La perte de crédibilité de la LNH est énorme. Voilà le constat essentiel à la suite du Sommet du hockey québécois. Les dirigeants du hockey amateur ne se tournent plus vers le circuit Bettman pour trouver une source d'inspiration. Il s'agit d'une rupture brutale avec le passé.

Un seul motif explique cette désaffection envers la LNH: sa gestion molle du dossier des commotions cérébrales, mise en lumière par le cas Sidney Crosby.

Pendant que la LNH ergote sur d'éventuelles solutions, déchirée entre les influences des dinosaures et des progressistes, Hockey Canada a adopté une politique de tolérance zéro envers les coups à la tête. Cette règle sera en vigueur dès cette saison, dans les rangs mineurs comme dans les ligues junior majeur du Québec, de l'Ontario et de l'Ouest.

Vendredi, à l'ouverture du Sommet, j'ai discuté avec plusieurs décideurs du hockey canadien réunis au Centre Bell. Devant l'absence de leadership de la LNH, ils ont pris les choses en main. À l'avant-plan de l'opération, on retrouve Bob Nicholson, président de Hockey Canada, un homme aux yeux vifs et aux convictions profondes.

«Notre boulot, c'est d'influencer la LNH, m'a-t-il expliqué. Les joueurs qui grandissent dans le système canadien comprendront qu'il existe une meilleure manière de jouer au hockey, sans donner de coups à la tête ou sans frapper un adversaire dans une position vulnérable. C'est une question de respect.»

Le pari de Hockey Canada est simple: lorsqu'ils arriveront à la LNH, ces jeunes joueurs auront développé un nouvel état d'esprit. Et leur manière de penser fera consensus. «La sensibilisation commence très jeune, a ajouté Nicholson. Le hockey demeurera un sport dur. Mais les joueurs apprendront à frapper sans toucher la tête de leur adversaire.»

Nicholson sait que des difficultés surviendront dans l'implantation de cette tolérance zéro. Pour vaincre les résistances, des formules-chocs sont utilisées. Ainsi, Gilles Courteau, commissaire de la Ligue junior majeure du Québec, n'hésite pas à parler de «coups au cerveau» plutôt que de «coups à la tête» lorsqu'il rencontre des sceptiques. Cela produit immanquablement son effet.

Puisqu'il est question de Gilles Courteau, je l'ai rarement aperçu si enthousiaste. La LHJMQ connaît une transformation avec l'arrivée de sang neuf dans le cercle des meneurs.

«On compte sur une nouvelle vague de dirigeants, m'a-t-il dit. Philippe Boucher à Rimouski, Joël Bouchard à Blainville, Marc Fortier à Chicoutimi, tous ces gars apporteront leur contribution.

«Ils sont déjà actifs dans nos comités. L'autre jour, en réunion, on montrait des séquences de coups à la tête pour expliquer la nouvelle réglementation. Soudain, sur un jeu, quelqu'un a lancé que le coupable n'avait pas agi de manière intentionnelle. Joël Bouchard a rétorqué qu'il s'était fait battre de vitesse quelques secondes auparavant et que ça expliquait son geste. C'était très convaincant!»

Combien de directeurs généraux de la LHJMQ parlent parfaitement... allemand? J'en connais au moins un, Marc Fortier, des Saguenéens de Chicoutimi.

L'ancien numéro 9 des Nordiques, présent au Sommet, a joué plusieurs saisons en Europe après son séjour dans la LNH, notamment en Suisse alémanique et à Berlin. Il a appris la langue et voyagé partout sur le continent. «Des années formidables», m'a-t-il dit.

Fortier, un type solide, a profité avec succès de l'internationalisation du hockey. Ce sera intéressant de surveiller son travail à Chicoutimi.

On connaît tous Maxime Talbot, vainqueur d'une Coupe Stanley avec les Penguins de Pittsburgh et désormais membre des Flyers de Philadelphie.

Derrière ce guerrier se cache un homme attachant, qui a ému beaucoup de gens en racontant avec des mots simples son parcours vers la LNH. Il aurait fallu filmer ses propos et les diffuser à tous les jeunes joueurs du Québec. Comme source d'inspiration, difficile de trouver mieux.

«Je me souviens du jour où j'ai appris avoir obtenu un poste avec les Penguins, a-t-il raconté. C'était après l'entraînement et le coach est venu m'annoncer la nouvelle. Je suis allé m'asseoir seul dans les gradins de l'aréna, j'ai appelé mes parents et j'ai pleuré. Imaginez, j'étais un choix de huitième ronde... Aujourd'hui, il n'y a même plus huit rondes au repêchage! Ça donne une idée d'où je viens...

«Je ressens la même émotion à chaque partie que je joue. Je ne score pas beaucoup de buts, mais quand j'en marque un, il y a une émotion qui vient me chercher. On a la chance de jouer au hockey dans la LNH. Il n'y pas de feelings pour décrire ça...»

Le Québec ne compte peut-être pas beaucoup de représentants dans la LNH, mais un gars comme Talbot nous fait honneur.

Sur la tribune, Talbot était flanqué de Joël Bouchard. Propulsé dans le rôle de dirigeant d'équipe junior, l'ancien défenseur m'a semblé libéré des contraintes de la télévision, où on devinait son désir de ménager les susceptibilités de chacun. Il a parlé directement, surtout lorsqu'il a identifié la qualité numéro un pour faire carrière au hockey.

«Le joueur veut-il jouer ou non? Toute la question est là. Si ses motivations sont l'argent, les filles, la voiture ou être vu à la télé, son affaire n'ira pas très loin. Les joueurs qui atteignent la LNH ne sont pas nécessairement les 700 meilleurs. Mais ce sont des gars qui veulent et qui ont compris ce qu'il fallait faire pour réussir.»

Comment augmenter le nombre de jeunes joueurs de hockey au Québec? Le retour des Nordiques représenterait une partie de la solution. Sylvain Lalonde, l'énergique directeur de Hockey Québec, me rappelait le lien de cause à effet entre la vente des Nordiques en 1995 et la chute des inscriptions. Sans surprise, la grande région de Québec a été particulièrement touchée.

On compte aujourd'hui 110 000 gars et filles inscrits à Hockey Québec, soit 15 000 de moins qu'en 1995. «Mais nous sommes descendus jusqu'à 85 000, a expliqué Lalonde. On a réussi à renverser la tendance et on est en augmentation depuis six ans.»

N'en reste pas moins que le hockey, jadis le sport de prédilection, affronte désormais la concurrence du soccer, du football, du ski et des autres sports de glisse... Cela est extrêmement sain.

Je conclus avec une théorie énoncée par Pierre Boivin, l'ancien président du Canadien, dans un atelier sur le leadership à l'ouverture du Sommet. «On ne peut pas faire confiance à quelqu'un à 99%. Dans les domaines de la confiance et de l'intégrité, il n'y a pas de degrés. C'est 0% ou 100%.»

Photo: AP

La LNH  a perdu de la crédibilité en fermant les yeux sur les coups qui font tomber les meilleurs joueurs, dont Sidney Crosby.