Pour certains partisans du Canadien, chaque défaite de l'équipe est une bonne nouvelle.

Puisque la saison est fichue, aussi bien terminer au dernier rang et obtenir le premier choix au repêchage. Ce sera, selon eux, la relance idéale.

Cette idée, comme l'expliquait hier mon collègue Richard Labbé, a un nom: «Fail for Nail», c'est-à-dire échouer pour obtenir Nail Yakupov, le meilleur espoir junior. Ou, à défaut, un autre joueur d'élite, qui sera choisi parmi les premiers en juin.

La direction du Canadien, soyez-en sûrs, ne pense pas ainsi. Car il s'agirait d'un pas vers des années de petite misère. Lorsqu'une organisation rêve d'une solution miracle pour retrouver la voie du succès, elle affaiblit sa culture d'entreprise et sombre dans la médiocrité.

Voici six raisons pour lesquelles le Canadien luttera jusqu'au bout afin de stopper sa chute.

1- La remontée n'est pas automatique

La LNH n'est pas comme un saut en bungee, où la bande élastique ramène les plus intrépides vers le haut après avoir frôlé le fond du précipice.

Les équipes qui s'enfoncent au classement ont la malheureuse habitude d'y demeurer longtemps. Depuis le lock-out de 2004-2005, les Islanders, les Maple Leafs, les Panthers, les Thrashers-Jets, les Coyotes et les Blue Jackets n'affichent collectivement que cinq participations aux séries en six saisons!

La défaite s'est inscrite peu à peu dans leur code génétique. Cela a plombé leur confiance organisationnelle.

Résultat, ces équipes ont multiplié les mauvaises décisions, souvent prises dans la panique. Leurs jeunes joueurs ont grandi dans un environnement vicié, sûrement pas la meilleure façon de démarrer leur carrière.

2- Un premier choix n'est pas une garantie de succès

Nail Yakupov, ou un autre espoir de renom, ne transformera pas instantanément une mauvaise équipe en prétendante à la Coupe Stanley. Pas plus que Rick Nash (Columbus), John Tavares (Islanders) ou Taylor Hall (Edmonton) ne l'ont fait. Tous les premiers choix ne sont pas des Sidney Crosby.

Si le Canadien termine dernier et repêche Yakupov, la pression sur ce jeune homme sera immense.

Imaginez: plusieurs jugent déjà sévèrement P.K. Subban, pourtant le 43e choix de 2007, et qui n'en est qu'à sa deuxième saison complète dans la LNH! Il est le plus bel espoir du Canadien depuis très longtemps, mais les reproches à son endroit sont nombreux.

Un jeune joueur doué est un élément de solution, pas un remède miracle.

3- Médiocrité = rébellion des fans et des médias

Dans la LNH, lorsqu'une équipe s'enfonce dans la mélasse, il est très dur de s'en extirper à moyen terme. J'imagine mal les partisans et les journalistes accepter que le Canadien rate les éliminatoires plusieurs saisons de suite.

C'est peut-être possible à Toronto, où la dernière participation des Leafs aux séries remonte au printemps 2004, mais pas à Montréal. Pas avec tout l'intérêt que génère l'équipe.

À Toronto, les journaux et les chaînes de sport parlent aussi des Blue Jays et des Raptors. À Montréal, il n'y en a que pour le Canadien.

Lorsque l'équipe gagne, cette popularité se transforme en atout; lorsqu'elle perd, elle devient un poids. Et comme on le voit cette saison, cette pression peut miner le bon jugement des dirigeants.

4- Les joueurs autonomes

Si le Canadien s'abonne aux dernières places du classement, l'impact sur sa réputation dans la LNH sera mauvais. Comme ce fut le cas des Expos avec leurs ventes de débarras. Les équipes qui suscitent le respect multiplient les efforts pour gagner, même lorsque ça va mal.

Le jour où le Canadien sera perçu comme une organisation de deuxième ordre, il lui sera très difficile d'attirer des joueurs autonomes de renom. Pour les convaincre, il devra les surpayer.

Un exemple: les Blue Jackets ont embauché James Wisniewski l'été dernier. Mais vaut-il vraiment 33 millions pour six ans?

5- L'exemple des Oilers

On s'entend là-dessus: les Oilers pourraient devenir une puissance de la LNH. Mais ce n'est pas encore fait. Ils rateront les séries une sixième fois d'affilée cette saison, même s'ils ont obtenu le premier choix en 2010 et 2011. Sans compter le sixième en 2007 et le 10e en 2009.

Lorsque tous leurs bons jeunes joueurs seront à maturité, les Oilers pourront-ils conserver leurs services?

Quel sera l'impact du plafond salarial sur les plans de l'organisation? Sans oublier l'acquisition de l'autonomie, désormais accordée à l'âge de 27 ans ou après sept saisons complètes dans la LNH.

Bref, les Oilers récolteront-ils les fruits de ces saisons misérables?

6- L'impact néfaste sur les finances

Rater les séries éliminatoires, c'est perdre des millions en revenus. Je persiste à croire que si Pierre Gauthier est remercié, ce sera d'abord pour cette raison, bien plus que pour le désastre de relations publiques provoqué par la nomination d'un entraîneur unilingue anglophone.

De mauvais résultats sur la glace diminuent les revenus de billetterie, de restauration et de vente de produits dérivés. L'impact négatif sur les cotes d'écoute et les partenariats d'entreprises est réel.

Conclusion

Si le Canadien obtient un des premiers choix au prochain repêchage, qu'il profite de l'occasion.

Mais d'ici là, malgré les lamentables erreurs de cette triste saison, il doit viser l'excellence et former ses jeunes dans le respect de sa tradition gagnante. Tout le reste constitue une mauvaise idée.

Non à «Fail for Nail».

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Le Conference Board du Canada affirme que la ville de Québec possède les atouts pour accueillir une équipe de la LNH. À lire sur le blogue de Philippe Cantin.

Photo: AP

Les équipes médiocres peinent à attirer les joueurs autonomes qu'elles doivent surpayer. Un exemple: les Blue jackets ont versé 33 millions pour six ans au défenseur James Wisniewski.