permanentes de solution, rend les prêteurs nerveux.

Dénicher du financement pour acheter une équipe ou construire un nouveau stade constitue un défi de plus en plus lourd. Et rien ne laisse présager un assouplissement à ce niveau. Cela explique en partie pourquoi la vente des Stars de Dallas, pourtant une propriété sportive intéressante, traîne en longueur depuis plusieurs mois.

D'autre part, les citoyens ne gobent plus aussi facilement les discours des promoteurs, pour qui le financement public d'installations sportives ne peut que favoriser l'économie locale. À ce niveau, je pense qu'on mesure encore mal l'impact dévastateur provoqué par l'Institut Goldwater l'hiver dernier.

En s'opposant avec énergie au projet de la Ville de Glendale de financer l'achat des Coyotes de Phoenix par l'homme d'affaires Mathew Hulsizer, ce groupe de pression, très à droite sur l'échiquier politique, a fait reculer la LNH. Gary Bettman a été mis K.-O. par Darcy Olsen. La présidente de l'Institut Goldwater a mené une exceptionnelle campagne de communications.

Avec le recul, il est clair que Bettman n'a jamais flairé le danger réel posé par Darcy Olsen et son groupe. Pendant des semaines, il s'est contenté de la traiter de haut, lui reprochant notamment de ne pas être élue! Comme si seuls les élus avaient droit de parole dans la société.

Au bout du compte, Bettman s'est incliné, non sans avoir convaincu la Ville de Glendale d'éponger de nouveau en 2011-2012 les premiers 25 millions de pertes des Coyotes. Le commissaire, malgré tout, conserve un as ou deux dans sa manche.

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La tournure des événements à Glendale, où est érigé l'aréna des Coyotes, a sûrement influencé le résultat du vote à Uniondale. Les citoyens sont plus réticents que jamais à financer le sport professionnel, avec ses magnats et ses joueurs millionnaires.

Cela explique peut-être le désir de Régis Labeaume et de Pierre Karl Péladeau de blinder au plus vite leur entente à propos du nouveau Colisée de Québec. L'opinion publique peut changer rapidement, comme les dernières élections fédérales l'ont montré.

Dans un an, qui peut prédire si la subvention de 200 millions du gouvernement Charest en vue de la construction du nouvel amphithéâtre passera aussi facilement la rampe?